13 Reasons Why : une série d'utilité publique

13 Reasons Why : une série d'utilité publique
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En quelques mois à peine, Netflix s’est imposé comme l'un des diffuseurs majeurs de séries en France. Si la constitution d’un catalogue conséquent, en amont de la sortie du service dans l’hexagone, y est pour quelque chose, c’est avant tout la diversité et la qualité générale de ce dernier qui a plaidé en faveur du géant américain. Vous trouvez de tout sur Netflix, du petit plaisir coupable à la grosse claque qui marque durablement. 13 Reasons Why appartient à cette seconde catégorie.


Adaptée du roman éponyme pour jeunes adultes écrit par Jay Asher, l’action de la série se déroule principalement à Liberty High, un lycée qui peine à se remettre de la mort d’Hannah Baker, une élève qui s’est suicidée une dizaine de jours plus tôt. Elle relate l’histoire de Clay Jensen, un lycéen lambda qui reçoit de manière inopinée un lot de cassettes audio. Il insère la première bande dans le lecteur de son père, et c’est le choc :
“Bonjour, c’est Hannah Baker. Ce n’est pas la peine de réparer l’appareil sur lequel tu m’écoutes. J’ai enregistré ces bandes pour expliquer pourquoi j’ai mis fin à mes jours. Il y a 13 faces, soit 13 raisons à mon suicide. Et si tu écoutes ceci, c’est que tu es l’une d’entre elles. ”

Voilà le point de départ pour le moins atypique de cette série. Et s’il laisse entrevoir un show dépressif et larmoyant, avec une overdose de pathos, il n’en est rien. La série évite tous les écueils auxquels on pourrait s’attendre. Car si elle reprend les codes du teen drama, elle est montée comme un thriller, avec son quota de cliffhanger et de mystères, qui maintiennent le spectateur en haleine avec une efficacité redoutable.

13 reasons why

Mais cela passe aussi par une écriture d’une justesse incroyable. Ici, rien n’est tout blanc ou tout noir. Il n’y a que des nuances de gris. Même Hannah Baker, la victime de cette histoire, n’est pas présentée comme un petit ange parfait. A tel point qu’au fil des épisodes, en prenant un peu de recul, on s’aperçoit qu’elle est en partie responsable de ce qui lui arrive, au même titre que les autres.

De même, il n’y a pas de méchant diabolique. Ses bourreaux, si on peut les nommer ainsi, agissent comme ils le font soit parce qu’ils ont peur, soit parce qu’ils n’ont pas conscience de ce qu’ils lui font subir. Certains sont aussi simplement cons. En règle générale, la série fait preuve d’un certain sens de la mesure. Elle trouve un équilibre délicat entre distanciation et identification, lui permettant d’être touchante, sans pour autant tomber dans le tire larme facile.

La série nous permet donc de suivre le parcours de Clay, pour qui l’écoute de ces confessions post-mortem est une véritable épreuve, et cela pour deux raisons. La première, la plus évidente : écouter une amie qui explique pourquoi elle s’est suicidée, c’est dur, très dur. Ensuite, il y a l’angoisse d’arriver à sa bande, et la question qui va avec : qu’ai je fait pour la pousser à se tuer ? La série suit une structure plutôt classique, chaque épisode étant consacré à une face, à une personne ayant fait du mal à Hannah. Cette construction académique du récit permet à la série de se concentrer sur chaque étape du parcours de la jeune femme, et de bien montrer l’effet d’accumulation et l'usure psychologique que cela provoque chez Hannah. Car si, à quelques exceptions près, les événements relatés n’ont rien de traumatisant en soi, c’est bien leur cumul qui rend sa vie impossible. Le slut-shaming et l’isolement qu’elle subit quotidiennement suffisent, à eux seuls, à mettre la plupart des gens dans un état dépressif. 

13 Reasons Why

Un autre aspect bien retranscrit par le show est la montée en puissance, malheureusement naturelle, de ce genre de comportement, qui empire au fil des épisodes. Cela commence par une rumeur, qui entraîne l’image que les autres élèves ont d’Hannah, ainsi qu’un certain jugement, jusqu’à des actes déplacés, comme un pelotage surprise. Au fil des épisodes, la situation empire pour la jeune femme. Et même si elle tient bon malgré tout, essayant de faire fi de tout ce qui lui arrive, son moral se détériore. Cela ne fait qu'empirer jusqu’à l’épisode 12 où, lors d’une scène insoutenable, nous pouvons clairement voir le moment où elle renonce. Notons au passage l’interprétation de Katherine Langford qui, pour son premier gros rôle, a livré une prestation de haute volée. Pour en revenir à cette scène en particulier, on pense à la performance délivrée par Clare Danes, à la fin du Romeo+Juliette de Baz Luhrmann. Et il en est de même pour l'ensemble du casting, constitué pour la plupart d’illustres inconnus. On reconnaîtra tout de même Kate Walch (déjà vue dans Grey’s Anatomy) et Dylan Minnette (dans le rôle de Clay Jensen) qui a déjà un certain nombre de projets à son actif.

