Test : BioShock - PC

BioShock - PC

BioShock - PC

Genre : FPS-RPG

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Tout gamer en a inévitablement déjà fait l'expérience un jour ou l'autre : il existe dans le monde vidéoludique des softs plus uniques que les autres, personnels, prônant un environnement et des sensations qui leurs sont propres ; des titres, non pas fécondés par diverses études de marchés ou autres prévisions pécuniaires, mais bel est bien par un pur esprit créatif, comme celui de l'auteur littéraire, partageant son propre plaisir avec son lecteur. Car BioShock, c'est avant tout du plaisir, à l'état brut.
Projet relativement ancien (annoncé en 2004) et ayant parcouru indéniablement autant d'embûches que bon nombres de vaporware, BioShock, annoncé comme la suite spirituelle du transcendant System Shock II est désormais disponible, à la portée de tous. Des millions de joueurs qui, en insérant la gallette, s'ouvriront, quels que soient leurs goûts, leurs préférences, les portes d'un monde dont ils ne pourront que ressortir différents. On dit que la magie de l'art opère ainsi, sur l'intérieur, sur soi. Mais si le domaine du jeu vidéo peine à prouver sa valeur en tant qu'art, BioShock, lui, ne rencontrera aucune difficulté à s'imposer comme le chef d'œuvre vidéoludique tant attendu.

C'est rien, c'est rien, mais après tout…

Quelque part au dessus de l'atlantique, mi-20ème siècle, sous une atmosphère déjà suffocante, comme laissant présager un futur imposé, un Homme, pas si banal que ça, voit sa vie basculer, réellement, et métaphoriquement. L'avion dans lequel il se trouve semble heurté, sa trajectoire s'achève sur des eaux glaciales, peu de temps après jonchées par le feu. Seul entité visiblement encore animée, et emprisonnée par les flammes, un unique choix s'offre à lui : rejoindre un ilot étonnemment proche, exposant un phare qui semble s'élever vers l'infini. Une fois entré, notre Homme n'est aucunement surpris par les lumières éclairant progressivement sa progression, ou la musique s'imposant de plus en plus fortement, le soft laissant toute réflexion au joueur, pour maintenir l'immersion à son paroxysme. Mais ce "phare", qui pourtant se dresse infiniment vers les cieux, ne propose qu'un chemin inverse à ce que laissaient entrevoir les apparences : une bathysphère, source de la musique, y est en effet conservée, dans l'unique but d'inviter son voyageur dans les profondeurs de l'océan. Dans ces abysses inconnues règne Rapture, une véritable Atlantide réelle, conçue par un humain, les rêves de liberté plein la tête, Andrew Ryan. Car Rapture, avant de s'instaurer en une mégalopole sous-marine, fut en effet échafaudée par un seul Homme, écœuré par les sociétés actuelles ne laissant aucun citoyen disposer et jouir du fruit de son travail. La cité renfermait donc les espoirs d'une communauté nouvelle, fondée sur la liberté, et où les discriminations ou la censure n'auraient aucun sens.
Cependant, et vous en serez le premier spectateur une fois sorti de la bathysphère, le monde d'Andrew Ryan court à sa perte, les chrosomes, des créatures faméliques autrefois entièrement humaines, s'imposent en maîtres des lieux, errants avidement dans une cité maintenant représentative des plus infects vices de l'humanité. De très rares personnages non pervertis par Rapture seront esquissés au court de l'aventure, l'exemple le plus représentatif étant Atlas, qui vous recueillera par radio dès les prémices, et vous guidera tout au long de l'épopée sanglante dans le noble but de sauver sa famille des intimidations de la métropole sous-marine. Bien sûr, la trame évoluera au fil des heures de jeu, inaugurant même quelques péripéties inattendues, et révélant avec de plus en plus d'insistance la vraie nature de Rapture et de son créateur, tous deux bien plus humanistes que l'atmosphère pesante du jeu peut laisser croire. Sur le point du scénario, BioShock convainc dont d'entrée, il captive, enfièvre, et se délecte comme un roman où le joueur s'installe en lecteur, s'interrogeant sur les points noirs de la trame laissés volontairement vacants par les développeurs. Car le titre d'Irrational ne se consume pas comme le plus commun des jeux vidéo, toute son architecture semble avoir été réfléchie dans le but de toujours renforcer l'immersion dans ce monde mystérieux pourtant si familier : aucune cinématique à proprement parler ne s'enclenchera et jamais la vue à la première personne ne se verra secondée par une mise en scène plus ouverte ; vous serez toujours au centre des débats, condamné à votre sort, orphelin de valeurs sur lesquelles vous raccrocher, et donc concerné, à 500%.

