Capcom nous avait prévenus : les moyens engagés pour concevoir le « meilleur Resident Evil de la saga » ont été énormes, à l’image de l’ambition de l’éditeur. Des centaines de personnes se sont attelées au projet afin de faire de cet opus celui qui redonnerait le coup de fouet, pas uniquement dans les ventes, mais bien dans l’estime qu’ont les joueurs pour la série de Shinji Mikami. Malgré de bonnes intentions, le soufflé retombe bien vite. Par exemple, la campagne de Léon et Helena, censée proposer le plus d’éléments « survival » des trois, nous offre un prologue digne des grosses productions occidentales testostéronées, le tout en moins bien. QTE hasardeux, lourdeurs des déplacements, le tout terminant à coup de déluge d’explosions et d’un saut à la
Die Hard dans un hélicoptère. Le ton est donc donné et les rubans encreurs nous semblent bien lointains maintenant.
Resident Dead Gears of Uncharted Space of Evil
Ainsi,
Resident Evil 6 se décompose en quatre actes, dont un bonus, qui raconteront chacun une partie différente du scénario. Ces trames narratives s’entrecroisent et permettent aux joueurs de suivre l’histoire du titre à travers les yeux de chaque personnage. S’essoufflant déjà lors du troisième opus, l’intrigue de la série est ici à la limite de l’asphyxie. En gros, on reprend certains éléments à succès de l’histoire (Umbrella maintenant Neo-Umbrella, un nouveau virus, des morts-vivants…) tout en les remodelant autour de méchants sans charisme, de nouveaux héros loin d’être indispensables et de vieux personnages usés et réutilisés comme de vulgaires marionnettes.
Neo-Umbrella s’amuse donc à provoquer la fin du monde en répandant le Virus-C sur la planète. Par chance, Léon S. Kennedy, l’homme à la mèche folle (
Resident Evil 2 et
Resident Evil 4) ainsi que l’agent secret Helena Harper s’occuperont de traquer les méchants dans le premier acte. Les environnements et éléments présents dans celui-ci rappelleront ceux ayant fait la renommée de la saga : cimetières glauques, souterrains poisseux, le retour des zombies… On y ressentirait presque de la nostalgie si l’envie de
Capcom de se rapprocher de l’action pure et de pomper les idées des autres titres AAA n’avait pas été aussi forte.
Dite bonjour au système de guidage à la
Dead Space ou au système de couverture de
Gears of War : hélas, on reste plus proche de l’ersatz chinois que du haut standing occidental. Ce
Resident Evil 6 est l’exemple même du syndrome terrible qui touche le jeu vidéo japonais à l’heure actuelle. Alors que les éditeurs nippons perdent pied dans bien des domaines, on tente de copier les voisins sans jamais atteindre la qualité désirée à la base. Même dans cette partie de l’histoire, oubliez la survie. Enfin, la bonne survie, la vraie. Si pour vous déambuler dans des environnements trop sombres qui vous obligent à plisser des yeux, priant pour que la voie empruntée ne soit pas bloquée par une chaise, un cordon de guidage ou une plante verte (c’est du vécu), c’est de la survie, vous allez être servis. Au final, vous vous retrouverez tout de même poursuivis par des hordes d’ennemis vous obligeant à traverser le niveau en courant ou déglinguer ce que vous pouvez avec vos rares munitions.
"What happened to the legendary Chris Redfield ?!" Piers Nivans
Le deuxième acte vous propose d’incarner le fameux, le beau, le légendaire, le mec qu’a fait plus de muscu en six mois que toi dans ta vie : Chris Redfield (
Resident Evil,
Resident Evil : Code Veronica,
Resident Evil 5) ainsi que son jeune acolyte militaire Piers Nivans. Contant l’histoire du point de vue de l’équipe du BSAA (Bioterrorism Security Assessment Alliance), cette portion de la trame scénaristique vous fera visiter l’Europe de l’Est, puis la Chine dans une lutte contre Neo-Umbrella et les J’avo, zombies mutants munis de mitrailleuses et de lance-roquettes. C’est ici que vous comprendrez réellement pourquoi
Resident Evil est désormais considéré comme de l’action-horror. C’est d’ailleurs un paradoxe assez troublant dans cet opus : alors que les ennemis sont toujours plus nombreux, les munitions seront de plus en plus difficiles à trouver. On se retrouve donc la plupart du temps à esquiver les ennemis, courir jusqu’à la fin du niveau comme un lâche ou de s’acharner sur les méchants au corps à corps pour éviter de gaspiller ces précieuses balles. Ce système est une petite nouveauté livrée avec le jeu, puisque dans les précédents opus l’interaction avec les ennemis au corps à corps se limitait à des finish moves pré-calculés (qui dans cet opus sont bien mieux réalisés et en plus grand nombre). Vous pourrez désormais attaquer avec vos poings et pieds, grignotant une barre d’endurance pour chaque coup infligé. Seul problème : les collisions mal gérées. Il faudra plus d’une fois vous ajuster pour mettre un pain dans la tronche d’un zombie ou de le finir au sol en vous mettant bien au-dessus de sa tête, sinon, c’est le flop.
