L’histoire de
Dragon’s Dogma débute comme celle de beaucoup de jeux basés sur un monde d’heroic fantasy : l’introduction du héros. Le jeu démarre ainsi sur l’interface de création de votre personnage. Désirant aussi bien rallier les joueurs asiatiques qu’occidentaux, la touche artistique concernant les protagonistes du jeu rend très bien et les possibilités offertes quant à la personnalisation de votre avatar sont fournies à souhait. Pour dire, même mon nain gros et roux à oreilles pointues passe pour un fantastique guerrier. Bref, après avoir choisi votre classe (Guerrier, Rôdeur ou Mage), votre histoire commence…plutôt mal. Installé tranquillement sur son rocher à pêcher la moule, votre héros écoule des jours tranquilles dans son village natal. Le blème est qu’un dragon récemment éveillé par des forces obscures vous attaque et fini par voler votre cœur. J’ai pas fait médecine, mais d’après moi, continué à déambuler sans ce truc, ça devient compliqué. Touché par la magie qui vous maintient en vie, vous devenez l’Insurgé avec un grand « I » et partez à la recherche de votre organe (le cœur, hein) tout au long d’une quête remplies de monstres mythiques. « Tout seul, sans aide, comme ça ? » me diriez-vous. Et bien non, votre statut d’Insurgé vous permet de contrôler des (mor)pions, ou myrmidons qui vous accompagnerons durant votre périple.
Je suis Morbac le (Mor)pion
Les pions, ou myrmidons, sont des êtres de chairs et de sang qui ne répondent qu’à l’appel de l’Insurgé. Ainsi, il vous sera rapidement demandé de créer votre pion principal, celui qui vous collera aux basques durant toute l’aventure, à l’aide de la même interface de création de personnage de votre héros. Les deux autres pions sont générés aléatoirement par l’ordinateur, ou vous seront prêtés par d’autres joueurs via Internet. Vous pouvez, dans les villes principales, accéder au monde éthéré des pions dans lequel votre groupe de myrmidons peut être géré. En gros, renvoyer celui qui n’a plus d’utilité afin d’en recruter un flambant neuf qui sera plus adapté à certains combats. A la manière de l’interactivité online proposée par
Demon’s Soul, cette possibilité d’accéder à des pions d’autres joueurs se révèle forte intéressante. Par exemple, si l'un de vos pions est emprunté (dupliqué) et utilisé par un autre joueur, il pourra revenir par la suite gavé de potions, objets et PC (point de cristaux) nécessaires à l’achat de pions de niveaux supérieur au votre. De la même manière, si vous empruntez un pion à un joueur, il pourra vous être utile de plusieurs façons. En plus d’être éventuellement plus puissant (niveaux, compétences, pièces d’armure…), la connaissance du pion emprunté sera mise à profit (même si d’autres peuvent leur être apprises via des parchemins). Par exemple, si ce dernier a déjà combattu et vaincu un Cyclope, il n’hésitera pas à vous parler de ses points faibles pendant un combat. C’est la même chose avec la localisation d’un objet pour une quête ou d’un personnage à trouver.
Malgré cette perspective bien amenée, l’I.A. de nos amis reste très douteuse durant les combats. Très loin de la gestion proposée par un
Dragon’s Age, les joutes, dans la plupart des cas, ressemblent à un beau bordel où vos pions passent leur temps à mourir. S’il est possible de conditionner leur comportement en combat à l’aide d’une série de question/réponses, la croix multi-directionnelle vous permet de donner des pseudo-ordres (« A l’aide », « Avancez ! ») qui ne servent que dans de rares cas : lorsque les myrmidons décident d’utiliser leurs cerveaux. Entre les mages qui vont chatouiller les burnes d’un Troll de 10 mètres et que les archers passent plus de temps à viser les fleurs, certains moments (comme des combats de 40 minutes) vous paraîtront trèèèèèèès longs. Ainsi, les pions prennent leurs propres décisions en combat ce qui pourra vous jouez quelques tours bien malvenus.
Dragon's May Colossus Dogma
Les mécanismes des combats sont, à n’en pas douter, le point fort du titre de
Capcom. Avec des personnes comme
Hideaki Itsuno (
Devil May Cry) ainsi qu’
Hiroyuki Kobayashi (producteur de
Devil May Cry 4) à la baguette, il fallait s’attendre à quelque chose de bien mené. Malgré l’apparition de quelques bugs ici et là, les différents coups claquent et s’enchaînent de manière fluide et le dynamisme général du combat s’avère persistant, surtout lorsque vous affrontez une bête haute de 15 mètres. Rappelant l’excellentissime
Shadow of the Colossus, il vous sera possible de grimper sur vos ennemis pour atteindre certains points sensibles de leur anatomie afin de les affaiblir. Il ne sera pas rare de lutter une bonne vingtaine de minute contre une chimère, dans un combat composé de plusieurs phases : couper la tête du serpent d’abord, puis la tête de la chèvre avant de mettre à bas la partie lionne. D’ailleurs, certaines défaites vous vaudront des moments de rage lorsque la mort survient bêtement durant un combat acharné de plusieurs dizaines de minutes.
Les combats auraient d’ailleurs été bien plus plaisants avec un système de verrouillage des cibles ainsi qu’une interface moins chargée qui oppresse le joueur. Même après la désactivation des sous-titres des pions (ouf !), deux bandes noirs restent présentes en haut et en bas de l’écran, réduisant la visibilité de l’action qui demeure confuse.
Mé komen sé dur lol!
