Incorrigibles. Ils sont incorrigibles. Je parle bien entendu des Time Splitters et du Sergent Cortez. Alors qu’ils pourraient boursicoter sans peine et vivre de leur rente en sirotant un Diabolo fraise sur une plage Corse, grâce à leur faculté à voyager dans le temps, ils s’évertuent à respectivement pervertir et sauver notre espèce nihiliste et matérialiste. C’est d’un banal ! Prenez Cortez, par exemple. Avec son look de
Riddick (starring Vin Diesel, le nouveau poète d’Hollywood) croisé avec le Dr X, et ses airs de gros bourrin à la vanne grasse et facile, on le verrait davantage sur le tournage d’un film porno Hongrois que dans
Time Splitters 3 : Future Perfect. Hélas, mille fois hélas, EA nous pond encore un excellent FPS, et Cortez ne sera pas le héros de la première simulation de film porno sur console.
Time Splitters l’intégriste
Après un premier épisode mitigé, sorti à l’aube de la vie d’une PS2 sur-aliasée, et un second opus bien plus convaincant, les équipes de
Free Radical Design nous proposent une troisième itération de leur série de FPS
Time Splitters, disponible dès à présent sur PS2, Xbox et GameCube. Une séquence d’action, quelques vannes pourries lâchées ça et là, des graphismes cartoonesques et quelques minutes pad en main suffisent pour s’apercevoir que le soft marche invariablement sur les pas de
TS 2, mais encore plus lourdement, comme pour y laisser des empreintes plus profondes. C’est dit :
Future Perfect est une suite on ne peut plus basique, mais dans son penchant intégriste. L’humour vaseux propre à la série est encore plus envahissant, le gameplay toujours plus arcade et intuitif (bourrin ?), et le mode multijoueur prend ici une place prédominante. Le titre de
Free Radical prêche à converti, et c’est tant mieux : à l’ère du FPS tout puissant,
Time Splitters fait office de marginal assumé et conséquemment de bouffée d’air frais.
Plus c’est dur, plus ça dure
Et Dieu que ce
Time Splitters 3 est simple pourtant ! Le jeu propose trois niveaux de difficulté –facile, normal, difficile-, mais ne constitue en aucun cas un challenge pour gamer aguerri : en mode facile, il n’y a aucun objectif secondaire à remplir, et les missions s’enchaînent aussi vite que les points de passages sont nombreux. Aucun problème de munition, et il est possible de fusiller cinq ennemis dans un couloir sans prendre une seule balle dans le buffet, juste en martelant la gâchette de tir comme un goret. En mode normal, comptez bien le double de durée de vie, soit 7 heures en moyenne : on meurt bien plus régulièrement, et les objectifs sont un poil plus nombreux. Rien d’insurmontable toutefois et toujours aussi court, ou presque. En mode difficile, ça commence à être intéressant car plus retors, même si vos efforts auront vite raison du mode Histoire en une petite dizaine d’heures, tout de même. On en déduirait presque que le jeu donne sa préférence à la qualité au détriment de la quantité : 13 niveaux, c’est peu, mais
Free Radical Design s’est assuré que la progression se fasse sans lassitude aucune. Voyage dans le temps oblige, les niveaux auront le mérite d’être variés, postichant parfois des grands classiques du cinéma : sur un train, un manoir hanté, une île médiévale, etc… Ca shoote à tout va, et le joueur n’a guère le temps de souffler, si ce n’est durant les quelques secondes de temps de chargement (version Xbox) qui séparent les niveaux. C’est un parti pris discutable, mais au moins on ne s’ennuie pas et c’est déjà ça. Néanmoins, entre affirmer que le mode histoire est bien trop bref et critiquer la durée de vie du soft, il n’y a qu’un pas qu’il faut se garder de franchir : les développeurs ont longuement planché sur les modes subsidiaires, comme le multijoueur, toujours aussi excellent et jouissif, qui permet à 4 joueurs de se fritter sur un écran splitté. Les possesseurs de Xbox seront quant à eux heureux d’apprendre qu’il est possible de s’affronter via Xbox Live jusqu’à 8 simultanément. Durée de vie : illimitée. On ne s’attardera pas sur le nombre hallucinant de maps à débloquer, des innombrables personnages au look à coucher dehors (je pèse mes mots), et des différents mode de jeux, qui placent cette nouvelle mouture de
Time Splitters un cran significatif au dessus de son aîné. Un très bon point.