Resident Evil 6 se pose donc en TPS-action classique mais sans avoir tous les éléments en main pour vraiment prendre son pied. Alors que dans un monde vidéoludique où la concurrence s’apparente plus à une fosse à lions qu’à une partie de marelle,
Resident Evil 6 propose des phases de jeu totalement WTF à se demander si les game designer ne se sont pas défoncés au white spirit autour des tables de réunion. Pour exemple, le système de couverture, complètement foiré, est abandonné au bout de quinze essais infructueux pour se dissimuler derrière un mur sans que la caméra fasse huit 360° en cinq secondes. On n’évoquera que rapidement les QTE qui n’ont aucun sens et surviennent la plupart du temps à des moments improbables et s’enchaînent à une vitesse folle, ce qui vous revaudra de recommencer à votre checkpoint une bonne dizaine de fois avant de terminer certaines séquences. Mention spéciale à plusieurs phases de jeu complètement ahurissantes de « MAISPUTAINJEFAISCOMMENTLA » où l’image (par effet de style qui n’a pas lieu d’être) se trouve floutée et tremble, alors assaillie d’ennemis et avec une caméra, capricieuse, qui continue de faire des siennes. Mais là, bien sûr, on ne parle que de technique. Certains choix dans le design du jeu sont totalement discutables comme nos amies les zombies-araignées qui trimballent des otages sur leur dos ou des passages en véhicules et séquences aquatiques inintéressantes au possible. Ce
Resident Evil 6 se pose comme une grosse compilation des anciens opus, un « Best-Of » où les vieux joueurs passeront leur temps à se dire «
mais j’ai déjà fait ce truc » plutôt qu’à vraiment apprécier les nouveautés implémentées par l’éditeur. Par ailleurs, certaines bonnes idées alors présentent dans
Resident Evil 5 se sont vues supprimées ici pour des raisons inexplicables : on pensera aux raccourcis pour les armes qui nous oblige, en pleine action, à ouvrir le menu et faire défiler nos pétoires jusqu’à trouver celle qui nous convient.
Laisse pas traîner ton fils
Dans le troisième acte, nous nous retrouvons en compagnie de Jake Muller (le fils d’Albert Wesker) ainsi que Sherry Birkin (
Resident Evil 2), fille de William, scientifique à l’origine du Virus-G. Là encore, on a affaire à des J’avo sur-équipés et prêts à muter pour vous faire du mal. En parlant de mutation, les animations de celles-ci sont exemplaires et la créature prend forme devant vous avec un réalisme surprenant. On sent bien le poids des centaines de développeurs mis à profit sur cet opus, notamment au niveau de l’esthétique du titre. Si la plupart des environnements n’ont rien à envier aux plus beaux jeux existants à l’heure actuelle, certains décors restent toutefois vides et dénués de vie, sans parler de façades dont la modélisation est digne des plus belle heures de la PS1 (peut-être un autre clin d’œil ?). C’est encore un des antagonismes de
Resident Evil 6 : on constate sur le même titre la présence de détails poussés à l’extrême et, en parallèle, des éléments grossiers qui n’ont pas mobilisés la même attention.
Dans la campagne de Jake et Sherry, vous serez poursuivi pendant une bonne partie du segment par un Ustanak, sorte de Tyran/
Nemesis programmé pour tuer Jake, porteur de l’anticorps du virus. La plupart du temps, la fuite sera inéluctable, courant de manière scriptée au rythme de QTE (soit presser de manière répétée les boutons de votre manette ou de tourner le stick directionnel comme un fou) inintéressants au possible. Mis à part l’Ursanak, les autres combats contre les boss restent dynamiques et requièrent un peu de maîtrise pour s’en sortir.
D’une manière générale, les environnements et ennemis restent bien trop scriptés. Alors que l’on ne s’arrêtait pas sur ces détails, par indulgence, dans les anciens opus, cribler de balles un ennemi couché par prévention, qui se relèvera sans problème quelques secondes après laisse une mauvaise impression. On pourra également évoquer les trop nombreuses cut-scenes qui couperont le rythme à bien des moments, vous obligeant à poser la manette. Ces détails gênants font que l’immersion de cet opus (un point fort de la série) en prend un sacré coup et ne nous laisse que les os d’une saga alors autrefois bien en chair. Le point fort de
Resident Evil 6 reste finalement sa durée de vie. Ce sont plus de 30 heures de jeu qui vous attendent, sans compter l’acte bonus et les différents modes (Mercenaire et Chasse à l’homme) ainsi que le principe des habiletés qu’il faudra acheter pour augmenter certaines caractéristiques de vos personnages (Attaque plus puissante, défense augmentée, plus de munitions, etc.). Alors que la difficulté nécessite certains ajustements (le jeu a été testé à la difficulté maximale), on reste déçu de voir revenir la vie à 100% aux checkpoints bien trop nombreux, ce qui nous incitera à prendre le plus souvent la fuite face à de nombreux ennemis, voire provoquer notre mort pour revenir avec la santé au maximum après un mouvement loupé.