La violence des jeux vidéo

La violence des jeux vidéo
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La théorie du bonnet D

Les jeux de combat ont eux aussi été fondamentalement touchés par l'évolution technologique. Les coups n'ont cessé d'être toujours plus violents, les assaillants toujours plus photoréalistes et les combattantes toujours plus sexy. La finesse visuelle a permis d'approfondir des environnements rarement moins détaillés que les précédents, et plus généralement d'accroître l'immersion. Au-delà de la violence brutale imprégnée de testostérone, s'il existe un domaine connexe, souvent intimement lié dans l'inconscient collectif, et qui a subit de plein fouet l'influence des progrès technologiques, il s'agit de la pudeur.

Tekken 3


Tekken 3


Tekken 5


Tekken 6

Très souvent, les gens (et surtout les femmes nourrissant peu d'intérêt pour les jeux) associent les jeux vidéo aux bimbos siliconées qui peuplent certaines productions. Citer Lara Croft ne semble pas indécent, mais il faut surtout savoir qu'elle n'est ni la seule, ni la plus exhibitionniste. Ces bimbos aux formes généreuses, que l'on croirait sorties de l'imaginaire de quelques artistes frustrés de ne pas faire de la BD hentaï (manga sexy ou explicitement pornographique) peuplent nos univers ludiques. Et si un sport est clairement soumis à cette théorie du bonnet D, c'est bien le volleyball. Des premiers jeux, où l'on peinait à distinguer les proportions sommes toute très relatives des joueurs aux très sérieux Beach Spiker, les temps ont clairement changé. Les amas de pixels ont été sublimés en une architecture parfaitement proportionnée. Ces corps de femmes sculptés dans le fluide hormonal, qui se dandinent sur la plage au couché du soleil. De terrains artificiels en plastique mou, on est passé au sable qui reste délicatement coincé dans le maillot de bain. Bref, un cap a été franchi, pour le plus grand bonheur de nos mirettes viriles. Encore faut-il ne pas outrepasser le mauvais goût ? C'est alors que Dead or Alive Extreme Beach Volleyball est né. Du filtre d'amour subtil de Beach Spiker, on est passé à une ode à la vulgarité. Cet exemple montre qu'avec un bon enrobage, on peut faire passer une œuvre explicitement crue pour un jeu tout ce qu'il y a de normal. Non pas qu'il soit inconcevable de voir naître des softs de cette nature, mais bien plus qu'ils puissent passer outre les filtres de la pudeur. Voir des bimbos siliconées prendre des poses explicites, dans des situations explicites, avec des tenues (quand il y en a) on ne peut plus explicites, c'est passer le cap de la simple partie de volleyball. Et ce sont les ados qui sont aux anges...

Volleyball (nes)


Beachvolley (psone)


Beach Spiker (GC/Wii)


DOA Xtreme Beach


DOA Xtreme Beach

La chasse aux idées reçues

Une autre polémique récente est survenue après la très médiatique interdiction de Manhunt 2 (sur PS2 et Wii). Le jeu, dans sa première mouture, jugé indécemment violent, a été interdit dans bien des contrées. Alors coup médiatique ou réalité ? A priori, on pourrait croire que les modérateurs du secteur ont eu la main lourde. Mais c'est sans avoir vu les invraisemblables scènes de torture et de mutilation imaginées par les gars de chez Rockstar. Avec l'avènement de la Wii, Nintendo nous promettait une nouvelle manière de jouer. Mais avaient-ils prévu que leur wiimote deviendrait une nouvelle manière d'aborder la violence ? Mimer des scènes de torture et d'évicération gratuite n'a-t-il pas plus d'impact sur notre subconscient que d'opérer par une simple combinaison de boutons ? La violence dans quel but ? Quel est le plaisir de faire souffrir, quand de retour dans notre réalité, ces actes sont, à juste titre, sévèrement réprimandés ? Mais surtout, à qui se destine ce genre de productions et comment être sûr qu'elles ne tomberont pas entre de mauvaises mains ? Dans bien des échoppes, les jeux sont accessibles quel que soit l'âge de l'individu. Rares sont les notes de prévention prises au sérieux par le revendeur ou par le consommateur. Quelle est la différence entre un snuff-movie, perpétré par de vrais individus sur de vrais individus et/ou animaux, et un jeu dont vous êtes le héros qui autoriserait les mêmes exactions sous l'aspect d'une criante réalité alternative ? Nos machines de jeux, machines à rêves, machines d'émotions, ne doivent-elles pas être soumise à la même moralité que les autres médias ? Question de culture, d'habitudes, d'attitudes…

Manhunt 2


Manhunt 2


Manhunt 2


Manhunt 2

Ennemi public n°1 : la censure

Censure, censure… Violence des images, violence des propos, violence intentionnelle, conscience perturbée, frénésique âpreté, boulimie de brutalité… Toute proposition artistique est irresponsablement réfléchie, toute contrainte morale ou sociale doit l'être de manière responsable et honnête. La violence, quelqu'en soit le domaine, a toujours dû être réprimée pour ne pas ourtepasser les limites si subtiles de la moralité. Qui pourrait imaginer qu'une quelconque censure, dont l'objectif est de réguler une violence acceptable, puisse contraindre la créativité ? Regardons deux vidéos comparatives de No more Heroes, entre des scènes issues des versions censurées et de la version "originale" américaine :

