Test : Need for Speed ProStreet - PS3

Need for Speed ProStreet - PS3
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En 1994 sortait, sur la console de Panasonic, la 3DO, le premier épisode de The Need for Speed. La réalisation technique époustouflante n’avait pas servi à travestir des sensations de conduite jugées, à l’époque, particulièrement efficaces ; le jeu reprenait de surcroit à un autre ancêtre prestigieux, Test Drive, l’idée de courses illégales, sur des routes ouvertes, contre des forces de l’ordre particulièrement vigilantes. En 1997, un second volet, d’une qualité absolument calamiteuse, et abandonnant presque toutes les délicieuses spécificités du premier épisode, prenait pied sur Playstation et PC. L’année suivante, un troisième volet reprenait les critères d’excellence technique du premier opus et préparait le terrain en vue de la sortie, deux ans plus tard, des deux meilleurs épisodes de la série, NFS High Stakes et surtout NFS Porsche Unleashed, une véritable simulation consacrée aux féroces mécaniques de la marque de Stuttgart. Même si les exégètes de la première heure déplorèrent l’éviction des forces de l’ordre, aucun autre jeu arborant le nom de la franchise ne put jamais se targuer d’atteindre une telle perfection en terme de réalisme, de pilotage et de modélisation physique. Même pas l’épisode originel… Ensuite la série s’est tournée vers un autre public : les Jackys. Versant à nouveau dans l’arcade et misant sur le tuning dans sa dimension la plus outrancière, depuis 2002, The Need for Speed explore au rythme d’un épisode par an ce que l’automobile peut véhiculer [sic] de pire en termes de loufoquerie et de mauvais goût. ProStreet est la cinquième déclinaison de cette nouvelle génération de Need for Speed. Et on espère la dernière…
Figurez-vous, chère amie, que la faculté vient de statuer quant à la pathologie qui m'afflige. "Votre cas, dit avec assurance le docteur Signy-Mondieu-Mondieu (psychiatre et marionnettiste - clinique de Bourg-Calan), ne ressort pas à ce que notre profession désigne sous le terme très générique de Dépression. Il s'agirait plutôt de bipolarité. Ce qui est tout à la fois infiniment plus rare [large sourire de satisfaction pécuniaire – l’homme adresse un regard d’amicalité entendue au coffret en acajou qui trône à côté du cendrier sur son immense bureau] et surtout plus compliqué à soigner [le brave homme enchâsse alors les doctes doigts de ses deux mains à hauteur de bouche et lève deux yeux méditatifs vers le néant immaculé du plafond]." Me voici donc Bipolaire. Ma femme, mon thérapeute, opine. Qui l'eut crû, n'est-ce pas ? Et dire que les gens ne se doutent de rien ! Ils vaquent innocemment à leurs occupations ménagères, vivent comme si de rien n'était dans ma périlleuse proximité, me fréquentent, me saluent parfois, m'interpellent même, croyant s'adresser au quidam lambda que l’on subordonne gentiment au moyen d’un mot (moi, un artiste au sang bleu, la verve au coeur et le lys à la boutonnière ! Et bipolaire par surcroît !), croyant parler à un homme avec qui ils s'imaginent partager ce goût de rectitude domestique, de conformisme indépassable, de réconfortante normalité. Heureux les simples d'esprit...

Alors, ma chère amie, un bipolaire, au juste, qu'est-ce que c'est ?

En premier lieu, un homme qui dilapide ses fonds avec ostentation et qui roule toujours trop vite. Vous savez que je n'ai pour l'argent aucune estime. Que je le tiens pour un mal nécessaire (oui sans doute, au mieux, qu’il nous sustente et nous dispense de toute réflexion éthique) mais dont la quête insensée ne produit qu'avanies et fatuité. Notre époque sans Dieu l'a élu dénominateur commun à tous les rapports de transcendance ; la bourse de Wall Street est la nouvelle Jérusalem céleste ; le trader se veut prophète : celui qui annonce la possibilité du salut mais qui, devant les impondérables catastrophes résultant de l’impiété de ceux à qui il prêche ne se gargarise point, mais proclame solennellement « nous pouvons nous en sortir. » Je crois pour ma part que s'il faut de l'argent, assurément, ce n'est que pour pouvoir s'offrir le luxe, paradoxalement, de ne plus s'en soucier. Nous savons tous deux avec quel malignité celui qui cède à la tentation de posséder se laisse avilir par ses propres possessions… Que les fumistes crétins qui entendraient poser le pouvoir d’achat comme pierre fondatrice de nos misérables sociétés sans foi ouvrent grand leurs fenêtres… Quant à la question automobilistique, vous savez quel plaisir je prends à narguer les gens de la maréchaussée ! Vous savez mieux que personne quel zèle je peux mettre à me lever dès que percent les premières lueurs du jour afin de déposer une fine pellicule de caoutchouc sur l'asphalte luisante de nos avenues suburbaines. Vous en avez assez rit ; vous me l'avez assez reproché…

