La
Saga du Sorceleur est un cycle de 7 tomes constitué de 2 recueils de nouvelles (les tomes 1 et 2), et de 5 romans. Si les scénarios des jeux
The Witcher, développés par
CD Projekt Red, suivent directement l'histoire des romans, l'atmosphère dans lequel est plongé le joueur est tout droit tiré des nouvelles dans lesquelles on découvre le monde exceptionnel créé par Andrzej Sapkowski.

Andrzej Sapkowski
L'écrivain polonais, qui a d’abord étudié l’économie et travaillé dans une compagnie d’échanges internationaux, a écrit sa première nouvelle en 1986 : Le Sorceleur. L’histoire a connu un tel succès en Pologne que Sapkowski a décidé d’arrêter l’économie pour devenir écrivain à part entière. Et ça marche ! L'auteur a obtenu différents prix tout au long des années, comme le "Prix David Gemmel du meilleur roman de Fantasy" en 2009, et le prix "World fantasy - grand maître" en 2016. Comme quoi, il y en a qui y arrivent. Avis aux écrivains en herbe : ne baissez par les bas !
Sapkowski a ensuite continué sur sa lancée et rédigé une série de nouvelles, ou un cycle de contes, basés sur le monde du Sorceleur, qui ont été regroupés en deux tomes : Le dernier vœu, et L'Épée de la providence. Recueillant chacun six nouvelles, ces deux livres content les aventures de Geralt de Riv, sorceleur cynique et plein de verve. Si la plupart d'entre vous connaissent le personnage grâce aux jeux The Witcher, d’autres malheureux n'en ont sans doute jamais entendu parlé, ni du monde dans lequel il évolue. Il est temps de libérer ces infortunés de leur ignorance.
L'Histoire et le Monde
Alors, qui est Geralt de Riv et qu’est-ce qu’un sorceleur ? Les sorceleurs sont des chasseurs de monstres entraînés dès leur plus tendre enfance à combattre et soumis à de nombreux mutagènes pour améliorer leurs réflexes et les rendre plus compétents. Ce sont des guerriers doués de magie qui offrent leurs services au plus offrant, un peu comme des mercenaires spécialisés sur les monstres. Même s’ils rendent bien service à la population en les débarrassant des menaces qui les entourent (moyennant finance, bien entendu), ils ne sont pas pour autant bien vus et sont souvent traités de monstres eux-mêmes, à cause de leurs mutations bien visibles. Quand on a des yeux jaunes avec des iris de chat qui brillent dans la nuit, c'est difficile de passer inaperçu. D’ailleurs, le monde de Sapkowski est marqué par toutes sortes de haines et de racisme. Les Nains et les Elfes sont souvent maltraités par les Humains, et la politique de nombreux royaumes du Nord, dans lesquels se passe l’histoire, poussent ces minorités à former une armée rebelle : les Scoiatel. Ces dissensions seront ensuite utilisées sans vergogne par l’Empire de Nilfgaard pour servir ses projets d'invasion du Nord.
Mais je m’égare, car tout ceci ne se passe que dans les romans qui suivent les 2 premiers tomes de la saga. Dans Le dernier vœu et L'Épée de la providence, Sapkowski nous propose une série de nouvelles directement inspirées de contes que l’on connaît bien comme La petite Sirène, ou La Belle et la Bête. On retrouve donc tout au long des histoires cette atmosphère un peu sombre et mystique, poétique, typique des contes, et très loin des adaptations à la Disney. Ici, les monstres sont VRAIMENT monstrueux, et ils ne sont pas toujours ceux que l’on croit. C'est justement l'une des grandes qualités de l'univers inventé par Sapkowski. Loin d'être manichéens, les personnages sont souvent ambivalents et bien développés, même lorsqu'ils ne font qu'une brève apparition. Leur caractère et leur histoire sont au cœur des intrigues et les dialogues ont une place importante dans les récits.
C'est pourquoi le livre-audio est particulièrement intéressant pour ces deux tomes.
L'audio-livre : immersion garantie
Disons-le honnêtement : Le Dernier Vœu et L’épée de la Providence ne se distinguent pas pour leurs qualités littéraires. Les descriptions sont brèves et élémentaires, le style simple et passe-partout. Ça va vite, toujours très vite. Même si le format des nouvelles ne permet pas de s’étendre autant que celui des romans, l’auteur a vraiment fait le minimum syndical niveau description. Les principaux attraits de ces livres sont leurs histoires étoffées, la richesse des personnages et l'univers inquiétant dans lequel ils évoluent. Ce ne sont pas des histoires que l'on lit pour la qualité de leurs mots, mais pour leur puissance d'immersion, et quoi de mieux pour vivre une histoire que d'entendre véritablement les personnages discuter, murmurer et crier, pleurer et rire ? C’est ce qu’offre un livre audio : la possibilité de vous plonger dans un monde, d’entendre les personnages vous parler comme si vous étiez à leurs côtés.
On associe souvent les livres audio aux livres pour enfants, et c’est une erreur monumentale. Il suffit d'écouter un bon vieux Shining de Stephen King dans le noir avant de dormir pour s'en rendre compte!
Bien sur, la qualité d’un livre-audio dépend beaucoup de son lecteur. Il faut savoir qu’il existe deux types de livres-audio :
- Les livres théâtralisés, où chaque personnage va être joué par un lecteur différent, sur fond de musiques d’ambiance et de bruitages. Les descriptions peuvent ainsi être retirées : au lieu de lire la description du chant des oiseaux dans la forêt qui précède un dialogue, celui-ci se fera entendre en arrière plan.
- Les livres simples, où un seul lecteur joue tous les personnages et se borne à lire ce qu’il y a écrit dans le livre.
Pour ceux que l'anglais ne rebute pas, écoutez la version des éditeurs Orion Publishing Group, lu par Peter Kenny. Vous ne serez pas déçus ! L'acteur donne vie aux personnages avec maestria, jouant sur les accents et les tics langagiers pour les rendre plus vrais que nature. Il saisit parfaitement le caractère de chaque protagoniste et le fait ressortir, nous plongeant immédiatement dans le monde du sorceleur que nous accompagnons au plus près, tout au long du récit.
Les points forts et les points faibles
Mais alors, que faut-il retenir de ces deux tomes qui ouvrent la Saga du Sorceleur ?
Les point forts :
- Des personnages puissants et des dialogues mémorables
- Des histoires qui rappellent les contes de notre enfance dans un monde cruel et magique à la fois
- Une atmosphère angoissante, mystérieuse et poétique
- Une introduction à un univers complexe et fouillé qui ravira les amateurs d'heroic-fantasy
Les points faibles:
- Le style de l’auteur, qui manque cruellement de profondeur (même s'il s’améliore dans les dernières nouvelles de l’Épée de la providence). Les phrases “sujet-verbe-complément”, au bout d’un moment on s’en lasse, et on aimerait bien un peu plus de détails !
- Le bestiaire important mais qui n’est jamais expliqué et qui peut facilement perdre les lecteurs (qui n'ont pas joué au jeu)
- Les personnages qui apparaissent et que Geralt semble connaitre depuis longtemps mais dont on ne sait rien (sauf si on a joué au jeu)
- Un manque de continuité entre les histoires