Ce sont tous ces riens, qui font un tout

Cousin germain du génial System Shock 2, BioShock n'a aucunement la prétention de s'autoproclamer comme une révolution du genre FPS, son système de jeu prenant source dans une banalité tout ce qu'il y a de plus enthousiaste. Le gameplay est donc parfaitement sain, et se plie autant aux volontés des mordus de la gâchette qu'au joueur occasionnel en quête de sensations fortes. Réduit au minimum, le titre d'Irrational consiste à avancer en tirant sur tout ce qui se met en travers du chemin, et donc seul le joueur est maître de son expérience sur le plan de la jouabilité. L'expérience se pose donc indéniablement comme "old school", avec par exemple un système de vie classique dépendant de trousses de soin, soit une véritable bouffée d'air frais tant la conjoncture actuelle impose aux FPS la règle de la récupération de santé automatique, indéniable frein au plaisir de jeu. Autrement, le soft se démarque aussi de par l'interactivité poussée qu'il propose avec les machines du monde de Rapture. Il sera par exemple possible de pirater les distributeurs automatiques pour faire baisser le prix des produits (comme les balles ou les Medikits) par un "mini-jeu" sympathique, à la difficulté exponentielle. Mais, et bien sûr, l'avancée dans l'histoire imposera de se soumettre à quelques recherches d'éléments clés, ou à combattre des Boss (bien coriaces), voire même de résoudre de simples énigmes, le tout demeurant dans une optique d'authenticité au genre, de respect à certaines valeurs. La prise en main est du coup intuitive au maximum, avec un très faible nombre de touches utilisables, tournées autour du minimum syndical, que ce soit sur PC ou sur console. Il n'est donc pas question de se mettre à couvert habilement, ou de plonger sur le sol âprement, le protagoniste contrôlé étant un être comme les autres, physiquement parlant. Du moins, tant qu'il ne consomme pas l'auxiliaire scientifique essentiel mais putrescible, ce qui a entrainé la chute de Rapture : les Plasmides.
Les plasmides sont des "fortifiants" conférents à celui qui les possède divers pouvoirs qu'on pourrait juger célestes par les symboles qu'ils transmettent. De la possibilité de contrôler l'électricité ou le feu, la cryogénisation meurtrière ou encore la télékinésie… Ces pouvoirs sont rapidement introduits dès le début de la trame, sans doute pour prouver leur indispensabilité, puisqu'ils garantiront votre survie au dépens de vos ennemis. Mais si ces plasmides sont disposés librement à Rapture via des "magasins" explicites, il vous faudra en user avec précaution car leur utilisation consomme de l'EVE, une substance disposée dans des seringues bleues, elles aussi commercialisées. Et c'est par ce procédé que BioShock prend indubitablement de l'ampleur, car jumelés aux armes conventionnelles que propose le titre (pistolet, mitraillette, pompe, bazooka…), les plasmides accroissent considérablement leur intérêt déjà conséquent, pour se transformer en d'inépuisables sources de plaisir vidéoludique. Comprenez par là qu'avec un peu de jugeote et les bons plasmides, il est possible d'absolument tout mettre en place pour piéger ses ennemis : mettre le feu à un baril puis le lancer par la pensée afin qu'il explose sur un regroupement d'ennemis, créer des leurres attirants vos adversaires dans un point d'eau, puis électrocuter le tout en profitant du solvant universel comme conducteur pour le courant, enrager vos assaillants dans le but qu'ils s'attaquent entre eux... De plus, des alliés inattendus pourront être "recrutés", comme des tourelles de défense, des caméras de surveillance, des robots volants belliqueux, autant de dispositifs de sécurité qui, une fois piratés, se rangeront de votre côté et engageront vos ennemis. Bref, pour tout ce qui se rapproche de capacités offertes par le gameplay, BioShock s'instaure en ultime référence du genre. Dommage alors que le nombre d'ennemis différents soit assez restreint, surtout pour une ville comme Rapture, qu'on aurait souhaité plus fourmillante en termes de menaces.