En second lieu

En second lieu, disais-je, un bipolaire est un homme dont la faculté de concentration a je ne sais quoi d'obsessionnel et de virevoltant. Et vous avez assez souffert, je crois, des excroissances envahissantes de l'attention effrénée que je portais à ce que vous appeliez mes dispendieuses mécaniques. La part de médiocrité congrue à une personnalité diablement immodeste et par ailleurs nantie des meilleurs dons, dites-vous ? Tantôt pleinement absorbé à la cause de l’édification philosophique de l’espèce, tantôt absorbé par mon irrépressible Besoin de Vitesse ? The Need for Speed ? Voilà qui me permet d’introduire avec subtilité le sujet dont je projetais initialement de vous entretenir. Voici déjà quelques années que je vous fais partager mon goût [dérisoire] pour cet art si délicat qui consiste à enlaidir des automobiles hors de prix. Cette passionnante activité me reprend aujourd’hui ! Et figurez-vous que j’en prends prétexte pour venir défier les caïds analphabètes et crapuleux des rodéos véhiculaires. La communauté des Jackys organise ses exhibitions au quatre coins de la planète… N’est-ce pas du dernier chic ! A ceci près que ceux-là ont désormais l’aval du légat. Le bedonnant sheriff Bufford T. Justice a rangé sa chignole ; notre ami étoilé boulotte des hotdogs affalé parmi les ivrognes empilés au premier rang des tribunes, maculant son ignoble cravate d’énormes tâches de graisse. Cette complaisance a certainement de quoi vous surprendre, vous qui fûtes témoins de ma jubilation lors de mes frasques antérieures. Vous avouerais-je que je le regrette ? Assurément. Mon petit besoin de vitesse s’accompagnait d’un grand besoin d’illégalité. Nous aimions sentir le parfum de lessive qu’embaume le bleu des uniformes s’évanouir dans notre sillage. Nous aimions certainement à humilier l’officier zélé lancé à nos trousses en bafouant toutes les lois de la cordialité et de la circulation. Que voulez-vous, mon aimée, le plaisir s’aiguise aussi dans la contrariété. C’en est donc terminé de ces rendez-vous nocturnes et clandestins dans l’enfer ouvert de nos Asphalt Jungles, ces courses au milieu des civils abasourdis et des catins vaporeuses et qui faisaient en sus lever vos jolies yeux aux cieux enténébrés de votre salon lorsque je venais vous compter les détails de mes forfaits. Nos immondes engins souillent désormais la planète dans l’enceinte d’arènes consacrées, de jour, à la vue de tous et sans que les innocents aient à se plaindre de notre impunité. Des pistes tracées sur l’aérodrome de Chicago, des courses le long des docks de Tokyo, quelques circuits connus pour accueillir d’autres compétions, plus officielles que les nôtres, comme le Mondello Park en Ireland… Triste légalité…

Me voici donc menant carrière dans l’univers insolite des tuneurs fort-tunés.

Ce n’est pas à vous qui avez une connaissance si profonde des bassesses de l’âme humaine que j’apprendrais les malheureuses déficiences esthétiques qui caractérisent les amateurs d’automobiles. Si le public de nos courses a tant de goûts c’est surtout qu’il n’a jamais eu souci d’en avoir de bons. Vous décrirais-je le festin de médiocrités tous azimuts auquel mes collègues carrossiers me convient chaque week-end ? Des rides en voitures assurément. Dans l’anarchie du toutes catégories confondues ou par niveau de performance. Une originalité que je ne puis passer sous silence sans me voir taxé de partialité : l’attaque par secteur où il s’agit d’accroître votre score en battant, tour après tour, le temps de référence de chaque portion de circuit [très tactique et très drôle]. Nous avons également l’opportunité [notez la savoureuse ironie de la formule] d’hilarantes compétitions de dragsters sur quart et demi miles où il est essentiellement question de passer les vitesses au moment opportun [les grecs appelaient cela le Kairos] ; avec, en guise de gâterie préliminaire, l’incontournable séance de burnout, vulgaire formatage de pneu frein à main serré. Une autre exquise beauferie qui ravira les possesseurs de pneumatiques surdimensionnés : les concours de dérapage ! D’une débilité parfaitement ostentatoire. Mais en termes d’absurdité, vous serez sans doute d’accord avec moi, chère amie, pour déclarer que rien ne vaut les concours de roue arrière ! La foule des pithécanthropes massés autour de nos pistes aiment à ovationner les funambules qui rivalisent en figures pathétiques… Et voilà assurément une activité [conduire l’essieu avant levé] qui défie les lois pourtant fort lâches de la grossièreté. Vous voyez que l’anthropologue que je suis est prêt à sacrifier toute dignité à la discipline qu’il sert si religieusement. La connaissance de la plèbe est à ce prix !