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Pour en revenir au jeune Clay, notre protagoniste, celui-ci va découvrir tout un pan de la vie de son amie qu’il ne soupçonnait pas. Il vit ici un véritable rollercoaster émotionnel, passant d’un sentiment de culpabilité à une rage, plus ou moins contenue, d’un épisode à l’autre. Le jeune homme passe le plus clair de son temps à retracer le parcours d’Hannah et à confronter les personnes citées dans son témoignage, son but étant de comprendre comment on a pu en arriver là. Comment personne n’a rien vu venir, lui y compris. Cette base scénaristique permet un montage parallèle entre les deux histoires. Ce que le show exploite allègrement, via des transitions totalement transparentes entre les deux timelines, faisant de Clay, et du spectateur, les témoins impuissants du destin tragique d’Hannah.

Le but de la série n’est pas de faire pleurer dans les chaumières, ni de faire l’apologie suicide. Il n’y a qu’à voir la scène en question, dans le dernier épisode, pour s’en convaincre. Celle-ci, d’une violence graphique rare, ne nous épargne rien, mais est d'une absolue nécessité. Il s’agit de ne pas édulcorer l’acte, ou d’en faire quelque chose de glamour. Le but est ici de montrer l’impact d’un tel acte et d’essayer d’en comprendre les raisons. Mais il s’agit surtout de faire comprendre que le suicide n’est pas une option. Quand je disais plus haut qu’Hannah avait sa part de responsabilité dans ce qui lui arrivait, ce n’était pas pour rien. Au fil de la série, la demoiselle a plusieurs échappatoires, plus ou moins évidentes, qu’elle n’a pas été capable de saisir. Soit parce qu’elle ne les a pas vues, soit parce qu’elle n’en a pas eu la force. Et puis, comme cela est dit plusieurs fois dans le show, c'est sa décision. 

13 Reasons Why

Ici, l’objectif est avant tout de lancer le débat. Sur le suicide des adolescents, mais aussi sur le harcèlement scolaire qui, avec les réseaux sociaux actuels, prend des proportions énormes. A ce titre là, la série est bien plus réussie que certains films comme A Girl Like Her, tombant régulièrement dans le cliché et l’exagération. Le show présente cependant son lot de stéréotypes, nous présentant, par exemple, des parents à la masse. Mais il y a une nuance de taille ici : les adolescents sont montrés comme étant responsables de ce décalage. Dans le cas de la famille d’Hannah, la jeune fille ne partage aucun de ses problèmes avec ses parents, qui découvrent tout après son suicide. Mais c’est encore plus flagrant chez les Jensen. Malgré leurs tentatives plus ou moins adroites pour l’aider, Clay s’applique à maintenir ses parents à l’écart.

13 Reasons Why

Je ne vais pas vous mentir, il m’a fallu du temps pour digérer cette série. Elle vise juste, quitte à réveiller de vieilles blessures si vous avez été victime de ce genre de comportement. Mais les faits sont là. Th1rteen R3asons Why aborde des sujets difficiles et le fait bien. On pourra lui reprocher d’aller trop loin dans son dernier segment, les jeunes d’aujourd’hui n’ayant malheureusement pas besoin de traverser cela pour mettre fin à leurs jours. Mais d’un point de vue strictement dramaturgique, c’est ce qu’il fallait faire. Ce n’est pas un show qu’on regarde pour simplement passer le temps et se divertir. Le but est ici de déclencher des réactions, de lancer des discussions, des débats. Alors regardez-la et parlez-en autour de vous. Et puis, tant que vous y êtes, commencez à faire attention à votre entourage. Car, comme disait le Jésus des Inconnus : "Vous pouvez pas vous aimer les uns les autres ? Bordel de merde !"
02 mai 2017 à 10h38

Par pattoune

Gribouillé par...

pattoune

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Ours savant

Davantage ours que savant, ce con n'a pas compris que l'hibernation c'est en hiver. Résultat, il reste cloitré dans sa grotte à longueur d'année. Ce qui arrange bien du monde. Mais ce n'est pas un mauvais bougre. Il est même plutôt drôle à l'occasion. C'est souvent à ses dépens mais chut, il faut pas le dire. Ayant été récemment rattrapé par l'eau courante et l'électricité, il est désormais en mesure, après avoir difficilement assimilé les bases de l'hygiène corporelle, de nous livrer tests, news et autres contenus enchanteurs. Il nous reste plus qu'a espérer qu'il ne lui vienne pas l'idée de faire prendre un bain à son PC... Trop tard.
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