Test : Les Chevaliers de Baphomet : The Director's Cut - PC

Les Chevaliers de Baphomet : The Director's Cut - PC
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Si je vous dis Georges Stobbart, ça vous parle ? J'espère que oui. Bande de coquins, ça ne vous dit rien, alors peut-être que Nico vous reviendra plus facilement. Toujours pas ? Pourtant Les Chevaliers Baphomet est devenu avec le temps une licence culte que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaîtreuuuuuuhhhh... Pour les plus jeunes, et ceux qui ne l'ont pas vu naître, Broken Sword pourrait n'être qu'une de ces séries de niche, plutôt moyenne de surcroît, représentée par seulement un ou deux titres en 3D mous du genou... hibou, chou, caillou... Qu'en dites-vous ?
Georges Stobbart. A l'évocation de son nom, de nombreux joueurs se sentiront transportés dans les tréfonds uligineux de leurs souvenirs. Des vestiges inaltérables et pourtant si flous. Tous ceux qui y ont touchés se souviennent d'une réplique, d'une image, d'un personnage. Car avec Les Chevaliers de Baphomet, Revolution Software a créé un des monstres sacrés de l'histoire du jeu d'aventure, au même titre qu'un Sam & Max, Fate of Atlantis, Day of The Tentacle ou Monkey Island. Georges Stobbart fait partie des grands, et à leur image, n'aura réussi à transformer l'essai qu'au travers d'une nostalgie collective.

D'aventure en aventure

Comme le disait Jivé en 2006, "Bien bien avant le Da Vinci Code, du temps où Dan Brown n’était pas présent partout, on parlait déjà de l’histoire des Templiers, d’une secte secrète, d’un rapport étrange avec l’Église et toutes ces choses polémiques. [...] Georges, accompagné de sa nouvelle amie Nicole Collard (une journaliste française de chez nous, à la jonction de Amélie Poulain et Lara Croft), se retrouveront à enquêter sur un complot tournant autour de l’Ordre des Templiers, ou plutôt des nouveaux Templiers, un nouvel ordre religieux qui perpétue l’Ordre des moines-missionnaires du Moyen-Âge." Tout a donc déjà été dit ! Bien qu'ici le tour de force soit de parler sérieusement d'un thème sérieux avec beaucoup d'humour et de distance. D'ailleurs, au cours de l'aventure de Georges et Nico, il est bien difficile de croire à la description funambulesque et caricaturale de la secte maléfique internationale dirigée par trois gaziers dans une cave... Car l'univers est trop sibyllin, l'ambiance trop chatoyante, les personnages trop pittoresques. Finalement, ce qui forge la force de l'aventure entame sa crédibilité. Du coup, on se retrouve avec une fin artificiellement convenue et inintéressante, eu égard à la profondeur d'une aventure aphrodisiaque. Un sentiment de trop peu, de frustration, d'absence...

Evolution Software

Quiconque à touché à un des deux premiers épisodes est tombé de haut, quand le troisième épisode est arrivé entre ses mains moites et fébriles. Sorti en 2003, le troisième épisode faisait le pari de la 3D. Du coup, exit l'univers haut en couleurs plutôt minimaliste, laissant place à une atmosphère retravaillée et un gameplay réadapté (insertion de scénettes plus contemporaines, de plateformes, etc.). Dans le même temps, la scission s'opérait, entre des adeptes qui retrouvaient avec joie leurs personnages fétiches (toute perversion égale par ailleurs) et un élargissement de cible qui ne pouvait que difficilement séduire le badaud honnête. Le mal était fait ! Le charme des épisodes en 2D s'esquivait à l'horizon. Pourtant, dans le fond (et avec un peu d'opiniâtreté), ces aventures révélaient leur profondeur, leurs subtilités. Mais malgré tout, une question continuait de me persécuter. Je me demandais ce que le passage à la 3D avait apporté à la série, vraiment. On était bien loin de la douceur pastel, des nuances naturelles de décors dessinés à la main, de personnages vivants en parfaite harmonie avec leur univers... Tant de pertes pour quel profit ?