Je paye et consens.

Nous évoquions tout à l’heure une prédilection certaine des spectateurs de nos rodéos pour ce que le goût à de plus douteux ? Quoi de plus réjouissant en effet que de peindre une affreuse bannière étoilée sur le capot luisant d’une exorbitante Porsche 911 Biturbo et de percevoir, en contrepoint de votre parade à petite allure dans les allées d’un autodrome parcouru de nymphettes siliconées et de cuveurs de bière en treillis, le plébiscite hurlant d’une meute d’adulateurs arrachés pour quelques heures à leurs laborieuses activités de forçats leurrés ? Que le paria prolétaire de nos nations super-prosaïques s’appesantisse sur la bonne fortune de ceux qui les méprisent, les pastiche et les allège avec un savoureux cynisme de la frange archi-subsidiaires de leurs menues liquidités… Car, voyez-vous, mon amie, ces braves gens, qui, contrairement à moi, peinent quotidiennement à toutes fins de se donner les moyens de leur fruste subsistance, se payent le luxe de me payer pour mes extravagances [un luxe que GameHope ne s’est pas offert] ! Se saignant aux quatre veines afin d’offrir à leur bouffon, de temps en temps, une friandise, un jeu de suspension par ci, une prime par là, parfois un véhicule flambant neuf…. Comme c’est désopilant… Mais rassurez votre penchant naturel pour l’équité, ma chère, votre extravagant dédommage copieusement son public pour la vulgarité de ses affections ; comme dirait l’homme des mots anonymes, « je leur en donne pour leur argent ». Chaque piécette versée en tribu à mes triomphes véhiculaires sert à aggraver le vice de ceux qui payent pour qu’on les conspue pêcheur. Je peins des flammes revanchardes sur les flancs d’innocentes berlines allemandes, je boursoufle les ailes des Shelbys et des Corvettes, j’exacerbe la mâchoire des Dodges, j’ourle les yeux matois des Vipers, j’évente l’empenne carbonée des Toyotas, BBS, Hurstle, Devil et Brembo troussent les rimes par lesquelles j’invective mes coreligionnaires gladiateurs ! Ne croyez surtout pas que je triche : ces affligeantes métamorphoses ne concernent pas que l’apparence de mes monstrueuses machines. Le ramage, tout en dioxyde de carbone et en nitroglycérine, se mesure au plumage. Moyennant d’onéreuses modifications mécaniques, une inoffensive berline peut se transformer en une impitoyable furie. Et là, la foule des pères de famille exulte ! Vous arguerez sans doute que mon attitude s’apparente à la plus exécrable démagogie : vous ne sauriez davantage me flatter…

Je vais vous faire rire.

