P.T. est le genre de jeu – gratuit ! – qui intrigue. Puis dérange. Dérange grave. Le principe est on ne peut plus simple : réveillé dans une salle obscure aux murs scarifiés, une porte s’entrouvre, vous délivrant un sublime couloir. Vous avancez, curieux. Le parquet grince, la maison semble déserte. Le réveil indique 23 :59. La lumière blanchâtre laisse apparaître des étagères signées de mégots et de médicaments : les cadres photos d’une famille heureuse semblent ternies. À la fenêtre, le couloir tourne à angle droit. Toutes les portes sont fermées, y compris l’entrée principale. Seule la porte au bout du chemin vous tend les bras, menant vers ce qui semble être la cave. Le lustre émet un grincement malsain, presque agaçant. On descend les quelques marches lugubres et on ouvre la porte… pour se retrouver au début du même couloir.
« On va jouer à un jeu »
À n’en pas douter, cette maison n’est pas normale. Hormis l’étrange sensation d’un passé douloureux, l’ambiance qui se dégage dès les premières secondes ne peut que présager le pire. Alors retourné au début du fameux couloir, on avance prudemment, énigmatique. Le réveil indique toujours la même heure. Mais cette fois, la radio est allumée et conte un drôle de meurtre familial où le père a tout simplement assassiné sa femme enceinte et ses enfants au fusil de chasse. Si certains y verront une activité sereine et quotidienne, d’autres ne seront pas vraiment à l’aise. On se doute bien que l’histoire de cette maison n’est pas anodine à cet événement. La porte des escaliers poussée à nouveau, on se retrouve, encore une fois, au début du couloir. Le lustre grince toujours autant. Le parquet craque insolemment. L’heure n’a pas bougé d’un poil. Vous marchez une troisième fois auprès de ces vestiges familiaux taris qui semblent vous demander de partir le plus vite possible. Puis, à quelques mètres de la fameuse cave, la porte, ouverte, se referme devant vous. Les rouages d’une porte couinent derrière vous, les basses assourdissantes de l’OST percutent vos tympans. Vous n’êtes pas seul.

"Stéphane Plaza doesn't approve this appartment"
Nous nous arrêterons ici pour le déroulement des événements, car il est très important que vous puissiez découvrir par vous-même le reste du titre : il s’agit là, ni plus ni moins, de l’expérience horrifique la plus maîtrisée de ces dernières années. Des déplacements et une seule touche de zoom : le gameplay de P.T. s’approche du minimaliste pour mieux vous plonger dans son ambiance noire. Ce couloir, qui se répète inlassablement une fois la porte franchie, occasionne un stress permanent. Constamment, quelque chose change : l’éclairage devient mystérieux, les objets tombent au sol, les portes s’ouvrent… Ici, Kojima ne fait que très peu dans le jumpscare traditionnel, il vous enfonce dans une profonde crainte psychologique. Vous savez, le fameux cauchemar ou les événements se répètent à l’infini, où vous tentez de crier, de vous défendre, mais rien ne marche ? On est exactement dans ce délire là.
« C’est quoi ton petit nom déjà ? » - Lisa :) - PUTAIN CASSE TOI
Ce mécanisme de loop déroutant a pour fonction de vous plonger dans les abysses d’une angoisse très humaine : tout le long du jeu, on a l’impression que quelqu’un joue avec nos nerfs. Ce n’est évidemment pas qu’une impression : Lisa, cette femme énigmatique qui a assez peu de chance d’apparaître dans le top 10 de Brazzers, est chez elle et vous avez décidément empiété sur son territoire. Le but, au-delà du simple spectacle du à la jouabilité enfantine, est de résoudre les différentes énigmes qui s’imposent à vous à chaque nouvelle boucle. En effet, il ne faut pas oublier que le but de Kojima était de récompenser le joueur : une fois P.T. terminé (et c’est très très dur, certains casse-têtes relevant de la combinaison « WTF » puissance 10), le joueur débloque le trailer d’annonce de Silent Hills, révélant alors le statut de démo du jeu en question. Ainsi, nous vous conseillons de regarder quelques astuces sur le web pour avancer dans P.T. afin de ne pas vous retrouver bloqué inutilement, ce qui pourrait vous gâcher une expérience de jeu qui s’avère délicieuse.

Si vous nous dites que ça, ça fait pas flipper, on vous offre un kebab
Ce qui impressionne par-dessus tout, c’est la maîtrise de la peur par Kojima et son équipe. Ici, le sang est presque aux abonnés absents : tout se concentre sur l’instinct du joueur. Monsieur Hideo est paraît-il très trouillard : « c’est encore plus simple de créer un jeu d’horreur quand celui qui est aux commande a peur facilement ». Il sait exactement sur quelle corde tirer et on ne peut que lui donner raison. Le design sonore de P.T. est également un des grands points forts de cette aventure tant il s’avère soigné et profond. Pour peu que vous soyez équipé d’un casque ou d’un home cinema de qualité, on vous garantit une horreur absolue… et pourtant jubilatoire. Le FOX Engine, moteur graphique ici employé (et pourtant downgradé volontairement) fait des merveilles : l’environnement certes très restreint affiche des reflets et une finition quasiment irréprochables, renforçant considérablement les monstrueux effets d’éclairage qui rythmeront sataniquement votre parcours. Un trajet dont on ressort forcément en sueur, à condition bien sûr de jouer le jeu et d’être seul pendant la partie, dans les conditions techniques adéquates. Disponible au prix de zéro balle, l’expérience vaut clairement la peine d’être vécue.