Test : Baby Steps - PC

Baby Steps - PC

Baby Steps - PC

Genre : Littéral simulateur de marche

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Baby Steps n’est pas vraiment un jeu qu’on maîtrise. C’est une expérience étrange, presque cruelle, qui vous apprend à marcher, à tomber, à vous relever. Et à recommencer encore. À force de persévérance, on découvre qu’entre deux chutes, il y a quelque chose d’attachant dans cette odyssée de l’échec.

Test effectué à partir d'une version PC

Les premières secondes suffisent à comprendre que Baby Steps n’a rien d’un jeu de plateforme ordinaire. On y incarne Nate, un trentenaire en grenouillère, paumé dans un monde qu’il ne comprend pas. Chaque jambe doit être contrôlée individuellement, chaque mouvement demande une attention maladive, et chaque pente devient un combat. Le moindre faux pas se solde par une roulade incontrôlée, un cri de douleur et une bonne dose de ridicule. Le système de contrôle, inspiré de curiosités comme QWOP ou Getting Over It, repose sur une idée simple : faire de la locomotion une épreuve. À première vue, cela ressemble à une blague jouable. Pourtant, il y a dans cette maladresse quelque chose d’étrangement captivant. Avancer de trois mètres sans tomber relève presque du miracle, et quand on y parvient, la satisfaction est disproportionnée. On ne saute pas, on ne court pas, on marche, laborieusement, comme si chaque pas pesait une tonne.


Le terrain est semé d’embûches, et chaque colline est une montagne miniature. Le jeu ne vous indique jamais comment avancer, il ne vous donne pas de carte, pas d’objectif clair, pas de raccourci vers la réussite. Il vous laisse simplement lutter. Et plus on s’y attarde, plus on comprend que la lutte fait partie du plaisir. On apprend à sentir le poids du personnage, à anticiper la courbe d’un sol irrégulier, à gérer la gravité. Parfois, un simple rocher devient une énigme de dix minutes. Ce qui frappe, c’est à quel point cette mécanique transforme un geste banal en performance. Le joueur devient spectateur de sa propre maladresse. Nate trébuche, grogne, marmonne dans sa barbe, et on finit par s’identifier à lui. Pas parce qu’il est courageux, mais parce qu’il est désespérément humain. Dans ce chaos contrôlé, chaque victoire, aussi minime soit-elle, a le goût d’une rédemption.

Humour, absurdité et gravité

Baby Steps n’est pas qu’un jeu de physique comique. C’est aussi un portrait au vitriol d’un homme perdu dans une vie sans direction. Nate est un adulte qui refuse d’en être un, enfermé dans une bulle d’ironie et de désillusion. Lorsqu’il atterrit dans ce monde étrange, il ne comprend rien, mais préfère râler plutôt que chercher à s’en sortir. Le ton du jeu oscille sans cesse entre moquerie et tendresse, un peu comme si l’absurde servait de miroir à la dépression. L’humour y est omniprésent, mais jamais gratuit. Chaque chute est un gag visuel, chaque dialogue renvoie à une forme de nihilisme doux. Les développeurs ont réussi à faire de la lenteur et de la maladresse des ressorts comiques puissants, sans tomber dans la caricature. On rit, oui, mais souvent jaune. Nate marmonne des phrases absurdes, discute avec le vide, et finit toujours par trébucher à nouveau, prisonnier d’un cycle dont il ne se sortira sans doute jamais.

Baby Steps

Sous la couche de gags se cache pourtant une réflexion plus sérieuse. Baby Steps parle de la difficulté à trouver sa place, de la peur d’échouer, de la honte d’être à la traîne. À travers cette marche interminable, le jeu met en scène la paralysie existentielle d’une génération qui cherche à se prouver qu’elle peut encore avancer. La lenteur devient ici un symbole. On ne fonce plus, on progresse pas à pas, en tombant souvent, mais en apprenant à continuer malgré tout. Et puis il y a le décor, d’une beauté surprenante. Les montagnes, les forêts brumeuses, les vallées lointaines, tout respire la solitude. Le contraste entre la grandeur des paysages et la petitesse du héros crée une forme de poésie involontaire. Quand Nate reste immobile, haletant après une longue ascension, le silence du vent dans les arbres dit plus de choses qu’un long dialogue. C’est aussi dans ces moments suspendus que Baby Steps révèle toute sa singularité. On oublie la farce, on s’abandonne à la contemplation. Le jeu, malgré ses chutes et ses cris, devient méditatif. Il nous pousse à accepter la lenteur, à savourer l’effort, à rire de nos propres limites.