Ces tous p'tits riens mis bout à bout

Bien que les ressources d'EVE que propose Rapture vous seront d'une utilité indiscutable pour mener à bien votre mission, il sera question après quelques heures de jeu, de mettre la main sur un produit cette fois convoité par toute une population, en ayant fait leur leitmotiv affiché, l'ADAM. Cette substance, rouge vif, permet à son possesseur d'acquérir des plasmides ou toutes sortes d'évolutions physiques, et lui confère donc un avantage conséquent de puissance face à tout être. Ainsi, celui qui possède le plus d'ADAM est enclin à diriger Rapture par une main de fer inébranlable. Mais le produit source de toutes les convoitises, dont vous-même serez évidemment intéressé par son acquisition, n'est pas disponible à la portée de chacun, il s'avère être "conservé" par d'étranges petites filles (les petites sœurs), totalement inoffensives, mais elles-mêmes défendues par les protecteurs, ces colosses vêtus de scaphandres à la force titanesque. Dès lors, il sera commun d'apercevoir entre deux goulets des chrosomes attaquant les protecteurs pour récolter de l'ADAM, le tout sous vos yeux en pleine partie, mais toujours en vain, démontrant la réelle puissance des êtres cuirassés. A ce petit jeu vous serez pour la grande majorité des cas confronté à vos propres choix, car les protecteurs ne vous attaqueront jamais en premier (ce qui permet de parfaitement coordonner ses attaques face à ces ennemis bien plus puissants que vous ne pourrez jamais l'être), vous laissant la décision de les engager pour récolter l'ADAM des petites sœurs, ou de les ignorer, pétrifié par les mises en gardes qu'incarnaient les chrosomes morts. Cependant, une fois le combat lancé, BioShock change complètement de registre pour s'engouffrer dans un gameplay tortueux à la Doom III, ou vos réflexes s'imposeront comme vos meilleurs alliés, tant la bataille demeurera des plus féroces. A un tel point que, sans organisation précise au préalable, affronter un Big Daddy (en VO) relève du suicide, que ce soit à longue distance ou au corps à corps. Enfin, en accomplissant l'exploit, vous serez encore confronté à un choix cornélien face à la petite sœur : la sauver (la libérer d'un côté diabolique né par des expériences illégales sur sa personne), ou récolter son ADAM, et par conséquent, la tuer. Bien sûr, ces choix ne seront pas sans conséquences…
C'est donc désormais clair, Rapture tourne et vit en grande partie autour de la recherche d'EVE et d'ADAM, ou par les pouvoirs qu'ils attribuent, chaque entité souhaite imposer sa puissance. Bien heureusement, des qualités plus conventionnelles vous permettront aussi de surprendre les chrosomes, par les armes à feu par exemple. Sur ce plan, BioShock s'apparente grandement à un survival-horror, croisé à un système axé RPG qu'on retrouve dans le culte Deus Ex. En effet, les munitions sont distribuées assez rarement, préconisant une économie attentionnée des réserves de munition chez le joueur (le rendant aussi plus dépendant des plasmides, et donc de l'EVE et de l'ADAM, comme les chrosomes…), et renflouant le stress. Mais de ces armes à feu, il sera possible de les améliorer pour en tirer toute leur quintessence, ou même d'utiliser différentes sortes de munitions (explosives, anti-personnelles pour les humanoïdes, anti-char pour les ennemis de métal…) en fonction de l'assaillant combattu, ô joie. Et, car rien n'a été laissé en suspens, vos propres capacités physiques pourront être upgradées comme vos armes, ainsi qu'un bon florilège de bonus divers, augmentant par exemple votre jauge de vie, d'EVE, votre résistance aux coups… Tout ceci faisant du gameplay BioShock, pourtant par la simplicité, un conséquent aperçu de la perfection, tout simplement. Les possibilités sont infinies, et chaque joueur évoluera à sa façon, piégera ses ennemis selon ses stratagèmes, ou foncera simplement dans le tas.

