Draugen nous met dans la peau d'Edward Harden, un érudit américain se rendant dans une petite ville de pêcheurs nommée Graavik. Edward a fait ce long voyage accompagné par Alice, une jeune femme ne le quittant pas d’une semelle. Notre duo se rend sur place à la recherche d'Elizabeth, la sœur disparue d'Edward qui n’a plus donné de nouvelles depuis un mois, et dont les dernières traces semblent mener à Graavik. Mais, malheureusement, en arrivant Edward et Alice découvriront une ville entièrement vide (ce qui est très réaliste, quand on connait la Norvège) et pire encore : le bateau qui leur avait permis d’arriver a disparu. Voilà donc Edward et Alice bloqués dans une ville fantôme coupée du monde où ils ne pourront que découvrir ce qu’il s’est passé.
Il n’est pas vraiment nécessaire de parler de technique ou de gameplay dans Draugen tant ils sont secondaires. Le gameplay se résume à marcher et interagir avec des éléments du décor : c’est de cette manière, en trouvant des objets, des lettres ou des articles de journaux, que l’on découvrira le passé sombre de Graavik et de ses habitants. Vous pourrez aussi courir, mais cela ne vous permettra que de finir le jeu plus vite. D’une pression du bumper droit, vous pourrez aussi parler à Alice, mais vous éviterez sûrement ça autant que possible et nous verrons plus tard pourquoi. Edward aura aussi la possibilité de s’arrêter pour dessiner, mais ceci n’aura finalement pas grand intérêt en dehors de la collection et de regarder une cinématique beaucoup trop longue que l’on finira par couper.
Draugen a été développé sous Unreal Engine, comme beaucoup avant lui et probablement après lui. Ce n’est pas un mal, mais on commence à assister à ce que l’on pourrait appeler ''le syndrome Disney''. Pour faire simple : depuis un certain temps, les films produits par Disney suivent tous le même schéma et, pour cette raison, on a un peu une impression de déjà-vu. Avec l’Unreal Engine, c’est un peu pareil. Le nombre de développeurs utilisant le moteur est énorme ce qui fait que, parfois, les jeux finissent par se ressembler, en tous cas en ce qui concerne l’esthétique. Dans Draugen, prenez les arbres ou encore les fleurs : il s’agit des mêmes que vous pourrez voir dans Shenmue 3, avec les mêmes couleurs et les mêmes lumières. Le point commun entre les deux jeux est l’Unreal Engine et, visiblement, le même pack d’assets a été utilisé. Encore une fois, ce n’est pas un mal, mais cela donne cette impression bizarre de déjà-vu. Quand on utilise un outil que tout le monde utilise, il faut faire de son mieux pour se démarquer. La plupart du temps, cela passe par la direction artistique, mais Draugen ne fera aucun effort à ce niveau. Et c’est dommage, car il y avait de l’espoir. Le jeu n’est pas laid. Il n’est pas beau non plus... Il est juste générique.

Se Draugen c’est mal, m’voyez ?
Vous l’aurez compris, tout l’intérêt de Draugen réside dans son histoire. Et nous ne ferons pas de détours : il y a des vérités qui sont dures à dire et qui font mal, surtout quand on sent que Red Thread Games était plein de bonnes intentions. Mais la vérité dure à accepter est l’un des thèmes du jeu alors allons-y… Draugen tombe totalement à plat. Tout d’abord, il est décevant car, à la vue de son titre, on pouvait s’attendre à une aventure dans le folklore scandinave. Mais il n’en sera rien. Les draugens seront à peine évoqués. Il n’est en fait question que d’une histoire traitant de l’isolement et des dégâts qu’il peut faire, des traumas et de l’acceptation de la réalité. Seulement, tous ces sujets sont mal traités ici. Prenons par exemple le trauma et l’acceptation de la réalité. La conclusion d’Edward sera totalement à l’opposé du message que le jeu veut véhiculer. Rien de plus ne sera dit pour ne pas spoiler, mais le personnage principal sera finalement à la fin de l’aventure comme il était au début, ce qui veut dire que, finalement, il aura fait tout ça pour rien.
