L’ouvrage s’ouvre sur un bestiaire imposant : plus de 500 créatures sont proposées, dont plus de 75 créatures inédites dans cette révision (on parle de 85 nouveaux monstres dans certaines annonces de la version traduite). Ce foisonnement offre une vraie manne pour le Maître du jeu en quête de rencontres variées, mais la nouveauté n’est pas toujours radicale : de nombreuses créatures “nouvelles” reprennent des variantes d’anciens archétypes, avec ajustements de compétences ou de traits. La disposition alphabétique des entrées marque une rupture avec l’organisation classique par type (aberration, dragon, humanoïde, etc), mais facilite la recherche rapide en pleine partie. Un index de CR et de domaines (caverne, marécage, ruine, etc) complète cette approche plus “plug‑and‑play”. Chaque créature bénéficie d’une illustration retravaillée, souvent montrée en action ou dans son environnement, ce qui accroît l’immersion visuelle. Toutefois parfois la taille de l’image semble dépasser l’utilité pratique du bloc de statistiques. On retrouve pour chaque entrée une dimension narrative suffisante (contexte écologique, tactiques suggérées, idées de mise en scène) mais l’équilibre narratif reste parfois un peu léger, les alignements restant souvent classiques.
Le nouveau format de stat blocks est l’un des changements les plus visibles. On distingue clairement jets de sauvegarde, modificateurs, traits spéciaux, actions et réactions, tous présentés de façon homogène. Les auteurs ont visé une lecture plus rapide et intuitive. Cela apporte un gain réel en lisibilité, mais certains blocs peuvent paraître surchargés ou comporter des redondances de chiffres, ce qui peut gêner à la première lecture. Pour les créatures de haut niveau (dragons, entités légendaires), on apprécie la clarté des capacités avancées, des lair actions, des actions légendaires, la distinction graphique aide à leur usage en partie. Des suggestions de butins ou d’équipement sont parfois incluses directement dans la fiche, ce qui évite des allers‑retours vers des modules annexes.
Dans l’introduction du livre, on trouve des idées de rencontres, de lieux de cadre, des accroches d’aventure qui restent une aide précieuse pour lancer les scènes sans partir de zéro. Certains regretteront que cette mise en forme tende vers une version plus guidée pour les nouveaux Maître du jeu, au risque de laisser peu de nuances pour ceux qui aiment remodeler chaque bloc.
Un bestiaire infini
Le vrai test d’un bestiaire reste sa capacité à générer des rencontres mémorables. Sur ce plan, cette version tient souvent ses promesses : les tactiques suggérées, les lair actions et les capacités alternatives renforcent le “spectacle” de l’affrontement. L’ouvrage adopte aussi davantage de “sets thématiques” : des groupes de monstres partageant une logique (faune souterraine, bêtes du désert, créatures cauchemardesques), ce qui facilite la composition de rencontres cohérentes et immersives. Cependant, cela s’accompagne de quelques changements dans la dynamique attendue par rapport à l’ancienne version : certaines capacités ou routines de boss ont été retravaillées, ce qui surprendra les Maître du jeu habitués à l’ancienne mouture.
Au plan de l’équilibre, plusieurs retours indiquent que certaines créatures ont vu leurs statistiques relevées pour s’aligner avec les attentes des parties modernes, ce qui peut rendre certaines rencontres plus redoutables que prévu. Mais ce que le livre gagne en puissance narrative, il peut le perdre en profondeur. Le lore est parfois épuré avec des détails d’arrière‑plan qui ont été compressés pour ne pas alourdir. De même, le manuel ne fournit pas de guide exhaustif pour créer ses propres monstres : la marge de manœuvre reste, mais certains regrettent l’absence d’un outil “clé en main” plus poussé.
Pour qui possédait déjà la version de 2014, cette révision suscite un accueil mitigé mais majoritairement favorable. Le gain en ergonomie, en recherche rapide, en cohérence visuelle est plus qu’appréciable. Néanmoins on pourra un peu regretter une perte de charme ou de densité textuelle avec l’ancienne version : certains éléments ne sont plus explicitement expliqués, ou sont implicites, ce qui peut poser des questions pour les Maître du jeu pointilleux.
Cette nouvelle version semble fait pour les Maître du jeu modernes qui veulent une “machine à rencontres” efficace, mais ceux qui aiment bricoler et retravailler les parties en profondeur pourraient avoir le sentiment que certaines libertés sont un peu « trop » cadrées.