Les premières heures de jeu, assez étranges, permettent de tisser un lien avec le soft, son gameplay, et surtout sa narration. Mais ce lien est fragile, car on est pris au dépourvu d'abord par l'aspect cosmétique d'
Alpha Protocol, très clairement bien en-dessous du niveau des productions les plus récentes, puis par la vitesse d'exécution de l'interface des dialogues, et enfin par l'action en elle-même, qui semble hasardeuse.
SEGA ayant toujours mis en avant le titre en tant que Third Person Shooter, on est en effet étonné de ne pouvoir réaliser de headshots mortels, et surpris par l'emploi d'un réticule de visée gigantesque... ce serait méprendre complètement l'identité même du soft.
Alpha Protocol est un RPG et non un jeu d'action.
Dérouté, le joueur ne sait plus trop sur quel pied danser mais se laisse rapidement complètement happer par l'aspect narratif extrêmement fouillé et travaillé par
Obsidian.
Spy VS Spy
Le studio, déjà coupable de
Knights of The Old Republic 2 il y a cinq ans, se compose d'anciens membres de
Black Isle, à l'époque du développement des deux premiers
Fallout ainsi que de
Fallout Tactics, ce qui explique peut-être le travail titanesque effectué sur
Alpha Protocol en termes de background et d'écriture. On se surprend à trainer dans ses e-mails et dans ses dossiers pour en connaitre un peu plus sur une trame scénaristique épaisse.

Mike Thorton est un agent secret un chouïa dépité et désabusé par sa profession. Engagé dans une routine de travail, il se retrouve contraint et forcé de travailler pour une agence américaine ultra-secrète, Alpha Protocol et est lancé en mission contre un terroriste coupable d'avoir fait abattre un avion de ligne. Mais rien ne se passe comme prévu, et face au terroriste en question, il lui est laissé le choix crucial de tuer ou d'épargner son ennemi. Le monde de l'espionnage n'est jamais manichéen et Thorton va en découvrir toutes les subtilités, les trahisons et les manipulations à ses dépens. A partir de ce premier choix moral (et tactique), tout bascule en effet et on comprend enfin la toute puissance du soft : le rapport de cause à conséquence, et les répercussions énormes en t+n qu'un choix peut avoir à un instant t du jeu.
Mais tout cela n'est pas une nouveauté,
Mass Effect nous proposait déjà cette interface de dialogues et de choix à effectuer. Seulement
Alpha Protocol met le joueur en état de stress en imposant un temps limité dans le choix d'une action ou d'une réponse, et les scènes de dialogue s'enchainent alors avec frénésie, donnant lieu à des embranchements scénaristiques différents d'une partie à l'autre.
Il est à noter qu'une réponse doit être donnée presque au moment où l'interlocuteur cesse de parler, et nécessite donc de s'aider des expressions faciales (assez réussies).
L'espion qui m'attirait... ou pas
Artistiquement,
Alpha Protocol surprend encore par son côté « Big Jim » assez typé. Que ce soient les protagonistes ou les décors, tout a l’air de sortir d’une usine à jouets des années 80. Mike Thorton, d’abord, se déplace de façon assez rigide et robotique, et est texturé de manière peu réaliste et flashy. Les décors également, ultra-colorés dans l’ensemble, rappellent que l’on se situe dans un univers complètement factice (celui des super espions internationaux ?). A titre de comparaison, le soft fait plutôt penser à la période Roger Moore des James Bond (avec ses ennemis hauts en couleurs) qu’à la Trilogie Bourne, beaucoup plus sombre et réaliste.

L’aspect technique du soft se ressent bien du développement chaotique du jeu, et on remarquera quelques bugs dans les comportements des bots, une caméra souvent à l’ouest dans les phases d’action ainsi qu’une ergonomie parfois trop rigide (lorsque Mike recharge, la commande ne peut être annulée pour un déplacement rapide ou le lancer d’une grenade par exemple). Les déplacements et les interactions avec le décor manquent aussi cruellement de souplesse. Le plus problématique restant les effets de lumière : on se retrouve souvent dans des zones d'ombre où l'action est indiscernable (et pas de lampe-torche à disposition). Enfin, les doublages sont très bons (voix et sous-titres en anglais, attention...), tandis que les musiques, même si elles collent parfaitement au pays visité, sont assez insignifiantes (on notera une superposition des musiques intra et extra-diégétiques dans la chambre de Brayko, horreur !).
Un espion subtil
Mais encore une fois, là n'est pas l'intérêt du soft. Comme dans tout bon RPG qui se respecte, on choisit dans
Alpha Protocol d'abord sa classe parmi les classiques ninja, sniper, soldat et technicien, puis on attribue des points de compétences pour faire évoluer celles-ci (ces points sont reçus en passant les niveaux) : compétences en armement, en technique (permettant de hacker des ordinateurs et de crocheter des serrures), en soins etc... Du coup, les errements de l'IA que l'on concevait au début du jeu (bot ne percevant pas Mike à 10 mètres en face-à-face) sont clarifiés par le côté RPG du jeu et la compétence stealth, qui permet de s'infiltrer sans être vu, et de devenir carrément presque invisible un court laps de temps à haut level. Ce n'est pas l'IA qui est buggée, mais bien le principe du jeu même qui est en cause.

Deuxième subtilité du titre, les phases de recherche de dossiers (intel) et d'informations, obtenus soit en hackant des ordinateurs, soit en conversant avec les divers PNJ, et qui sont parfois indispensables au bon déroulement d'une phase d'action. Une info obtenue à Taipei, par exemple, permettra, moyennant finances, de couper les vivres en drogue à un boss mafieux de Moscou, le rendant beaucoup plus facile à vaincre.