Est-il possible d'imaginer plus forte censure ? L'interdiction peut être… Nous avons tous connu les camouflages plus ou moins élégants d'une censure devenue quelconque. Que ce soit les gerbes d'hémoglobine verte, la coagulation instantanée et autres progrès de la physique moderne. Mais dans le cas du soft de Suda 51, l'anastasie semble surréaliste. Toute l'ambiance est anéantie. Entre une personne qui se fait découper en morceau, en faisant référence aux films mythiques de samouraïs des années soixante et la même personne qui finalement tombe sans le moindre dégât apparent, il existe une différence qui vraisemblablement ne gênera pas tout le monde. Entre une personne qui se suicide en faisant exploser sa boite cranienne dans un déluge volontairement surréaliste d'hémoglobine et la même personne qui met une grenade dans sa bouche sans qu'elle ne lui inflige la moindre égratignure, il y a une subtile différence que vraisemblablement seuls les plus observateurs pourront habilement distinguer. C'est vrai que pour certains, cela pourraît apparaître comme des broutilles face à l'intention de jeu. Mais entre retirer les gerbes de sang et anéantir toute l'intention scénaristique, il y a une marge de progression. Bien que le plaisir vidéoludique provienne en grande partie de la mécanique de jeu, du plaisir de jouer, le scénario, la mise en scène, et au sens plus large l'histoire sont une artère essentielle des jeux d'aventure. Le fait de modifier un jeu pour des organes de classification semble être un pas en arrière évident et repousse encore un peu la frontière que certains jeux vidéo cherchent inlassablement à tutoyer, l'expression artistique. La dénomination de "jeu consensuel" n'aura jamais connu meilleur exemple. La question de la limite reste posée. Jusqu'où ira-t-on ? La violence comme forme d'autodérision est-elle moralement acceptable dans l'univers vidéoludique ? La réponse est évidemment oui. Ca a existé, et ça existera !Mais tout ceci ne serait-il pas simplement une question de point de vue ? Qu'est-il plus juste ? Censurer lourdement un produit ou le mettre en vente sous des conditions particulières de distribution (ce qui engendrerait un surcoût) ? Evidemment, aucun studio ne peut se permettre d'interdire son jeu ou de le mettre en vente dans des conditions particulières, car en l'état, les ventes ne suivraient pas, la disposition en linéaires étant une donnée économique sans détour. Mais alors, la violence serait-elle différente selon les contrées ? On sait que la morale est une donnée fortement dépendante de la culture régionale. Mais au-delà des raisons évidentes de diversités législatives, comment de tels écarts sont-ils possibles ? Comment un jeu peut-il passer à travers les cribles institutionnels d'un pays et pas d'un autre ? La violence est-elle une donnée si subjective qu'elle ne parvient pas à faire consensus ? Les petits américains sont-ils moins sensibles que les têtes blondes européennes et japonaises ? Dans un contexte différent (mais qui montre bien les travers d'un conservatisme exacerbé face à des pratiques diversement perçues), est-il si invraisemblable de s'offusquer des ancestrales lapidations iraniennes toujours d'actualité ? Est-ce uniquement dû à une latence de l'évolution des consciences ? Quand on sait qu'hier, l'improbable vision d'un sein nu s'est métamorphosée en une surenchère contemporaine de sensualité et une surexposition de nudité. La réponse ne serait-elle pas plus économique qu'on ne le pense ? Cette censure contemporaine n'aurait-elle pas une forte dominante économique indissociable des marchés en question ? Regardons les recommandations à la vente des jeux cités : Jeu / Age Doom / Déconseillé à la vente aux moins de 18 ans Carmageddon / Déconseillé à la vente aux moins de 18 ans Dead Or Alive Extreme Beach Volleyball / Déconseillé à la vente aux moins de 12 ans Eternal Darkness : sanity's requiem / Déconseillé à la vente aux moins de 16 ans F.E.A.R. / Déconseillé à la vente aux moins de 18 ans Manhunt 2 / Déconseillé à la vente aux moins de 18 ans Metal Gear Solid / Déconseillé à la vente aux moins de 12 ans No More Heroes / Déconseillé à la vente aux moins de 16 ans Resident Evil / Déconseillé à la vente aux moins de 18 ans Tekken / Déconseillé à la vente aux moins de 12 ans Aujourd'hui, dans quelles mesures est-ce suffisant ? Quand on sait que ces recommandations ne sont en rien des interdictions à la vente. Le problème de la violence liée aux jeux vidéo doit être pris au sérieux car il s'agit d'un médium à la croisée d'autres formes artistiques. Laissant souvent la place à l'imagination, ils nous permettent d'être les acteurs de massacres, de génocides et d'autres scènes incongrues de violence gratuite.

La violence dans les jeux vidéo est loin d'être une problématique futile. La question de cette violence ne doit en aucun cas devenir tabou. Il faut accepter de l'aborder sereinement et se poser de pertinentes questions. L'évolution et la mutation fondamentale de l'esthétique vidéoludique est une des pistes de réflexion qui montrent, quand on s'y arrête, les limites d'un système injustement réglementé. Aujourd'hui, nous pouvons plus posément jauger l'impact du photoréalisme sur une violence devenue naturellement plus réaliste. Nous pouvons facilement jauger l'impact que cela peut avoir de réaliser soi-même une gestuelle de mise à mort plutôt que de simplement presser un bouton. Mais sommes-nous prêt à en subir les conséquences futures, ou est-il simplement temps d'entreprendre la nécessaire mutation vers une meilleure réglementation à la distribution ? Pour que demain, chaque créatif puisse librement créer, chaque individu, maître de son jugement, puisse librement expérimenter, dans la plus grande sérennité et sans tomber dans les travers de polémiques bien souvent injustifiées.
17 mars 2008 à 23h00

Par elf

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