Test : Dragon Quest IX : Les Sentinelles du Firmament - DS

Dragon Quest IX : Les Sentinelles du Firmament - DS
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Yûji Horii est un conteur, un maître de la narration qui officie maintenant depuis plus de vingt ans. Imprégné cette fois d'éléments de judéo-christianisme ainsi que des lourdes implications inhérentes à la corruption par le pouvoir, le nouvel épisode de Dragon Quest surprend avant tout par son atmosphère et son gameplay occidentalisés. Série levant pourtant haut l'étendard du RPG nippon, cette neuvième itération est encore et toujours l'œuvre du trinôme Horii (à la plume), Toriyama (aux pinceaux) et Sugiyama (aux platines), mise en pratique une nouvelle fois par le studio Level-5. Ce DraQue verse-t-il malgré tout dans le classicisme ou vire-t-il au postmodernisme? Les ajouts de gameplay révolutionnent-ils la série en profondeur ? Autant de questions qui ne sauraient, bien sûr, rester sans réponses …
Les Célestelliens, immortels habitants de l'Observatoire, veillent sur les peuples continentaux, garants de la montée au Ciel des âmes des défunts et protecteurs de chaque ville et village. A chaque bourgade son Célestellien, vénéré comme un Gardien invisible des Mortels. Les références religieuses sont innombrables dans ce DraQue : aussi bien polythéisme qu'animisme sont au rendez-vous. Animisme du fait que les Célestelliens vénèrent à leur tour un arbre tout-puissant, censé leur révéler la voie sacrée. Seulement un imprévu pointe ses doigts longs et griffus quand l'Arbre perd ses fruits sacrés.

De l'écriture et des fyggs

Ce sera donc au protagoniste principal de se mettre à la recherche des huit fruits (les fyggs) disséminés sur le Continent. A chaque fruit recherché correspond un embranchement scénaristique différent : linéaire jusqu'à la découverte du premier véritable véhicule du jeu (un navire de style occidental du XVIIème siècle), le côté exploration prend le relais dès lors. A chaque fruit son histoire : les précieuses fyggs une fois ingérées par les Mortels confèrent des pouvoirs extraordinaires. On y croise (sans être exhaustif) une poupée voulant prendre vie pour assurer la pérennité de sa défunte maîtresse, un chevalier à la recherche de son royaume perdu et de sa princesse, des voleurs analphabètes, un sculpteur irraisonné ayant recréé un village et ses habitants dans la pierre… Magique, onirique, chacune de ces petites séquences scénaristiques offrent au soft une incroyable force narrative. Chaque élément de scénario est une véritable perle, qui, couplée au levelling forcené, font de ce Dragon Quest IX un immense RPG. On ne souhaite qu'avancer encore et encore plus avant dans le soft pour y rencontrer ces personnages digitalisés prenant vie entre nos mains.

L'œuvre de Yûji Horii en terme de narration atteint donc une fois de plus des sommets. Le story designer ne s'est pourtant pas caché pour cet épisode de chercher à plaire au public occidental. Et cela s'en ressent surtout dans le gameplay. Le système de rencontres aléatoires disparaît au profit de mobs visibles lors des déplacements du groupe (à l'instar d'un Grandia II ou plus récemment de Blue Dragon) et un mode multijoueur est implémenté pour la première fois dans la série. On crée donc son personnage principal de toutes pièces (un vrai régal de manipuler les coiffures, corpulences, visages et autres regards made in Toriyama...) et notre Célestellien de former autant d'alliés qu'il le souhaite, dans les classes disponibles (troubadour, guerrier, mage, prêtre, spécialiste en arts martiaux, voleur). Tout ce beau monde sera trié sur le volet pour accompagner le protagoniste principal dans sa quête, mais en nombre limité (trois personnages seulement suivent, pour une infinité possiblement customisable). Le levelling se fait bien sûr lors des combats et des points de compétences sont à débloquer lorsqu'on atteint certains niveaux. Ils sont à répartir à bon escient (en fonction de la classe choisie) parmi tout un lot de compétences upgradables (en général on choisit la compétence relative à l'arme employée et la compétence de classe : baguette et sorcellerie pour un mage, par exemple).

Du classique en solo et un multi ambigü

La mécanique est huilée à la perfection, et le niveau atteint pour chaque quête ou rencontre de boss est exactement le niveau nécessaire au point d'XP près. Jouer un DraQue à plusieurs est le rêve de tout rôliste nippon qui se respecte. C'est chose faite, et bien faite avec cette itération : le réseau local permet de progresser en niveau avec plaisir jusqu'à quatre joueurs et ce quel que soit le level atteint par le joueur hébergeant la partie. Seule sa progression dans le jeu sera malheureusement prise en compte ; on pourra donc faire croître son expérience mais pas faire avancer sa progression scénaristique si l'on visite une autre partie. Et c'est là le défaut majeur du soft. Il est à noter qu'à deux ou trois joueurs, le ou les personnages manquants font partie de l'équipe créée par le joueur hébergeant. Le plaisir est en tout cas clairement au rendez-vous en multi, ne serait-ce que dans la coordination de l'équipe, à l'instar d'un bon MMO. Un plaisir tout de même frustrant pour qui n'héberge pas...
D'une durée de vie quasi infinie (sans atteindre celle de Disgaea et de ses maps aléatoires), de par le système de quêtes favorisant parfois le multijoueur, Dragon Quest IX n'est pas en reste au niveau de la réalisation : les environnements superbement mis en adéquation avec la poésie se dégageant du titre émerveillent à plusieurs reprises. Le moteur graphique est tout bonnement peut-être l'un des plus performants sur la portable de Nintendo et est mis à profit à 100% sur ce titre.
Artistiquement, on a affaire à une palette de couleurs et un trait digne des plus beaux artbooks de Toriyama Akira. Ce dernier, au mieux de sa forme niveau character design, magnifie par sa patte aussi bien les cutscenes que les scènes de combat. Sugiyama (chef d'orchestre symphonique, ne l'oublions pas) offre une fois de plus une OST marquante sur bien des points : mélodies épiques durant les batailles, lyriques durant les séquences d'exploration. Un cran en-dessous toutefois de l'extase absolue procurée par Uematsu Nobuo pour Squaresoft ou Mystwalker... Critique que l'on pourrait émettre à l'encontre de toute la série des DraQue avec bonne foi.
Un scénario rivalisant en qualité avec un gameplay au tour par tour rodé depuis des décennies, une réalisation absolument exemplaire : voilà ce qu'est réellement Dragon Quest IX. La recette est toujours la même, mais lorsqu'elle est d'une si bonne teneur scénaristique, qui s'en plaindrait ? Les ajouts de cet épisode, en particulier le multijoueur, permettent tout de même un immense bond en avant qualitatif, mais pas encore parfait. Véritablement addictif sans que jamais l'ennui ne porte son ombre en solo, passionnant mais aussi frustrant à plusieurs, le dernier bijou de Level-5 est à consommer sans aucune modération, et ce pendant aussi longtemps qu'on aurait pu le souhaiter. Certains habitants de l'archipel nippon pratiquant encore le soft en multi plus d'un an après sa sortie.
11 août 2010 à 22h19

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Points positifs

  • La réalisation
  • L'écriture du jeu
  • La direction artistique
  • Le gameplay rodé
  • Pouvoir jouer en multi

Points négatifs

  • Impossible de progresser en multi
  • Peut-être un peu trop classique ?
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