Nous avons eu la chance de rencontrer Emmanuel Lusinchi lors de la soirée de lancement du jeu
Star Wars The Old Republic au Virgin Megastore des Champs-Elysées à Paris. Il a eu la gentillesse de répondre à nos quelques questions :
GameHope : Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs ? Emmanuel Lusinchi : Je m’appelle Emmanuel Lusinchi, et je travaille chez Bioware depuis 2003. Depuis le début de la conception de The Old Republic, je suis descendu du Canada où j’habitais pour aller au Texas afin de commencer le jeu. Auparavant, j’ai travaillé sur Dragon Age : j’ai fait la création des niveaux, des histoires, etc. J’ai par la suite travaillé pendant environ un an sur Jade Empire, puis je suis retourné sur Dragon Age, pour commencer The Old Republic. Au début de son développement, j’étais le lead system designer, c'est-à-dire que j’ai créé la base, les concepts, tous les systèmes du jeu à quelques exceptions. J’ai ensuite pendant un an pris la tête de l’équipe de combat, parce que l’on en avait créé la base, mais nous ne l’avions pas réellement dotée d’identité. Nous l’avons donc fait pour les quinze premiers niveaux. Nous avons fait en sorte de varier les classes de personnages, de fait qu’elles soient adaptées aux différents types de joueur. Par exemple, le Jedi est très accessible tandis que le contrebandier s’avère compliqué car il est attribué à des joueurs plus avancés.
GameHope : Justement, ne craignez-vous pas qu'il y ait recrudescence de Jedis et de contrebandiers sur les serveurs ? Emmanuel Lusinchi : On a construit le jeu en sachant qu’il y aurait des équipes. Pour éviter de problème de surcharge d’une même classe de personnages sur un seul serveur, il faut savoir que la classe de base est un archétype, plus centré sur l’histoire, on la choisit. On peut prendre un contrebandier, mais celui-ci pourra avoir trois rôles : il peut être guérisseur, attaquant à distance ou rapproché… Vous voyez, le joueur choisit d’abord une histoire et ensuite s’attribue un rôle. Et même si sur une partie il n’y avait que des chevaliers Jedi et des Jedis consulaires, il pourrait y avoir des équipes balancées, cela marcherait quand même, cela a été prévu. Ensuite, en terme de déséquilibre de factions, par exemple en PVP, on a une zone de PVP qui a été conçue pour fonctionner que s’il n’y a que la République, où celle-ci pourrait très bien se battre contre ses propres factions. De cette façon, même si il y a du déséquilibre, on pourra jouer sans soucis.
GameHope : Au niveau du système de jeu, vous êtes vous inspiré des multiples éditions du jeu de rôle papier, comme cela avait été le cas pour Knights of the Old Republic ? Emmanuel Lusinchi : Nous les avons plutôt parcouru. Nous ne pouvons pas dire que nous avons repris des éléments, nous nous sommes aidés et inspirés de KOTOR (Knight of the Old Republic) , mais également des dessins animés, des films, et surtout de la trilogie originelle. Pour faire les classes, nous nous sommes surtout inspirés des histoires que l’on allait raconter.
GameHope : Est-ce qu’il y a des idées que vous n’avez pas pu inclure dans le jeu final ? Ça ne doit pas être simple de travailler avec LucasArts, car il ne faut pas trop toucher à une licence pareille… Emmanuel Lusinchi: Nous l’avons fait de manière intelligente. Comme pour les autres jeux de la série, nous nous sommes placés pendant une période de la Guerre des Etoiles qui est très flexible, là ou très peu de choses sont connues et où nous avons apporté les réponses nous-mêmes. Cela nous permet donc beaucoup plus de liberté littéraire, d’écrire des histoires qui respectent l’esprit de Star Wars mais qui ne soient pas esclaves des films. Le partenariat nous a été très bénéfique puisque nous avons eu accès à toute la bande sonore, à tous les effets spéciaux, mais aussi à leur équipe de travail de bande-son, ce qui nous a permis par exemple pour la conception de nouveaux fusils lasers d’avoir des sons venant tout droit de leur studio. On reste donc très fidèle à la série Star Wars, et on a eu très peu d’interférences avec LucasArts, ce qui nous a permis d’intégrer ce que l’on voulait à The Old Republic.