Une adaptation ratée

Dans une réédition, on s'attend le plus souvent à retrouver une version améliorée, avec des nouveautés ou au minimum un petit lifting. En caricaturant à peine, dans cette Director's Cut, les améliorations sont les défauts. Mais chose étonnante, l'expérience demeure... Ce ne sont pas les gaps de fréquence sonore dans les dialogues qui me feront mentir. Les nouvelles lignes de dialogue et les anciennes ne cachent même pas leurs différences. Une hérésie !!! Mais pourquoi s'en offusquer ? Peut-être parce que Les Chevaliers de Baphomet n'est rien de moins qu'un des jeux d'aventure les mieux écrits, divertissants et talentueux qu'il m'ait été donné de pratiquer. Les énigmes sont logiques, souvent accessibles, la progression intéressante et les dialogues sobrement justes. Les personnages intimement croqués, parfois même attachants. Alors quand on touche à ça, on a de quoi être énervé ! Pas assez de moyens, pas assez de temps ? Les développeurs emporteront certainement la réponse dans leur tombe. A cela, ajoutons un des plus grands mystères de cette réécriture ou "Comment faire moins bien en voulant faire mieux ?". A l'époque déjà, il y avait parfois des lenteurs dans les interactions entre protagonistes durant les phases de dialogues. Des décalages temporels qui se sont vus transformés ici en décalages fréquentiels. Le ton et la qualité des enregistrements ne sont pas égalisés, ce qui tend à altérer l'écoute et la concentration du joueur.

Coupeur en Chef

Il ne faut pas non plus exagérer, cette version Director's Cut n'est pas qu'un vilain tas de chiures opportuniste. On nous propose des peaufinages par petites touches. Sur Wii, on nous demandera quelques rares fois d'effectuer des énigmes à base de Motion Control. Des énigmes dont on aurait très bien pu se passer et qui sentent la mécanique de jeu "prétexte". Mais au final, ce qui fera la différence, ce seront les petits morceaux d'histoire en plus par-ci, les dialogues remaniés par-là, mais rien d'autre qu'un philtre de fan-service. Pourtant, ce qui faisait défaut en 1996 n'a malheureusement pas changé en 2010. Le rythme imposé, la mollesse ambiante, les échanges verbaux entre protagonistes tournant parfois au ridicule avec du surjouage mal placé et des dialogues au rythme décousu. Mais l'écriture est telle qu'on reste bien loin des standards actuels de verbiages insipides. L'honneur est donc sauf, l'humour est sauf. On est bien face à un grand jeu, par la finesse de certaines remarques toujours ciselées au scalpel, la qualité de certaines répliques toujours déchirantes, le tout enrobé dans l'observance d'une notoire délicatesse. Les jeux vidéo nous l'avaient déjà prouvé par le passé, cette Director's Cut ne fait que le confirmer, un jeu, aussi pétri de défauts soit-il, s'il est bien écrit, nous transporte malgré tout.
Archétype du grand jeu, treize ans après sa sortie, Les Chevaliers de Baphomet le demeure. Une aventure rare, dans une Director's Cut pourtant loin d'être irréprochable. Un monceau d'imperfections techniques qui ne parviendront pas à entacher toutes les subtilités d'une aventure inoubliable, à l'écriture maîtrisée, aux dialogues parfois somptueux et aux personnages impeccables… Les chevaliers de Baphomet reste encore aujourd'hui un jeu d'aventure de référence. Cette version Director's Cut sur Wii et PC permettra de vivre ou revivre une expérience précieuse. En espérant qu'un jour, une version 3D puisse enfin venir titiller ce monument ludique de la 2D, en y apportant une vraie nouvelle dimension.
12 novembre 2010 à 18h19

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Points positifs

  • L'histoire
  • Les personnages
  • Les dialogues
  • Les énigmes
  • L'ergonomie de jeu
  • Des morceaux d'intrigue en plus

Points négatifs

  • De vraies fausses améliorations
  • Les défauts techniques de conversion
  • La fin du jeu hollywoodienne toute naze et téléphonée
  • Les défauts de lisibilité du texte
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