Avant de nous lancer dans un pour ou contre
Fahrenheit comme sauveur de la monotonie vidéoludique de la mi-année fiscale 2005, autant que vous le sachiez :
Fahrenheit innove. Pas qu'un peu,
Fahrenheit crée, s'aventure au-delà des sentiers battus,
Fahrenheit emprunte au génie de son créateur David Cage ainsi qu'aux autres arts qui peuvent bien se permettre de s'entraider quelques fois allez, soyez cools faut pas déconner. Dans
Fahrenheit, il y a du roman, il y a du cinéma, il y a de la musique. Bref, dans
Fahrenheit on retrouve
The Nomad Soul, grandi de 5 ans, toujours à sa place dans l'univers des jeux d'aventure simplement parce que personne n'a osé s'y risquer. Et c'est là qu'à défaut de faire beaucoup de jeux (
Maxis), de surfer sur les licences (
EA), ou de sortir les hits que le public demande (
Blizzard),
Quantic Dreams peut sans complaisance se porter candidat au poste de plus grand développeur de tous les temps, avec pour seul diplôme le faire d'avoir créé, le temps de deux apparitions, deux titres aussi intemporels qu'irremplacables.
Toujours dans Omikron
Aussi dingue que cela puisse paraître, aucun titre n'est arrivé à retranscrire l'immersion dans laquelle
The Nomad Soul m'avait plongé. Bon, je dois avouer que je lui ai préféré Outcast, sorti le même mois, mais vite éclipsé. Mais sinon, rien en cinq ans ! Et pourtant, à l'instar de
Fahrenheit, The Nomad Soul n'est pas parfait. Pour tout dire, je ne l'ai pas terminé. Le scénario semblait promis à une longue agonie dans ses dernières lignes, qui commencaient à me taper sur le système. Pareil pour les phases de FPS ou de Beat Them All, allégrement ratées. Le reste du jeu n'était pourtant pas plus compliqué que ça : phases de jeu variées, persos sympathiques, quelques idées intéressantes (l'âme vagabonde justement), un monde original, un beau moteur graphique, et une campagne de promotion axée sur le chanteur David Bowie, qui fit une chanson pour l'occasion. Bref, calmons nous, nous sommes en face d'un titre banal. Accrocheur mais banal.
GTA 3 l'éclipse à tous les niveaux.
GTA 3 l'écrase même, sans lui laisser l'ombre d'un soupcon d'une bouffée d'air pour reprendre son souffle. Et pourtant, cinq ans après, je n'y ai certes plus touché, mais j'y pense, à
the Nomal Soul . J'y repense. Quel titre...
Même piqure, autre fesse
Fahrenheit c'est pareil. Des tas d'erreurs, comme un scénario qui fout le camps vers la fin, une durée de vie inférieure à dix heures, ou encore une jouabilité difficile à apprivoiser. Ca, il faut l'avouer, la jouabilité n'a jamais été le fort de
Quantic Dreams . Pour le reste, ce sont des génies. Mais des génies à la Mc Gyver. Des génies de polar, des génies de films d'action, à la poursuite de je-ne-sais quel diamant. L'équipe de
David Cage ne suit pas la destinée de tous ces studios au premier essai réussi. Pas d'add-on. Pas de suite. Enfin si, mais vite annulée. Non, après le succès de
The Nomad Soul , l'équipe achète un studio de motion-capture. Ca coûte pépète ; qu'importe, ils le loueront à d'autres en attendant de le rentabiliser. Car ces messieurs ont une idée. Révolutionner le jeu d'aventure. Aventure. Un bien grand mot pour des titres aux plans figés, aux énigmes linéaires, et aux héros invincibles.
