Traîné sur le Bitume

Traîné sur le Bitume
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En terme de cinéma, comme de jeu vidéo, il est parfois difficile d’avoir une estimation juste de la qualité d’un produit en amont de son visionnage / playthrough. Que cela soit par rapport à une bande-annonce particulièrement réussie, faisant monter artificiellement la hype, ou des conditions de production particulièrement difficiles qui sèment le doute en nous, il est facile de se faire avoir par ces préjugés. Pourtant, cela n’a jamais empêché personne d’essayer.

Dans le cas de Traîné sur le Bitume, le film qui nous intéresse aujourd’hui, cette estimation préalable est particulièrement compliquée. D’un côté, nous avons Mel Gibson, Vince Vaughn, Don Johnson, Jennifer Carpenter et un pitch alléchant. Mais d'un autre côté, le film sort directement en vidéo, ce qui est souvent très mauvais signe. Nous avons donc décidé d’aller voir le film pour savoir de quoi il en retourne.

Traîné sur le bitume

Le film suit les parcours de trois personnages, un malfrat tout juste sorti de prison et deux policiers suspendus suite à une arrestation un peu trop musclée. En manque d’argent, les trois protagonistes vont devoir trouver un moyen d’en gagner rapidement. Le premier va se faire engager sur un coup, tandis que les deux flics se mettent en tête de braquer un dealer. Bien entendu, leurs destins vont se croiser, et pas forcément pour le meilleur.

Réalisé par S. Craig Zahler, Traîné sur le Bitume n’est pas le film le plus optimiste du monde. Il nous présente des personnages broyés par le système, l’environnement ou les deux. Et on se rend très vite compte que cela va mal finir pour la plupart des protagonistes. La photo, désaturée au possible, accentue cette impression, offrant à nos yeux un monde dénué d’espoir ou presque.

Le film adopte un rythme particulier, que certains qualifieraient de lent. Mais, en réalité, il prend simplement le temps de développer ses personnages, de leur donner de l’épaisseur, de la nuance. Ce faisant, il s’attarde sur des scènes qui sont habituellement vite expédiées dans les grosses productions actuelles. Qui plus est, l’écriture fait preuve d’une certaine sobriété dans les dialogues, préférant nous faire comprendre les choses à demi-mot au lieu de nous servir l’information brute sur un plateau. Le film ne prend pas ses spectateurs pour des idiots, et cela fait toujours plaisir. Il y a cependant une limite à ce système, que le film franchit malheureusement. Cela concerne le personnage de Jennifer Carpenter, qui bénéficie du même traitement que les protagonistes, alors que son personnage n’a aucune espèce d’importance dans l’intrigue. Et c’est d’autant plus dommage qu'il aurait aisément pu être mieux exploité plus tard. 
Traîné sur le bitume

Le film fait de même avec les différentes situations qu’il nous présente. Une planque n’est pas qu’une planque : c’est une occasion pour les personnages de faire le point sur leur vie, d’évaluer leur plan d’un point de vue éthique et moral, et de fixer des limites. Il en est de même avec la filature qui vient ouvrir le dernier acte du film. Nous y voyons les enjeux évoluer et les motivations changer. Le réalisateur a logiquement choisi la même approche pour les scènes d’action. La fusillade finale peut être qualifiée d’anti-John Wick, prenant la forme d’une bataille de positions ou chaque balle compte. Les tirs sont peu nombreux, mais ce que l’on perd en spectacle, nous le gagnons en tension.
Traîné sur le bitume

La mise en scène reste proche des personnages, tout en gardant un certain recul, leur laissant suffisamment d’espace - mais aussi aux acteurs (tous impeccables) - pour s’exprimer. Il s’agit là d’un équilibre délicat qui fonctionne bien sur l'ensemble du film, allant de paire avec un montage laissant à chaque plan le temps de s’installer. Pas de sur-découpage ici, on n’est pas chez Michael Bay. Ajoutez à cela une utilisation habile de l’espace et des perspectives pour enfermer les personnages, ainsi qu’une dépiction réaliste et sans détour de la violence, et vous obtenez un cocktail plaisant et cohérent. 
Malgré son titre aussi peu engageant que son statut de direct-to-video, Traîné sur le Bitume nous a laissé une très bonne impression. Ceci dit, il n’est pas forcément à conseiller à tout le monde. Les âmes sensibles pourront être gênées, à juste titre, par certains passages violents, dont un flirtant avec le gore. Ensuite, ceux qui attendent d’un film qu’il vous transporte tout de suite dans le feu de l’action, vous pouvez passer votre chemin. Par contre, si vous aimez les films noirs, qui ne prennent pas de détour et dont la morale est ambiguë, la dernière réalisation de S. Craig Zahler est faite pour vous. Et il sera disponible à partir du 3 août prochain dans toutes les bonnes crèmeries.
11 juillet 2019 à 20h09

Par pattoune

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pattoune

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Ours savant

Davantage ours que savant, ce con n'a pas compris que l'hibernation c'est en hiver. Résultat, il reste cloitré dans sa grotte à longueur d'année. Ce qui arrange bien du monde. Mais ce n'est pas un mauvais bougre. Il est même plutôt drôle à l'occasion. C'est souvent à ses dépens mais chut, il faut pas le dire. Ayant été récemment rattrapé par l'eau courante et l'électricité, il est désormais en mesure, après avoir difficilement assimilé les bases de l'hygiène corporelle, de nous livrer tests, news et autres contenus enchanteurs. Il nous reste plus qu'a espérer qu'il ne lui vienne pas l'idée de faire prendre un bain à son PC... Trop tard.
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