Test : Night Call - PC

Night Call - PC

Night Call - PC

Genre : Enquête narrative

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Des silhouettes embrumées qui se dessinent au loin derrière votre pare-brise, la pluie qui se casse sur la tôle de votre taxi, vous patientez. Soudain, la porte s’ouvre et claque. Est-ce un simple client prêt à vous déballer son lot de misères ? Pire, est-ce que le tueur aurait eu le culot de s’installer sur votre banquette arrière ? Non, c’est encore cette enquêtrice acerbe qui vous rappelle que votre passé n’est pas rose et que vous avez plutôt intérêt à l’écouter et à récolter un maximum d’indices pour coincer le tueur en série qui rôde dans les rues de Paris la nuit. Mené en bateau, vous n’aurez pas d’autres choix que de rouler votre taxi à la recherche de personnes à interroger, de lieux à visiter et de renseignements à glaner ici et là, pour pouvoir reconstruire des bouts d’histoire et apporter un suspect crédible à l’enquête de la police.

Test effectué à partir d'une version PC

Night Call vous met donc dans la peau d’un conducteur de taxi un peu bourru, forcé de mener l’enquête sur ce tueur mystérieux pour le compte de la police. Alors que l’on s’attendait à un titre comportant de nombreux éléments d’enquête (à la manière d’un Her Story, voire d’un Return of the Obra Dinn), le jeu développé par Black Muffin/MonkeyMoon et édité par Raw Fury se présente comme un pur jeu narratif. La progression se fait en deux temps forts : les nuits dans le taxi et les journées à l’hôtel.

« Night gathers, and now my watch begins »

Durant les nuits, vous roulez. Le jeu se présente alors sous la forme de la carte de la capitale française intra-muros et vous devrez choisir les clients à récupérer pour y effectuer la course demandée. C’est là tout le sel du jeu puisque vous devrez essayer de faire parler vos clients et de soutirer, quand c’est possible, des informations relatives à l’enquête. Dans beaucoup de cas, les personnes ne savent pas grand-chose et évoqueront directement leurs problèmes. C’est là que la superbe écriture d’Anthony Jauneaud (Narrative Designer sur le jeu) claque et évoque tout un tas de sujets avec brio : religion, acceptation de soi, politique, la crise des migrants… Durant vos conversations, vous aurez la possibilité de choisir certaines réponses ou de ne pas répondre (il est possible de faire tout un trajet sans échanger du tout avec le client). Les embranchements narratifs sont donc nombreux et vous pouvez retrouver les mêmes personnes dans plusieurs courses différentes, faisant ainsi évoluer la relation entre vous et elles petit à petit.

Le problème est lorsque vous allez refaire des parties : retrouver les mêmes personnes vous obligera à refaire les mêmes conversations jusqu’à devoir cliquer frénétiquement sur votre souris pour passer plus rapidement les textes. Ça devient vite assez répétitif et frustrant, surtout lorsque l’on sait la qualité d’écriture des récits que l’on pourrait manquer. Car oui, vous aurez huit nuits au total pour récolter un maximum d’indices et essayer de trouver l’identité du tueur. Une fois le temps écoulé (environ 3h en jeu), vous tentez votre chance et pourrez ensuite relancer une partie et essayer un autre scénario (qui comprend un autre tueur, mais ne change pas fondamentalement la donne). Il faut savoir que le plaisir de Night Call réside dans la découverte des clients et la participation à ces conversations parfois saugrenues et parfois pleines de sens et d’émotions. Les mécaniques de résolution de l’enquête sont moins réussies.

Night Call

Une fois le temps en taxi écoulé, vous vous redirigez vers votre chambre d’hôtel où s’accumulent, sur un tableau, les indices glanés au gré de vos pérégrinations nocturnes. À chaque rentrée, vous accumulez donc les informations qui prennent la forme de petits bouts de papier (pas super clairs, d’ailleurs) s’entassant en dessous des portraits des principaux suspects. Ne vous méprenez pas : ici, vous n’aurez rien à lire, pas de dossier à décortiquer, pas de bande sonore à réécouter ou d’objet à scruter minutieusement. Il s’agit simplement de reprendre les éléments centraux relevés durant certaines conversations et d’essayer d’en déduire l’identité du meurtrier. C’est un peu fade et pas vraiment à la hauteur de nos nuits passées en taxi qui posent vraiment un cadre et une ambiance d’enquête de haut vol (portée par l’excellente bande-son de Corentin Brasart). Tout comme la partie dédiée à l’enquête en taxi, le temps passé à l’hôtel est chronométré et vous ne pourrez pas négliger votre temps de sommeil au détriment de l’analyse de vos dossiers d’indices. Car oui, il faut quand même garder la tête froide dans tout ce merdier !