GameHope : Les décisions du joueur influent sur la trame principale du jeu. Comment cela a-t-il été intégré ? Ne craignez-vous pas que le jeu ne se joue du coup pas trop en solo ? Emmanuel Lusinchi : Ce fut une contrainte permanente, non seulement parce que nous avons un scénario important pour un RPG Bioware, mais aussi parce qu' il est clair aujourd'hui que les jeux en ligne massivement multijoueurs doivent être accessibles par les joueurs solo. Cela complète le changement de la population, où les gens qui ont commencé sur Ever Quest, voire sur Ultima Online et autres, n’ont simplement plus le temps de jouer aux jeux vidéo aujourd’hui. Bien sûr, il y a de nouveaux joueurs, mais il faut tenir compte qu’aujourd’hui, il y a toute une gamme d’âge. L’aspect solo, ce n’est pas que nous voulions que les gens ne soient pas ensemble, bien au contraire, mais simplement que ce soit un gain de temps, une partie plus rapide qui permettrait de jouer pendant de courtes périodes, et donc adapté à ces anciens qui n’ont pas toujours le temps de jouer en ligne, de prendre leur temps, etc. Je le répète souvent, notre travail, c’est de tenter le joueur à s’allier avec quelqu’un d’autre. Et que ce soit l’interface, le design, les niveaux, les planètes, etc., tout est fait pour tenter le joueur en permanence à faire équipe avec un autre camarade en ligne. Nous faisons des choses, par exemple, purement pour des raisons sociales : chaque classe a une capacité à donner des pouvoirs pendant une heure, qui sont différents par classe, et que l’on peut donner à n’importe qui à n’importe quand, un peu comme pour dire « Bonjour, bienvenue », et ainsi commencer à créer des liens, mener un groupe, etc. Donc, nous voulons que les joueurs soient en groupe, mais nous n’allons pas les forcer.
Rhyscard : Les compagnons auront-ils une place importante ? Emmanuel Lusinchi: Oui, très ! Ils sont déjà très puissants, presque autant qu’un joueur, peut-être pas aussi intelligents bien entendu, mais ils ont un rôle important dans les combats. Ils donnent une dimension supplémentaire au jeu, j’y reviendrai, mais aussi en permanence dans l’histoire. Un peu à la manière de Dragon Age, lors de vos choix, ils pourront exprimer leur avis pour cet acte, et avoir une influence sur vous en fonction de vos liens d’amitiés personnels avec ce compagnon. Ceci est intéressant pour l’histoire, mais également pour le jeu. Il pourrait par exemple faire diversion lors d’un combat, prendre la majorité des dégâts pendant que vous attaquez le point faible de l’ennemi. Ce sont ainsi des techniques qui sont apprises en solo, et qui peuvent donc être appliquées en ligne avec d’autres joueurs.
Rhyscard : Quelle est l’importance du craft dans le jeu ? Emmanuel Lusinchi : Il est très important. Tout d’abord, parce que j’adore ça ! (rires) Quand j’ai refait la conception de base, il y a plusieurs choses que je voulais : premièrement, que le craft permette de gagner de l’argent. La façon dont on monte ses niveaux de craft est conçue pour qu’il y ait certaines valorisations des crafters (des artisans) et qu’ils restent importants. Après tout, le craft est le centre de l’économie, l’économie est le centre des échanges sociaux, et il nous paraissait donc important de valoriser cet aspect. Nous avons fait attention à ce que les crafters aient un rôle à jouer même après le dernier niveau obtenu, qu’ils soient un avantage personnel. Enfin, le craft a un rôle social : celui de création d’objets avec des apparences diverses. On peut alors attribuer un aspect unique à un objet, le faire monter en grade, le laisser, le rechercher, le recréer pour un autre objet…
JoKeR : Enfin, avez-vous caché des choses dans le jeu pour les fans ? Emmanuel Lusinchi : Bien sûr ! Il y en a beaucoup, mais on essaye de les garder secrètes pour qu’il y ait encore des choses à découvrir, donc je ne pourrai pas en parler !
JoKeR : Un petit indice ? Emmanuel Lusinchi : Mmmmmmh… Non ! (rires) Propos recueillis par Rhyscard et Joker le 14 décembre 2012