Vous y êtes
Hop, le joueur prend le contrôle du héros, peut constamment changer les angles de la caméra, suit un scénario bien ficelé, tout en pouvant influer à tout moment sur ce dernier selon ses gestes, ses actions, ses discussions. A l'instar du titre précédent, on changera de héros en cours de jeu, passant du chassé au chasseur, bref, du fugitif au flic. Le reste est classique, bien ficelé, et donne une impression de liberté totalement gigantesque. Les phases de jeu sont variées, reprenant aux jeux d'aventure, aux énigmes policières, aux QTE de
Shenmue et innovant avec une maniabilité à la souris des plus originales. La mise en scène est parfaite, empruntant à
24 (heures chrono) un style aussi efficace que parfaitement maîtrisé par l'équipe de
David Cage , tandis que la musique s'appuie cette fois sur le génie de Angelo Badalamenti pour s'évader. Difficile d'être fan, mais voilà encore un choix dans la veine des paris des développeurs : risqué, pas forcément apprécié, mais qui renforce la puissance du titre. Un peu comme cette animation tout le temps impeccable, qui rapproche le titre d'un objet du 7ème Art, alors que vous êtes aux commandes.
L'emergent gameplay ultime ?
Mais si
Fahrenheit se veut libre, très libre, faisant évoluer son scénario par rapport à tous vos gestes, il n'en est rien. On veut y croire, comme nous le laisse supposer la démo. Dans cette dernière, le joueur prend possession du héros, un jeune garçon un peu perdu notamment parce qu'il vient de poignarder un inconnu dans les toilettes d'un bistro. Voilà pour le topo. Cette démo se termine de deux façons : soit vous arrivez mains en sang devant le flic qui vous arrête, soit vous sortez du bistro et rentrez chez vous. C'est tout. Alors oui, dans le déroulement, c'est libre. Vous pouvez nettoyer le sang sur vos mains, planquer le corps, cacher le couteau, payer la note, écouter la télé, parler aux clients, à la serveuse ou encore au policier qui boit son coup, avant de vous éclipser et prendre le taxi. Vous pouvez aussi sortir paniqué et vous enfuir par ce même taxi, flic aux fesses. Fin de la démo. On se dit que nos actes, bons ou mauvais, auront des influences sur la suite du jeu, et que c'est bien dommage qu'on n'y ait pas accès directement pour vérifier. Et c'est vrai, dans une certaine mesure. Ne pas planquer le couteau facilitera la tâche aux inspecteurs par exemple. Pour le reste, le scénario suit une trame centrale inviolable. Jongler entre liberté et mise en scène oblige à d'énormes concessions. Chaque possibilité doit être vue, étudiée, pensée, puis intégrée au scénario. Bref, on peut faire beaucoup de choses, mais toutes ces choses nous font constamment revenir à un fil rouge. Ce sont des génies, mais les développeurs de
Qantic Dreams ne sont pas des cinglés. Travailler chaque possibilité pour créer un scénario totalement différent selon que vous ayez nettoyé vos mains aux chiottes ou pas, il ne faut pas réver. Pour cela, regardez des films comme "Smoking No Smoking" pour vous convaincre que la tâche est impossible.
C'est tout ?
A quoi vous attendiez vous ? A pouvoir draguer la serveuse pour transformer le jeu vidéo en bouquin à l'eau de rose? A organiser un concours de bras de fer à l'intérieur du bistro? A bouffer le corps de l'inconnu pour mieux détruire les preuves de l'assassinat? Tsss, on est dans un jeu ici. Un jeu d'aventure de surcroît, au scénario constamment présent à grand renfort de voix off, mise en scène, et arrivée d'événements scénarisés. Ne pensez pas faire votre propre trou en utilisant des voies inattendues, exploitant avec agilité un moteur physique un poil trop expressif, ou un bug graphique permettant de sortir du bistro par l'arrière des toilettes. Non,
Fahrenheit est directif dans sa liberté. Si on s'en accomode,
Fahrenheit est génial. Grandiose. Irremplaçable. Son approche se veut totalement révolutionnaire pour les jeux d'aventure. Il l'est.