
Couleurville. Havre paisible et débordant de couleurs. Cette palette éclatante de teintes saturées incarne d'ailleurs sa philosophie, dans l'union et la diversité des espèces et de leurs croyances. Une solidarité qui, tristement, ne saurait durer puisqu'un mystérieux esprit symbolisant la blancheur pure ne va pas tarder à plonger ce petit monde dans une neutralité absolue. Une neutralité qui va conduire les trois principaux quartiers de la ville, chacun personnalisé par une couleur (rouge, vert et bleu) à se sectoriser, développant chez certains une haine non dissimulée des autres couleurs, chez d'autres une peur de l'étranger. Le racisme s'installe lentement mais sûrement, jusqu'au jour où l'entité malveillante décide de voiler la ville d'une épaisse nappe de matière blanchâtre, surnommée "grisaille". C'est peu de temps avant cet évènement que commencent les péripéties de notre jeune héros, Koru, accompagné de Tap, adorable petite bestiole-peluche qui prendra la parole à sa place, à la manière d'un Jak & Daxter premier du nom.

Dès les premiers instants de jeu, on sent un amour évident de la part des développeurs pour les jeux du genre : un univers coloré, des personnages attachants, une atmosphère musicale enjouée, un humour piquant, et une jouabilité qui s'assimile en douceur. Tout y est, ou presque, et nous renvoie avec nostalgie en ces temps où l'on s'amusait avec
Crash Bandicoot,
Spyro,
Sly Cooper,
Ratchet & Clank et autres consorts injustement sous-estimés tels que
Legend Of Kay,
Kya Dark Lineage et le fabuleux
Beyond Good & Evil de Michel Ancel.
Des couleurs jusqu'au bout des ongles
Le gameplay se veut d'ailleurs assez proche de ce dernier, ou encore même d'un
Zelda, les sauts étant automatisés et les combats prenant une part importante dans l'expérience de jeu, via un système d'attaque et de parade faciles à maîtriser. Des phases de grind sur des rails, des séquences d'infiltration, des mini-puzzles à résoudre, de l'exploration pure, des cabrioles agiles et scriptées, et même de la course à pieds, etc, une variété de situations appréciables, quoique limitées et pas franchement très originales. L'ensemble fonctionne néanmoins plutôt bien et la progression se veut fluide, au sein d'environnements diversifiés, le tout pour une durée de vie tout à fait honnête - comptez entre 6 et 8h pour votre première session - au vu du faible coût du jeu. La rejouabilité, en contre-partie, n'est pas des plus conséquentes, le seul intérêt à se relancer dans l'aventure une seconde fois, au-delà du plaisir purement ludique, étant limité à la collection de pinceaux parfois bien dissimulés et qui demanderont de fouiller les décors de fond en comble. Ces items vous permettront ainsi d'acheter des bonus, allant du cheat code burlesque (mode grosse tête et autres joyeusetés) aux galeries d'artworks.

Avant d'énumérer plus en détails les quelques défauts du jeu, une mention spéciale aux musiques composées par Filippo Beck Peccoz, d'une grande richesse dans ses textures et instrumentations. Rappelant parfois la patte si particulière de Stewart Copeland sur les premiers
Spyro, la bande-originale nous plonge également de temps à autres dans des atmosphères envoûtantes et mélodieuses. Une très jolie réussite à ce niveau qui se doit d'être signalée.
En demi-teinte ?
Nous vous avions déjà donnés un aperçu relativement complet du jeu dans notre preview, en vous faisant part de nos impressions somme toute positives, malgré quelques réserves. Il s'avère que le bilan de ce test se montre très proche de notre premier ressenti. En effet, les quelques défauts que nous redoutions sont malheureusement toujours présents, avec une jouabilité un peu flottante d'un côté, et des interactions parfois peu réactives, ce qui a tendance à rendre les combats assez mous. D'autant plus regrettable étant donné que le jeu fait clairement la part belle à cet aspect. Cela étant dit, l'expérience demeure tout à fait satisfaisante, même si l'on aurait tendance à qualifier le système de combat de
Arkham-like pour enfants, ce qui en soi ne serait pas gênant s'il se montrait plus pêchu et intense. Un constat se retrouve également durant des séquences portées sur la furtivité, parfois gâchées par des déplacements trop lents. Le mixage du son, lui aussi, manque souvent de punch, la faute à des bruitages trop effacés, mais l'excellente bande-originale mentionnée auparavant vient compenser ce manque avec brio. Dernier point noir à noter, du moins sur la version PS4, qui souffre de ralentissements plus ou moins fréquents, sans être foncièrement pénalisants. Une optimisation souffreteuse, probablement due à l'intégration récente et donc bancale de la technologie Unity sur la console nouvelle génération de
Sony.
Bref, rien de bien méchant, rassurez-vous, on parle bien ici de défauts mineurs, jamais handicapants. Au-delà de ces quelques ratés, c'est avant tout un certain regret qui prédomine. Si notre premier contact avec
The Last Tinker nous avait fait miroiter une histoire résonnante, avec des thématiques fortes et une réflexion certes légère mais bien présente sur la notion de différence entre individus, l'aventure nous aura clairement laissés sur notre faim. Car malgré une narration tout à fait correcte pour un titre du genre, la trame scénaristique peine à élever son ambition au fil de sa progression, nous menant vers une conclusion prévisible et ne parvenant jamais à embrasser pleinement les thématiques instaurées en début de jeu. On aura droit de temps à autres à quelques modestes twists et tentatives de développement des personnages, mais rien qui sache toutefois nous transporter. Certains jeux cartoon ont pourtant déjà réussi ce pari, tel que l'excellent
Ratchet & Clank : A Crack In Time, à mi-chemin entre space opera épique et véritable fable intergalactique.