Night Call

Le temps et l'argent : les moteurs du jeu

Comme précisé, la gestion de votre temps et de votre argent est un élément à ne pas oublier dans Night Call. Si vous pensiez pouvoir enquêter sans penser à votre job et à vos rentrées d’argent, vous vous mettez le doigt dans l’œil. Si vous gérez mal et que votre argent tombe à 0, c’est la fin de la partie. Comme dans la vraie vie, chaque course de taxi vous rapportera de l’argent. Si vous vous conduisez particulièrement bien (ou du moins dans le sens de votre client) durant les conversations, vous aurez même le droit à un petit pourboire, histoire de vous donner de la marge en termes de dépenses. Car oui, une fois la nuit terminée, le jeu fera le bilan de vos dépenses « de fonctionnement » comme vos clopes, l’entretien de votre tacot ou encore la location de l’hôtel. Il faudra également ajouter le coût de l’essence puisqu’en plus de voir votre temps s’égrainer, une barre représentant votre niveau d’essence diminuera au fur et à mesure de vos déplacements. Vous pourrez faire des haltes dans des stations-service, histoire de remettre votre jauge d’aplomb et en profiter pour discuter avec le gérant et acheter le journal. On regrettera d’ailleurs le côté très expéditif de ces conversations qui consistent simplement en une phrase expliquant que « le gérant vous a raconté des choses intéressantes » sans vraiment pouvoir interagir et vraiment mettre les mains dans le cambouis.

Night Call

Comme précisé précédemment, la gestion de votre temps/argent est primordiale et il vous faudra trouver le bon équilibre entre vos courses pour gagner de l’argent, les temps pour aller visiter certaines zones clés sur la carte vous aidant à progresser dans l’enquête (mais ne rapportant pas de monnaie), votre carburant et votre temps d’analyse, une fois rentré à l’hôtel. Les phases de déplacement en voiture comportent également quelques petites incohérences. On notera, par moments, des décalages entre le discours du client et les événements que se déroulent sur la carte. Vous pourrez voir que le parcours est censé continuer sur le GPS alors que la voiture s’arrête, signifiant la fin de la conversation/parcours, ce qui sort un peu le joueur du jeu. Il aurait été judicieux d’avoir un léger fondu au noir (ou un écran de transition) pour adapter la fin de la conversation à la fin de la course, histoire de ne pas perdre en immersion. Certains événements « fantastiques » surviendront également par moments pour expliquer le passé du protagoniste ou juste pour jouer un peu avec votre cerveau. Si quelques-uns sont bienvenus et osent même le ton humoristique, certains autres arrivent un peu comme un cheveu sur la soupe et n’apportent pas vraiment de grandes avancées dans le récit.

Night Call
Comme un taxi qui n’aurait que deux vitesses, l’écriture, l’ambiance et les bonnes volontés de Night Call nous donnent toujours envie de replonger dans ce Paris nocturne un peu cra-cra, malgré la déception qu’apporte le manque de profondeur dans le côté « enquête » du jeu. La rejouabilité possible permettra de découvrir des personnages intéressants et hauts en couleur, même s’il vous faudra endurer le côté frustrant et répétitif de devoir réentendre les mêmes dialogues pour approfondir une relation avec un client. Si certaines mécaniques sont un peu loupées et sortent de l’immersion du jeu,  on notera que Night Call, à défaut d’être un grand jeu d’enquête, reste un bon jeu narratif, malgré une passivité un peu trop prégnante.
22 juillet 2019 à 11h21

Par

Points positifs

  • L’écriture
  • L’ambiance
  • La bande-son
  • Le concept

Points négatifs

  • Les incohérences
  • La partie à l’hôtel loupée et pas très claire
  • La gestion de l’argent par moments un peu trop punitive
  • Le manque de diversité dans les scénarios
  • La répétitivité des dialogues lorsque l’on relance des parties

Gribouillé par...

Lorris

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Fin limier du mot

Jean-Claude Van Damme au corps, Jean-Claude Dusse dans la tête. C'est parfois l'inverse.

Twitter : @Yolorris

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