On a installé une soufflerie dans mon garage ! Quelle cocasserie, quelle gourmandise ! Mes commanditaires ont conçu le projet [saugrenu] de catapulter votre serviteur « expert ès aérodynamique ». Mais à quoi bon s’échiner à analyser les performances aérodynamiques de mes calamiteuses exactions esthétiques si la gestion physique des véhicules, pour le moins grossière, se montre incapable de traduire efficacement les modifications que vous apportez aux réglages de vos bolides ? Vous vous souvenez sans doute quel pilote pointilleux je suis et avec quel souci de perfection j’aime régler mes châssis. Vous avez d’ailleurs assez souffert, au cours des relations qui émaillèrent nos deux vies, de ma propension à étendre l’acception usuelle du mot châssis et à lui ouvrir les perspectives d’une dimension plus biologique… Les femmes méprisent les considérations véhiculaires moins parce qu’elles y voient une concurrence que parce qu’elles y décèlent une analogie. Mais nous débordons ici du cadre de notre sujet. En l’occurrence, si le conducteur du dimanche [celui qui ne copule jamais que sous les draps – avec sa promise, l’inconséquent !] se félicite que la magnificence de la modélisation physique le contraigne à freiner en ligne droite [vous apprécierez toute l’ironie de l’allusion], le pilote chevronné [qui n’apprécie rien tant que les empoignades onomatopéiques sur les couvre-lits des chambres d’hôtel anonymes] sourit que les transferts de masse ne soient pas pris en compte. Tout ceci ne confère ni impression de réalisme, ni impression « de pouvoir jouir d’un plaisir vite consommé ». Les simulations pointues ont leurs règles ; l’Arcade également. On ne courtise pas les altesses comme on trousse les catins. Le charme des unes et la docilité des autres imposent que l’on respecte le décorum qui sied à chacun. Je ne vois rien de plus absurde que de s’employer à tracer une ligne médiane entre ces deux extrêmes, une ligne qu’il suffirait de suivre afin d’atteindre finalement ce point de compromis et de ralliement qui, pour tenter de concilier tout le monde, ne satisfait personne. Que l’on se remémore les paroles de notre cher janséniste : « il convient de se tenir des deux côtés du spectre à la fois. » Mais les réalités qui valent en philosophie ne trouvent pas nécessairement un terrain d’accueil en la matière des asphaltes virtuelles de nos compétitions automobiles ; ici il faut choisir son parti. Et ce nouveau Besoin de Vitesse a manifestement besoin d’un parti clair. Le socialisme appliqué au pilotage ? Voilà qui résume avec beaucoup d’à propos le compromis délétère où nous avons chu. Si l’irrévérence qui consiste à maquiller de luxueux automédons en immondes guimbardes promet quelques plaisirs aux amateurs de second degré, c’est toujours avec un déplaisant déficit d’enthousiasme que l’on revient en piste. Je sais que ces subtilités vous font bâiller, profane que vous êtes ! Je sais également que vous soupirerez de m’entendre me plaindre que la populace ne se contente jamais que du clinquant. Le gueux en harde dont la servilité nous effare tant, vous et moi, se sustente dans la breloque et cette incontournable vérité sert mon cynisme. Rassurez-vous, je ne le nie point… Je dis simplement qu’il y avait meilleur usage à faire de tant de mauvais goût. Comme je ne vous l’ai que trop souvent signalé, on pardonne plus facilement les écarts de la bouffonnerie consentie que les compromis ridicules de la demi-mesure…
Du Tuning à gogo [mais moins que dans l’épisode précédent], des dizaines de véhicules passablement onéreux et autant de possibilité offertes aux amateurs de mauvais goût à toutes fin de les défigurer [c’est un peu ça aussi, la lutte des classes], des forces de l’ordre devenues spectatrices de vos prouesses, des circuits traditionnels en lieu et place des routes ouvertes qui ont fait la réputation de la série, Need for Speed s’empâte et s’assagit. Au grand dam de ceux qui apprécièrent les particularités délicieusement illégales d’une série jadis friande d’extravagances. Nous n’aurions eu aucune peine à tolérer cette nouvelle orientation si les sensations de pilotage avaient été plus convaincantes et avaient rendu justice à la variété des types de courses, à l’agressivité [mesurée] de l’intelligence artificielle ainsi qu’à la qualité et à la diversité des automobiles proposées. A mi-chemin entre la maniabilité arcade des épisodes précédents et la rigueur implacable de quelques simulations prestigieuses, le pilotage, en dépit d’une réalisation tapageuse [sauf sur PS2, évidemment] et de dégâts modélisés avec brio, peine à susciter l’enthousiasme. Le joueur exigeant s’ennuie ; le joueur avide de sensations immédiates s’amuse peu. Le premier préférera GTR ou Forza Motorsport ; le second rechignera à troquer son Burnout contre ce NFS là. D’autant plus que le moteur de rendu, que ce soit sur console ou sur PC, s’essouffle vite et altère la prise en main. Il est grand temps qu’Electronic Arts comprenne que sa série est en train de s’enliser dans un prêt-à-jouer qui, pour tenter de convaincre tout le monde, menace de n’intéresser personne. En espérant que monsieur Riccitiello entende nos suppliques…
30 janvier 2008 à 17h51

Par

Points positifs

  • La modélisation des véhicules et des circuits
  • L’ambiance « roteuse en pogne et seins siliconés »
  • La gestion des dégâts
  • La variété des véhicules et des types de compétitions

Points négatifs

  • Pilotage sans saveur
  • Frame rate asthmatique
  • Absence de vue cockpit
  • Le Tuning, c’est pathétique…

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