La difficulté du titre frôle l’absurde par moments. Alors que les quêtes choisies n’affichent aucun niveau requis pour la compléter, vous serez dans une bonne partie des cas obligé de fuir ou de vous défaire d’ennemis bien plus forts que vous pour arriver à remplir vos objectifs (ce qui nécessitera certaines lourdes et inévitables phases de leveling). Pour parfaire la bonne blague, vous ne pourrez vous téléporter dans les endroits déjà visités qu’à l’aide de pierres ultra chères et sous certaines conditions très restrictives. En gros, vous allez marcher. Beaucoup. Rien de tel que trois quarts d’heure de crapahutage difficile dans la cambrousse pour vous rendre compte que l’objet que vous cherchez est gardé par trois Cyclopes bien vénères. Vous êtes alors bon pour retourner en ville, vous saouler à l’auberge et commencer à vous préparer pour vos prochaines joutes via l’interface principale du titre.
L'interface de Skyrim, en pire
Cette dernière est bien loin de proposer une ergonomie exemplaire. Utiliser les consommables lors des combats vous obligera à mettre le jeu en pause et passer par l’inventaire. Oubliez les raccourcis et autres boutons programmables, ici, c’est un peu l’âge de pierre du RPG, l’interface reste très rigide et offre peu de simplicité lorsqu’il s’agit de gérer l’équipement ou de combiner les objets. Ce procédé permet d’améliorer armes, amures mais aussi consommables en additionnant les matières, ustensiles et matériaux récupérés au cours de vos pérégrinations qui se dérouleront dans un vaste monde.
Celui-ci, même s’il forme un ensemble plutôt cohérent, fait preuve d’un manque de panache et de cette « petite chose » en plus qui garde un monde plein de vie et d’interactions. Si la plupart des décors rendent bien, ce manque de variété dans les textures et dans les possibilités d’interaction avec ce qui vous entoure décoche un bon uppercut à l’immersion globale du jeu. Dommage. On a trop souvent l’impression de se retrouver au milieu d’un décor factice avec des portes qui restent toujours fermées, des villageois qui déambulent sans raison sur un chemin prédéfini, le tout dans un aspect un peu trop « clean » issu d’une vitrine de Playmobil. Mis à part la capitale, la plupart des lieux visités au cours de l’aventure n’offre aucun intérêt qui vous oblige à y retourner, rendant le tout, encore une fois, plutôt tristounet.
Des graphismes qui tiennent la barque
Pourtant, les possibilités graphiques du titre en ont dans le sac, de quoi créer quelque chose de vraiment costaud en termes d’environnement. Quand on avance l’argument du jeu le plus cher de l’histoire de la firme, il est normal de grincer des dents aux vues des ralentissements affligeants provoqués par le moindre chargement. Pendant les combats de grande envergure ou juste après une sauvegarde, ces chutes brusques d’images par seconde auront de quoi vous énerver, surtout dans les situations où le moindre faux pas vous coûte la vie. Ce n’est que le résultat du
MT Framework poussé dans ses derniers retranchements, un peu à l’image d’une R5 à 140 sur l’autoroute. Enfin, certaines textures semblent avoir été oubliées au garage par les développeurs tant leur finition manque de netteté. Malgré ces défauts, les graphismes forcent le respect par certains moments. Des effets de lumière éblouissants en passant par des modélisations et animations (surtout celles des monstres) très réussies,
Dragon’s Dogma peut se vanter d’être l'un des jeux à la patte graphique qu’on n’oublie pas dans une génération de consoles. En exemple, les passages joués de nuit sont vraiment réussis et on se met rapidement à transpirer lorsque, seulement éclairé à l’aide d’une lanterne à la ceinture, vous traversez une forêt abritant des chimères qui vous sauteront à la gorge à la moindre occasion. L’obscurité est très efficace et vous enveloppe jusqu’à ne plus être capable de voir qu’à quelques mètres autour de vous. Dans la même lignée, certains donjons, bien glauques et sombres, sont une vraie réussite et offrent un plaisir d’exploration et de découverte qu’on n’effleure seulement du bout du doigt sur 90% du monde de Gransys. Enfin, les différentes Cut-scenes qui ponctuent le jeu s’enchaînent bien et offrent des petites bouffées d’air très appréciables entre les longues quêtes.
Ces graphismes sont accompagnés d’une bande son qui s’en sort avec une mention passable, notamment pour les musiques qui fleurent bon le jeu japonais à la première écoute, surtout quand on parle de RPG à la dimension épique. Pour les différentes voix, on reste dans le domaine de l’acceptable avec des acteurs anglais qui font le boulot, mais sans plus. Elles manqueront de vie sur certains passages du scénario qui aurait mérité un peu plus de punch. Concernant ce dernier, on tient là quelque chose qui ne transpire pas vraiment l’originalité et qui aurait pu concentrer un peu plus d’attention, surtout de la part des scénaristes de chez
Capcom en possession d’un tel budget. Le jeu se termine un peu brusquement et nous laisse la pâteuse en bouche, ce qui, une fois encore, ne sied pas à un jeu qui se voulait devenir un cador du genre.
Au niveau durée de vie et rejouabilité,
Dragon’s Dogma propose du matos qui dur pas mal, dans la lignée des RPG dont l’on se défait à l’heure actuelle. S’il n’atteint pas la longueur d’un Skyrim, les quêtes annexes et votre propension à déambuler sur les sentiers perdus pour gratter de l’expérience augmenteront plus ou moins votre temps de jeu. Vos longues transhumances pédestres entre les différents points de la carte feront passer une minute pour une heure, mais est-ce bien là de la durée de vie effective? Toutefois, les possibilités d’évolution de la classe choisie permettent de passer du temps à débloquer toutes les compétences de votre avatar et pourront même vous changer par la suite en « super-classe » du type assassin, champion, paladin, etc., histoire de pimenter le tout.