C’est en flânant dans une librairie que j’ai découvert le premier tome des
Sentiers des Astres, Manesh. La couverture m’a tout de suite attirée (il faut dire que les livres de la collection de la
Bibliothèque Voltaïque de la maison d’édition
Les Moutons Electriques sont toujours superbes). J’ai donc commencé à le feuilleter et j’ai alors vu qu’il était recommandé par Jean-Philippe Jaworski, que l’on comparait également à l’auteur, Stefan Platteau. Autant dire que de « curieuse », je suis passée à l’état « carrément excitée ». Cet inconnu belge pouvait-il rivaliser avec l’un de mes auteurs coup de cœur ? Sa plume était-elle aussi bonne ? Etait-ce pour la qualité de ses personnages, pour son style d’écriture ou pour l’originalité du monde inventé qu’on le comparait à lui ? Emplie de ces questions, j’ai pris le premier tome sous le coude et l’ai embarqué chez moi pour le lire (après l’avoir payé, bien entendu).
Et effectivement, dès les premières lignes j’ai pu percevoir des similitudes dans le style littéraire. La prose de Stefan Platteau est très riche, ses phrases sont travaillées (parfois peut-être un peu trop) et son vocabulaire est pioché dans du vieux français et de l’argot, comme celui de Jaworski. Cependant, on sent encore quelques maladresses, on trouve quelques adverbes en trop par-ci par-là, notamment dans le premier tome, qui est également son premier roman. Les autres volumes de la série montent néanmoins en puissance et en maîtrise, ce qui est vraiment appréciable. On se laisse vite bercer par la mélodie des sons du palabre des gens de l’Héritage et du Lempio et on se prend à imaginer les accents de chacun, notamment de Fintan Calathynn, le barde par les yeux et la bouche duquel nous découvrons l’histoire. C’est en effet le narrateur et, en tant que lecteur, nous partageons donc toujours son point de vue, bien que nous ne sachions pas grand-chose sur lui en ce début d’aventure. Nous ne connaissons d’ailleurs pas grand-chose de ses compagnons non plus et les descriptions les concernant sont très succinctes. C’est au fur et à mesure du voyage et des obstacles rencontrés que nous apprendrons à les connaître, à les comprendre, à les aimer ou à les maudire. Le groupe est en effet soudé autour d’un but commun : retrouver le Roi Diseur, retrouver la source, quel que soit le prix à payer. En ce sens, la série de Stefan Platteau m’a également fait penser à La Horde du Contrevent de Alain Damasio. Au cœur du Vyanthryr, il n’est pas seulement question de bien ou de mal. Les personnages, très humains, sont animés par un fol espoir et un instinct de survie qui les poussent toujours à avancer un peu plus loin, à continuer à aller de l’avant.
Le rythme de la narration des Sentiers des Astres est cependant très différent de celui que l’on peut trouver dans les livres de Jaworski ou Damasio. Stefan Platteau prend son temps. Il pose son décor au fur et à mesure, nous laissant nous imprégner de la puissance mythologique de l’univers dans lequel il nous emporte, mélange d’inspirations celtiques, nordiques et hindoues. Il peut être donc difficile de rentrer dans l’histoire, mais une fois happé par l’intrigue, il est également ardu d’en ressortir et de ne pas frissonner lors de passages particulièrement angoissants. Le monde féérique (au premier sens du terme) devient soudain oppressant et sombre. Le milieu hostile. L’auteur alterne avec maîtrise plusieurs histoires parallèles, récits d’aventures et biographies intimistes, qui finissent par se rejoindre au fil de l’eau pour un final sous tension. Malgré quelques longueurs, il arrive donc à nous tenir en haleine jusqu’à la fin et à nous surprendre plus d’une fois.
"Lichen, humus et bois mort.
J’en ai plein le ventre, les chausses et les genoux. Collés à ma peau, incrustés dans mes pores. Écrasés dans mes fibres.
La pluie d’hiver a lessivé la terre. Le tapis forestier sous mes coudes exhale sa pourriture d’écorce et d’aiguilles ; la mousse regorge d’une humidité froide qui se faufile sous ma chemise lorsque je me presse contre elle, en amant appliqué.
Nous rampons.
Moi et mes deux compagnons de raid, nous tortillons des reins pour nous fondre dans les racines du Vyanthryr. Nous nous faisons plus plats que couleuvres ; à force nous finirons par devenir limon. "
Les points forts :
- La puissance mythologique de l’univers
- L’atmosphère angoissante et le pouvoir d’immersion de l’histoire
- Le lyrisme de l’auteur
Les points faibles :
- Le lyrisme de l’auteur
- Le rythme lent du récit
- Une fin un poil frustrante