Un temps que les moins de vingt ans…
Constat difficile pour les plus vieux d’entre nous, mais il y a de fortes chances que l’adolescent typique et le jeune adulte d’aujourd’hui n’aient jamais connu la magnificence d’un Pro Evolution Soccer au sommet de son art. Gavée au chausse-pied à grands renforts de FUT, licences et modes en tout genre (et désormais Alex Hunter), l’offre du rival est si gargantuesque que cette génération n’effleure même pas la possibilité de changer de crèmerie. Il faut dire que ces têtes blondes n’ont, pour commencer, jamais eu cet élément comparatif qui animait débats et rêves les plus fous de l’époque, type « t’imagines si FIFA avait un gameplay aussi bon que PES ? Ce serait ouf frère ! ». Des pensées marteaux il y a à peine dix ans, qui ont fini par devenir réalité. Qu’en est-il alors de ce despote oublié, lui qui a érigé la grammaire d’un football virtuel désormais si populaire ? PES est-il devenu une série pour vieux cons ? A en juger avec cet opus 2018, certainement pas.
Car oui, et Konami le sait, il est très difficile voire impossible de lutter face au rouleau compresseur FIFA. Les charts lui appartiennent et son noyau de joueurs est verrouillé comme jamais, fait qui résulte d’une mixité entre l’offre proposée par le jeu et l’effet de génération. Le combo est gagnant. Mais PES ne baisse pas les bras pour autant. Fort d’un renouvellement entamé il y a trois ans avec l’édition 2015, et d’un changement de moteur avec l’arrivée du FOX Engine, on assiste aujourd’hui au climax de cette introspection. Après un après-midi à s’essayer à la simulation sportive de Konami, il est évident que ce PES 2018 est transfiguré. La première impression que l’on a est d’avoir un FIFA entre les mains, et j’entends dans le bon sens du terme. Plus lent, le rythme du jeu n’en est qu’amélioré puisque plus posé. Il invite davantage à la construction, surtout que nos idoles en polygones bénéficient d’une inertie prononcée. On ressent donc cette présence physique sur le gazon, qui tend plus vers la simulation et qui contribue à l’éloignement de la route arcade entamée par la série, qu’elle fut volontaire ou prise à contrecœur à la vue d’un contexte défavorable.
Mais là où le titre le fait très bien, c’est qu’il conserve son instantanéité. Le jeu en première intention est un régal et, de manière générale, tout répond au doigt et à l’œil. Un point que la concurrence peine à apprivoiser. La palette d’animations, entièrement retravaillée, est criante de réalisme. Les athlètes réagissent et se meuvent de manière crédible et raccord avec chaque situation, les contrôles de balle brillent par leur justesse, et la protection du cuir (automatique) étonne, elle qui tire profit du surplus physique des joueurs. Les collisions n’en sont que meilleures, et pour citer le Marquis de Sade : « Il n’y a de vrai que les sensations physiques. »

Coup d’œil sur la Master League
Pour la beauté du geste
Il y a quelque chose d’indéniable, d’éclatant même, que l’on ne peut retirer à PES : son amour invétéré pour le ballon rond. Cette quête de l’extérieur chaloupé, du décalage visionnaire, du centre au cordeau ou encore du petit pont dévastateur, on la ressent immédiatement manette en main. Les joueurs les plus talentueux sont naturellement plus à même de réaliser exploits et gestes fous, et ont plus d’aisance à contrôler le cuir dans les situations les plus ardues. Un point important puisque PES 2018 incite à connaitre son équipe et donc les forces et faiblesses de ses joueurs, pour en tirer le meilleur parti en attaque comme en défense.
La transmission du cuir reste l’une des grandes qualités de la série, et progresse d’un cran supplémentaire puisque moins téléguidée que par le passé. Il faut davantage s’appliquer pour trouver receveur, et les frappes, avec une physique de balle plus lourde, manquent plus souvent la cible. Un bon point qui permet à PES 2018 de sortir de certains carcans et scripts, pour aller embrasser l’incertitude avec plus de conviction. Eh oui, on aime quand il faut ramer ! Surtout que les gardiens ont eux aussi revu leur copie. Claquettes et arrêts en deux temps sont légion contre la flopée de chouquettes que l’on peut distribuer, et ce même à bout portant. La main est ferme. Mais, car il y a toujours un mais, les enroulés et balles piquées sont beaucoup trop meurtriers. Surtout les balles piquées, en fait, où le gardien viendra systématiquement mourir à vos pieds sans même lever la main. Le but devient alors une affaire de lob cadré ou non. La version essayée était celle de l’E3, gageons donc que ce genre de comportement sera amélioré d’ici la sortie du jeu, prévue pour le 14 septembre prochain.
Une solide alternative ?
Il fallait au moins ça, cette préparation de trois ans, pour entrapercevoir le sommet de nouveau. Si quelques irritations ici et là (notamment l’arbitre, qui devrait siffler bien plus souvent qu’il ne laisse l’avantage) persistent, PES 2018 a clairement retrouvé une identité en plus de se moderniser et de muscler son jeu, avec un aspect physique prononcé. Mais c’est aussi visuellement qu’un gap est franchi. La modélisation des visages est ahurissante. Le sens du détail dans la reproduction des arènes l’est tout autant. Que ce soit à Anfield, au Camp Nou ou au Signal Iduna Park du Borussia Dortmund, on est sous le charme. La vie au bord du terrain est présente, et le public n’a plus à rougir face à celui de son concurrent. Bien sûr se pose la question des autres enceintes, et surtout des non licenciées. Mais ça, c’est un sujet que l’on abordera lors du test.
Il y a aussi ces petites touches, comme un second curseur de sélection de joueur de couleur gris, qui permet de savoir à l’avance quel sportif le jeu va sélectionner lors d’une pression sur L1. Un ajout simple, mais ô combien pratique. La disparition des « pointillés » pour les coups francs et corners, qu’on ne regrette absolument pas, participe aussi à la bonification de ce cru. Et puis il y a cette volonté d’étoffer son offre, avec une refonte de la Master League, le retour de la sélection aléatoire (mode qui propose l’affrontement de deux équipes avec des joueurs de tous bords sélectionnés au hasard), ou ce fameux mode coop (2 vs 2 et 3 vs 3) qui analyse les performances de chacun. Tout est passé au crible. Positionnement, passes interceptées, dribbles tentés et réussis, frappes, etc., tout est déclaré à la mi-temps et à la fin du match, ainsi que hiérarchisé via un système de points, qui permet de savoir qui porte l’équipe ou la tire vers le bas. Le potentiel est énorme, et on peut déjà vous assurer que oui, ça va s’embrouiller sec avec les potos. Ivre, PES 2018 instaure les causeries de vestiaire dans son gameplay. Et on en redemande.