Parlons maintenant de l’isolement. Draugen veut vraiment instaurer cette atmosphère de personnage coupé du monde, de « je suis seul mais je me sens observé ». Malheureusement, cela tombe à plat une nouvelle fois et pour une raison encore plus simple : Alice. Vous serez accompagné pendant toute l’aventure, il est donc impossible de se sentir seul. A aucun moment on ne sentira de l’inquiétude face à une situation, car Alice sera là. Et Alice, parlons-en. Vous serez en face de l’un des personnages les plus agaçants de l’histoire du jeu vidéo. Une espèce d’enfant hyperactif n’ayant rien d’intéressant à dire et désamorçant toutes les scènes devant générer un minimum d’inquiétude avec ses commentaires lamentables. Ce n’est pas tout : quand elle aura autre chose à dire, cela sera pour rabaisser le personnage principal. Eh oui, vous devrez passer environ 4 heures avec une personne détestable. Vous comprenez maintenant pourquoi vous allez au maximum éviter de lui parler ? Mais Edward n’est pas beaucoup mieux dans son rôle de ''The Rational Guy''. Une cloche sonne toute seule ? Sûrement le vent. Le bateau s’en va ? Sûrement le vent. Toute la population d’une ville a disparu ? Sûrement le vent… Les personnages rendent l’accroche à l’histoire encore plus compliquée tant ils sont désagréables.
Et que peut-on dire du scénario en lui-même ? Draugen tente de mettre en parallèle l’histoire personnelle d'Edward avec ce qu’il s’est passé dans un village déchiré entre deux familles. Et, là encore, ça ne marche pas. Le parallèle ne fonctionne pas. Si, dans le cas d’Edward, nous repartons avec toutes les réponses à nos questions, dans le cas de Graavik c’est loin d’être le cas et tout sera plus qu’ouvert à l’interprétation. Qu’est-il arrivé aux habitants ? Qu’est-il arrivé aux familles ? Qu’est-ce qui a été découvert à la mine ? Comment tout ça a pu se passer en un mois ? Et, bien sûr, BORDEL DE MERDE C’EST QUOI LE RAPPORT AVEC LES DRAUGENS QUI DONNENT LEUR NOM A CE JEU ET DONT ON ENTEND PARLER QUE DANS UN BOUQUIN TROUVÉ DANS UNE CHAMBRE D’ENFANT ? Vous l’aurez compris, Draugen déçoit même avec son histoire qui est pourtant son intérêt principal.
Pourtant, il ne faut pas enterrer ce jeu pour autant. Dans les crédits de fin, on peut voir une annonce disant qu'il y aura une suite. Honnêtement, on le souhaite de tout cœur. Tout d’abord, parce que l’industrie du jeu vidéo est une industrie dure où il y a des pertes tous les jours, et on ne souhaite à personne un échec et ses conséquences. Même si le jeu est décevant, Red Thread Games a cru en son projet, allant jusqu’à s’associer avec l’Institut National du Film Norvégien et l’Union Européenne et, rien que pour cela, le studio mérite notre respect. Il a porté le projet à bout de bras, faisant le jeu qu’il voulait faire tout en trouvant les financements pour s’auto-éditer et ne pas avoir de contrainte. Chapeau les gars ! L’annonce d’une suite montre que le studio croit vraiment en son projet et qu’il ne va pas le laisser tomber.
Fjord, j'en ai toujours sur moi
Il y a quelques années est sorti un point'n click nommé The Blackwell Legacy. The Blackwell Legacy avait un personnage principal antipathique, une narration pas très bien maitrisée et tombait à plat sur tous les thèmes qu’il souhaitait aborder. Sans parler des nombreuses questions sans réponses... Pourtant, la série Blackwell a connu six épisodes. Épisode après épisode, l’histoire devenait plus intéressante, les personnages plus attachants et le tout bien mieux maitrisé. Finalement, Blackwell en tant que série vaut vraiment le coup d’œil, ce qui n’était pas gagné avec le premier opus. C’est peut-être ce qu’il se passera avec Draugen si des suites paraissent. En tous cas, c’est ce que l’on souhaite et c’est pour cela que l’idée d’une possible suite est finalement positive.