« La route ? Là où on va, il n’y a pas besoin de route… »
S’il ne devait y avoir qu’un point sur lequel les développeurs ont manifestement bûché, ce serait du côté de la mise en scène de ce
Time Splitters 3. L’apparition de
cut-scenes avant et pendant les niveaux introduit une ambiance décalée, voire explicitement parodique (Vin Diesel en Cortez, Harry les bons tuyaux –un cousin du Huggy de Starsky et Hutch ?- en Austin Powers totalement frappadingue, etc…) ma foi fort appréciable. Les doublages en français ne sont certes pas exempts de tous griefs, mais la manie de surjouer qu’ont les doubleurs semble relever autant de l’incompétence que de l’exercice de style, ce qui en deviendrait presque pardonnable. On notera également cette envie des développeurs de
Free Radical d’ajouter un peu de profondeur au concept éculé du voyage dans le temps, en faisant parfois apparaître deux Cortez via un paradoxe temporel… mais dans la mesure où ces rares passages sont purement contextuels et donc fatalement dénués d’intérêt –ou presque-, on reste un peu sur notre faim. Bien tenté tout de même. Dans le même ordre d’idées, la caméra se place en vue à la troisième personne lorsque par exemple Cortez grimpe une échelle, ce qui corrobore cette volonté manifeste de hacher la progression pour ne pas lasser les joueurs.
Le gameplay du soft reste quant à lui un modèle d’accessibilité, malgré quelques rigidités structurelles inhérentes au paddle console : les deux sticks permettent de se mouvoir et/ou de viser, et les gâchettes assurent les tirs. Gameplay arcade oblige, il ne vous faudra guère plus de quelques secondes pour maîtriser votre personnage à la perfection. A noter l’ajout d’un poignet magnétique qui peut attirer des objets ou activer des mécanismes -un peu comme le
Gravity-gun de
Half-Life²- et dont l’utilité est franchement discutable. Pas de révolution, donc, à moins de considérer que la possibilité dorénavant de conduire un véhicule soit une innovation majeure. Même constat pour les graphismes, qui se contentent ici d’un léger lifting, peu ou pas perceptible selon la version (PS2, GameCube ou Xbox), mais qui se complaisent toujours dans le style si particulier de la série en matière de character design, qui se détourne du photoréalisme pour rechercher un mix entre le cartoon et le film à gros budget. Résultat probant, si l’on en croit les animations des ennemis, totalement réussies, notamment lorsqu’ils tombent sous vos balles (imaginez-vous en train de surjouer une scène d’agonie façon blockbuster-pop corn Hollywoodien, vous ne devriez pas être loin). Puisqu’on parle d’animation, on dénotera quelques petits ratés au niveau du frame rate lors de quelques gros
gunfighs, avec explosion de bidons d’essence ou incendie au lance-flammes (ralentissements constatés sur la version Xbox). Une carence technique qui n’existe paradoxalement pas dans le mode multijoueur de
Future Perfect, remarquablement optimisé pour l’occasion.
Comment conclure sur ce
Time Splitters 3, demie-suite dopée aux modes de jeux, qui multiplie savamment les armes –qui vont de la batte de baseball au lance missile, en passant par le colt et le lance-flammes-, les cartes, les subtilités de jeu pour contre-peser ses faiblesses pourtant évidentes ? A vrai dire, il est assez difficile de trancher. Le FPS de
Free Radical Design triche un peu avec le joueur, le gavant tellement de ses richesses qu’il en devient impossible, ou presque, de se plaindre de lui. Un mode solo déficient compensé par un mode multijoueur mégalomane et un gameplay archi-basique sauvé par une mise en scène tape-à-l’œil, voilà comment faire illusion avec brio. Ajoutez à cela un éditeur de map (que l’on peut diffuser via Xbox Live !) assez complet quoiqu’un peu abscons, et 150 défis contre la console, dont certains vraiment corsés, et vous comprendrez qu’il devient difficile de chipoter. Critiquer
Time Splitters 3 reviendrait alors à s’attaquer à la série elle-même, tant ce dernier opus compile ce qui se fait de mieux dans la trilogie de
Free Radical Design. Et ça, il n’en est pas question.