Baby Steps

Frustrations au bord du précipice

Mais tout n’est pas rose, ni même stable. Baby Steps est un jeu exigeant, parfois à la limite de l’agacement. Le concept est fascinant, mais il s’accompagne d’une dose de frustration qu’il faut apprendre à apprivoiser. La caméra est souvent le premier ennemi. Dans les passages escarpés, elle se place au pire moment, masquant un obstacle crucial ou perturbant la perception de la pente. On peste, on tombe, on recommence. Et on retombe encore. Parfois, l’angle de vue transforme un saut précis en un pur acte de foi. Les sections les plus difficiles surgissent sans prévenir. Après un enchaînement plutôt fluide, le jeu balance soudain une montée infernale où chaque pas devient une lutte de vingt secondes. Ce manque de progressivité peut décourager. Le sentiment d’injustice, lui, n’est jamais loin. L’absence de sauvegardes fréquentes amplifie encore cette impression. On peut perdre de longues minutes, voire une demi-heure, sur une seule erreur. Ce choix radical donne du sens à chaque pas, mais peut vite épuiser. C’est une expérience qui demande de la patience, voire une forme de résilience masochiste. Pour certains, cette lenteur extrême sera rédhibitoire. Baby Steps ne cherche pas à plaire au plus grand nombre. Il assume son côté expérimental, quitte à perdre en accessibilité. Ceux qui attendent une progression claire, des récompenses visibles ou un rythme soutenu risquent d’abandonner avant d’en saisir le charme. Et pourtant, malgré tout cela, on continue. On peste, on rit, on recommence. C’est un jeu qui vous pousse dans vos retranchements, qui vous confronte à votre propre obstination. Il rappelle que parfois, la victoire ne consiste pas à triompher, mais simplement à ne pas renoncer.

Baby Steps

Quand tomber devient un art

Avec le temps, Baby Steps devient une sorte de rituel. On apprend à aimer ses chutes, à anticiper la trajectoire du désastre. On commence à sentir le terrain, à jouer avec la gravité, à trouver un rythme dans la maladresse. Ce moment où Nate enchaîne plusieurs pas sans glisser est une petite apothéose, un miracle d’équilibre précaire. Le son des pas, le frottement du tissu, le craquement de la terre, tout contribue à créer une atmosphère étrangement intime. Le jeu n’a pas besoin d’effets spectaculaires. Sa réussite repose sur la précision de ses détails, sur cette sensation physique de progression, lente mais sincère.

Baby Steps

Techniquement, le moteur tient bien la route. Les environnements ne sont pas nombreux, mais ils dégagent une vraie personnalité. La direction artistique mise sur la sobriété : des collines pastel, des ciels gris, des textures modestes mais cohérentes. L’ensemble évoque une maquette géante, un monde doux-amer, à mi-chemin entre rêve et satire. La bande-son, discrète mais bien pensée, renforce cette impression. Quelques nappes mélancoliques accompagnent la marche, se fondant dans le vent ou les bruits de pas. Parfois, une mélodie fragile s’élève, juste assez pour rappeler que même dans la chute, il y a quelque chose de beau.

Baby Steps

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Baby Steps n’est pas un jeu pour tout le monde. Il est lent, exigeant, et souvent absurde. Mais il est aussi profondément humain. Il transforme la maladresse en émotion, la frustration en rire, la chute en progression. On en ressort un peu groggy, un peu admiratif aussi, face à un projet qui ose autant s’éloigner des sentiers battus. C’est un jeu bancal, parfois frustrant, mais d’une sincérité rare. Il ne cherche pas à séduire, il vous laisse trébucher jusqu’à ce que vous trouviez votre rythme. Et quand enfin on parvient à franchir un obstacle qu’on croyait impossible, on comprend la vraie réussite de Baby Steps : faire de la persévérance un douloureux plaisir.
13 octobre 2025 à 09h57

Par

Points positifs

  • Une mécanique de marche originale et fascinante
  • Un humour absurde mais intelligent
  • Des moments contemplatifs inattendus
  • Un personnage principal étonnamment touchant
  • Une vraie cohérence entre gameplay et message

Points négatifs

  • Une caméra capricieuse
  • Des passages trop abrupts dans la difficulté
  • Des sauvegardes trop espacées
  • Une frustration souvent mal dosée
  • Peu accessible pour les joueurs impatients

Gribouillé par...

Lorris

Lorris

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Jean-Claude Van Damme au corps, Jean-Claude Dusse dans la tête. C'est parfois l'inverse.

Twitter : @Yolorris

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