Les bases de la durée de vie
Surfant sur le net, je suis tombé sur un article traitant avec un enthousiasme certain de la durée de vie des jeux vidéo. Le fil rouge était l'hymne aux jeux courts mais intenses. Ahhhhhh, ce vieil étalon décrépi plus bon à rien qui nous pousse fréquemment, nous les joueurs, à systématiser de vains combats. Nous autres "Gamers" qui ne cherchons que trop rarement à comprendre nos vrais besoins, nous contentant de ce qu'on nous offre "gracieusement". Je suis de ceux qui soutiennent l'effort des développeurs à vouloir nous proposer des expériences profondes et soutenues. Je suis de ceux qui pensent qu'un jeu court n'est pas mécaniquement mauvais, mais perd alors une part de son intérêt, préférant la facilité émotionnelle à une clairvoyante circonspection. Je suis de ceux qui pensent qu'un jeu ne doit pas se contenter d'être un produit éphémère, soutenu par d'exubérants artifices marketing. Pourquoi ? Parce que je suis de ceux qui pensent que pour profiter d'une expérience, il faut y être progressivement immergé afin de prendre son défi au sérieux. Je suis de ceux qui savent apprécier les choses simples, dès lors qu'elles s'autorisent à ne pas être que des choses sans intérêt. Qu'on me parle de
Call of Duty 4 et de son aventure soutenue, je suis entièrement réceptif. Une incroyable efficacité émotionnelle au service d'une intrigue autrement plus discutable. Si le seul argument est de m'affirmer que l'expérience de jeu propose un spectacle "Hollywoodien" (avec toute la pauvreté intellectualisante qu'on peut lui associer), je me sens floué. L'action pour l'action, ce n'est pas nouveau, ça a toujours existé et ça existera probablement toujours. Mais pourquoi le fait d'accroitre les budgets des jeux nous obligerait-il à devoir nous contenter de défouloir dont l'intensité de l'action annihilerait l'intérêt scénaristique, s'offrant le luxe de repousser les plus mauvaises expériences cinématographiques du genre dans leurs retranchements. Il est facile de dire que les jeux longs sont des jeux forcément régentés par une absence d'originalité et une répétitivité exacerbée. Les jeux de rôle, trop souvent sur le front, sont les fantassins d'une guerre injuste, envoyés à l'abattoir pour l'intérêt d'autres partis. Mais la question est-elle vraiment de confronter des ambitions différentes ? Tout n'est qu'une question de dosage ! Passer rapidement sur un scénario d'une pauvreté affligeante, est-ce mieux que de faire la part belle à la contemplation, l'imagination et la découverte ? Une question de désir et de dosage. Prenons
The legend of Zelda Twilight Princess sur Wii. Sous certains aspects, l'histoire se développe de manière on ne peut plus classique. Description du bien, du mal, du héros qui pourra tout changer et de l'univers qui en est affecté. Classique, mais la progression et le rythme laissent le temps au joueur de découvrir les subtilités d'un univers aussi vaste qu'intelligemment construit. Plus l'aventure avance, plus on prend sa mission à cœur, plus le travail des développeurs est contemplé, et plus on constate les subtilités d'un merveilleux gameplay. D'un autre côté, on peut trouver
Shadow of the colossus, dont l'histoire n'est qu'un prétexte à la contemplation. Dès les premières minutes, le ton est donné. Inutile de trop en dire, inutile de trop en dévoiler. Le minimum suffit. Dès les premières minutes de jeu, la quête semble déjà nous dépasser. Mais quel est donc l'intérêt de poursuivre ces fameux colosses de pierres et d'argile ? Quel est le but inavoué d'une telle quête ? On ne sait rien, et pourtant... Et pourtant, au bout de quelques géants, le jeu dévoile son potentiel. Chaque aberration de la nature dévoile ses subtilités. Le joueur, aux commandes d'un gameplay brut et intelligent, en dehors de toute interface disgracieuse, de toute restriction, doit mener sa quête à bien, sans qu'il sache précisément ni comment, ni pourquoi. Cette approche scénaristique prouve que nul ne sert de materner le joueur pour atteindre son but, le divertir. Mais ce genre d'aventure, bien que particulièrement valorisante pour le joueur désireux de se construire son propre destin, connaît souvent un échec populaire... Serait-ce, à l'ère de l'image toute puissante, les fondements d'un conflit éthique, d'une confrontation entre image et imaginaire ? Que recherchent le joueur moderne ? Vers quel étrange dessein court cette entité aussi indéfinissable que clairvoyante, dont on nous rabat les oreilles à la moindre occasion ?
Qu'est-ce qu'un jeu long ?
Avec de tels exemples, on comprend vite qu'il est possible de nous proposer des expériences de jeu profondes, soutenues ET longues, sans pour autant s'engouffrer volontairement dans les travers de la facilité émotionnelle ou conceptuelle. Alors pourquoi devrions-nous nous contenter d'aventures bridées, quand on sait à corps et à cris qu'on aurait pu avoir une expérience digne du médium qu'est le jeu vidéo, longue, intense et qui nous laisse un souvenir impérissable ? Et ce n'est pas l'excellentissime
Resident Evil 4 qui me fera dire le contraire. Avec cette œuvre unique, Capcom a réorienté son jeu d'horreur vers une action plus "contemporaine", proposant dans le même temps une des dernières grandes œuvres d'aventure en date, faisant preuve d'une rigueur de mise en scène, d'action et une intelligence de scénario (pas d'un scénario intelligent... ), tenant le joueur en haleine sur plus d'une trentaine d'heures. Le tout rythmé d'une manière absolument exemplaire, sans quasiment aucun temps mort. Exceptionnel ?! Certainement... Unique ?! Certainement pas... Quand on prend un peu de recul, on constate avec assez d'effroi que les jeux longs, excitants et complets n'ont jamais été légion (en proportion, pas en absolu). De nos jours, on en fait parfois toute une histoire, mais à mieux y regarder, ils sont aussi rares que la notion de "durée de vie" est floue. Car comment définit-on la durée de vie ? Peut-elle se distinguer de la notion de plaisir ludique ? Peut-elle s'affirmer comme porte parole d'une cause perdue d'avance ? La vraie question ne serait-elle pas de savoir ce que veulent les joueurs? Que recherchent-ils au juste ? Où se situe leur plaisir ? Que dire d'un Shoot'em up, quintessence du jeu de scoreur, où la difficulté, souvent élevée, transcende les joueurs pendant des dizaines et des dizaines d'heures de jeu ? Je ne m'étendrai pas sur un exemple encore plus fameux, un certain jeu de briques russe, popularisé par un géant japonais dans les années 80. Car la notion même de durée de vie semble bien compromise à la simple évocation d'un nom :
Tetris. En revenant sur les plus grands succès de l'histoire du jeu vidéo, nous allons essayer de comprendre cette fameuse notion de "durée de vie" ? Quel mystère cache chacune de ces réussites populaires ? Et si de prime abord une impression transparaît, c'est les irréprochables durées de jeu qu'elles recèlent ; chacune de ces expériences proposant un plaisir unique et renouvelé. Voyageons donc ensemble dans le sillon des 30 plus grands succès du jeu vidéo, au cours de ces 30 dernières années. Revisitons cette histoire qui nous est commune et apprenons ainsi à mieux nous connaitre...