C'est bien, c'est rien, rien qu'du bonheur

Si BioShock, de par son gameplay habilement conçu, parvient sans mal à matérialiser des sensations toujours plus prépondérantes chez le joueur ; le titre de 2K Boston propose, ou plutôt impose, aussi une expérience de jeu inoubliable sur le plan de la réalisation technique, qui, une fois entremêlée à l'atmosphère générale et à la trame narrative, devient le fil rouge indiscutable du plaisir que procure le jeu. En effet, rien n'a été laissé au hasard, la ville de Rapture vit, elle persiste d'ailleurs comme le "personnage" principal du soft, surpassant même le protagoniste dirigé. Ainsi, la cité d'Andrew Ryan passionne et panique, réconforte et dégoûte, principalement grâce à un environnement emphatique des plus réussis. Le joueur est constamment bercé par un fond sonore adapté à la situation à laquelle il fait face, si bien que l'on s'accoutume à cette offrande après quelques minutes de jeu, au risque de complètement trépider lorsque cette habitude se voit volontairement disloquée, engendrant du coup une soudaine montée d'adrénaline que seuls les grands jeux savent provoquer avec tant d'allégresse palpitante. De ce fait, se retrouver dans un noir total où seul les claquements répétés de lourdes bottes frappant le sol sont audibles, ou encore avoir la conviction qu'un piège se trame après une trop longue période sans ennemis, sont autant d'exemples des tortures délicieuses que BioShock réserve à son "lecteur". Car effectivement, la narration est le refrain de l'avancée, et même si cette dernière demeure orale, elle se base aussi en tant que déclencheuse d'événements plus que diversifiés : à Rapture, le moindre partiel de technologie, ou de biologie, semble animé, au point qu'on croule véritablement en jouant sous des heures de dialogues dans une VF impressionnante de justesse. De son côté, la musique ne démérite pas, et sait s'enclencher, et se fondre aux moments clés de l'histoire, qu'ils soient critiques, émouvants, ou synonyme d'action intense. Du grand art.
Autre facteur primordial, sans doute l'un des plus attendus par l'ensemble des joueurs, la réalisation graphique de BioShock, autant sur PC qu'Xbox 360, impressionne et contribue obligatoirement à l'atmosphère si dérangeante, bien que réaliste, de Rapture. L'immersion devient alors le maître-mot du soft de 2K Boston, qui nous dépayse, nous absorbe, nous contraint à souffrir dans un environnement chaotique parfaitement maîtrisé. C'est beau, et il n'y a rien à ajouter. Non pas car les effets graphiques les plus récents sont légion, ou que le soft mette en évidence des modélisations plus que soignées, mais plutôt car il fait le choix d'une réalisation qui lui est entièrement propre, inspirée que par lui-même. BioShock est personnel, et c'est bien la meilleure chose qu'il pouvait nous offrir. Rapture est une vision d'un monde, un monde que son créateur aurait voulu parfait, mais qui irrémédiablement n'est que le reflet de la condition humaine, garnie de destruction et de soif de pouvoir. C'est ainsi que l'on découvre en jouant comment la citée immergée a sombré, par le désordre qui se fourmille à l'écran, les imposants systèmes de sécurité, l'agencement des ressources, les multiples traces d'affrontements sanglants… Le culte du détail est omniprésent, aucune texture n'a été bâclée, créant une totale symbiose dans l'œuvre, pour notre plus grand plaisir.
BioShock, - avant d'être un jeu, une éventuelle suite à System Shock II, ou le blockbuster incontournable de l'année – est une expérience, unique en son genre, qui se savoure, se déguste, se vit. Bien loin des habituelles simulations de tir aux pigeons, tant adulées par le "grand public", le titre de 2K Boston mérite amplement son statut de soft culte, tout simplement car il possède une âme, inébranlable, infaillible, qui touchera chaque joueur se prêtant à l'expérience, et ça, ce n'est que du bonheur.
10 septembre 2007 à 17h41

Par

Points positifs

  • Atmosphère de feu
  • Gameplay parfait
  • Une narration aguicheuse
  • L'implication permanente du joueur, simplement

Points négatifs

  • La chanson de Charlotte aux Fraises qui tournait dans ma tête en écrivant ce test
  • NKB
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