Le livre «
Metal Gear Solid : Une Œuvre Culte de Hideo Kojima » proposé par
Third Editions propose de nous immiscer dans l’esprit créatif de l’un des grands cerveaux du médium du jeu vidéo de ces trente dernières années et de sa principale création : la série des
Metal Gear Solid. Ce livre, écrit à six mains (
Mehdi El Kanafi, Nicolas Courcier et Denis Brusseaux), retrace la création de la saga autour de plusieurs axes pivots, à savoir une présentation de
Kojima et de ses influences, la remise en contexte des événements des différents jeux ainsi que des analyses fournies par les auteurs. Cette écriture est bombardée de nombreuses anecdotes et micro-analyses de mécaniques de jeu permettant de mieux comprendre le développement de chaque titre, les obstacles rencontrés et, souvent, la manière dont Kojima a eu le génie de faire cohabiter son ego surdimensionné, son indéniable talent de créateur ainsi que les invectives de
Konami.
Globalement, l’ouvrage retrace donc la création de ces jeux étalée sur plus d’une trentaine d’années en revenant sur les processus de mise en place, à la fois intellectuels mais également en termes d’outils, puisque chaque opus apportant à chaque fois des mécaniques originales et une vraie science de la surprise offerte aux joueurs. C’est au fil de la lecture que nous comprenons bien en quoi Hideo Kojima est un vrai créateur de jeu vidéo : il sait comment surprendre le joueur tout en lui proposant un amusement continuel et ce, même en proposant des expériences contenant des phases de cinématiques dépassant parfois l’heure de visionnage.
Si l’effort d’analyse par les auteurs est à souligner, il faut également applaudir l’exhaustivité des informations fournies dans le livre, notamment en ce qui concerne les événements qui se sont déroulés dans les différents opus, la saga des Metal Gear étant connue comme une série extrêmement touffue scénaristiquement, perdant souvent les joueurs et déroutant même les fans de la première heure. C’est pourquoi ce tour de force proposé par l’ouvrage est vraiment à mettre en avant et sera utile aux néophytes comme aux habitués.
Après une présentation et analyse en profondeur des différents épisodes qui ont façonné cette saga mythique, un pan tout entier du livre est consacré au « controversé » Metal Gear Solid V : The Phantom Pain ainsi qu'à son préambule : Ground Zeroes. En effet, les auteurs s’amusent à décrypter le dernier hommage d’Hideo Kojima pour « sa » série, des enjeux qui semblent expédiés aux systèmes de jeu bien huilés jusqu’aux différentes interprétations que l’opus nous propose tout en restant très ouvert sur la manière de voir les choses. Ce qui est louable pour les auteurs ici est le fait de toujours voir le verre à moitié plein sans accabler le créateur pour quelques maladresses lors du développement. Par exemple, l’écriture floue de certains personnages clés sera interprétée comme une manière pour Kojima de rendre hommage aux joueurs en leur laissant le soin de se les approprier alors que d’autres pourraient le voir comme une paresse d’écriture. Cependant, lorsqu’on connait Kojima et son œuvre, il est difficile de pencher du côté des pessimistes.
Le livre se termine sur plusieurs chapitres reprenant les thèmes centraux soulevés par Kojima à travers la série. Les auteurs évoquent donc avec précision tout ce qui peut définir un jeu Metal Gear Solid, comme l’utilisation de techniques de pointe, le fait de toujours surprendre le joueur notamment en brisant le quatrième mur, ou encore le fait que Kojima assume un rôle d’équilibriste entre une immersion poussée et une crédibilité parfois discutable. Enfin, ils mettent également l’accent sur les multiples influences dont Kojima s’est inspiré pour créer toute son œuvre : de la science-fiction pas spectaculaire en passant par le cinéma (il voulait devenir réalisateur à la base), du teasing dont lui seul a le secret ou encore un humour potache distillé pour désamorcer des situations tragiques, dramatiques et angoissantes. On comprend bien comment Hideo Kojima vit à travers les multiples personnages qu’il a créés et que les arcs thématiques qu’il déploie au fil des épisodes finissent toujours par se recouper et apporter de la cohérence dans une œuvre globale, en constante évolution, qu’on pouvait penser immature et bancale.