Edward Pierce est un détective privé traumatisé. Traumatisé par la Première Guerre Mondiale, où il a combattu et vu des choses affreuses. Afin de surmonter ses troubles, l'homme n'hésite pas à taquiner un peu trop la bouteille ainsi que les somnifères... quitte à ne pas remplir ses ''quotas'' d'enquêtes à résoudre. Un laxisme dans le boulot qui lui est rappelé par l'agence pour laquelle il travaille et qui l'oblige à prendre la première affaire venue. Et elle ne tarde d'ailleurs pas à arriver en la personne de Stephen Webster. Point de personnes à retrouver ici ni même de mari adultère, comme c'est souvent le cas pour les détectives privés, mais bel et bien un mystère à élucider : comment et pourquoi est morte sa fille, Sarah Hawkins, mais également le mari et le fils de cette dernière ? Certes, leur manoir a été ravagé par un incendie et les autorités ont conclu à un certes tragique mais néanmoins très banal accident. Mais le client de Pierce n'est pas convaincu, d'autant plus que sa fille était assez spéciale. Selon ses dires, elles était souvent frappée de visions qu'elle transformait en peintures. Peintures qui rencontraient un franc succès en raison de leur aspect très particulier. Ce bon vieux Edward n'a donc d'autre choix que de se rendre sur l'île de Darkwater pour enquêter, sans savoir dans quoi il va s'empêtrer...
La première chose que l'on constate lorsque l'on lance Call of Cthulhu, c'est OH MON DIEU que c'est laid. Clairement, les petits gars de chez Cyanide sont bloqués une génération de consoles en arrière et ce titre n'a rien à envier aux premières productions PlayStation 3 / Xbox 360. Les animations des personnages sont rigides, les décors affreux, les textures baveuses, la synchronisation labiale affligeante... Bref, ça pique quand même pas mal les yeux et ça donne un petit côté nanar à l'aventure. Et c'est dommage, car la direction artistique est vraiment intéressante, d'autant plus qu'elle correspond parfaitement à l'univers de l’œuvre de H.P. Lovecraft. Les rues sont poisseuses, voire particulièrement sanglantes en fonction de l'endroit, l'obscurité prédomine souvent, rendant les petits recoins inquiétants, et le tout baigne dans une palette de couleurs assez limitée, essentiellement dominée par du vert. Entre ça et les différents personnages plus ou moins étranges rencontrés en chemin, les fans de l'écrivain seront sans aucun doute aux anges. D'autant plus que, bien entendu, les cultes secrets et leurs sacrifices humains sont de la partie, tout comme des créatures peu amicales dotées de tentacules...
Un souci de l’œuvre de Lovecraft qui se ressent aussi dans les traumas du héros. En dehors de ses souvenirs de guerre, Pierce va vivre tout au long de son aventure des situations délicates et découvrir de petites choses venant entamer sa santé mentale, comme des livres traitant d'occultisme. Au fur et à mesure, forcément, l'homme va sombrer dans la folie... En tout cas sur le papier. Car dans les faits, la sanité du bonhomme n'a pas vraiment d'incidence sur l'aventure, d'autant plus que la plupart des éléments venant l'entamer doivent êtres vécus, enlevant donc au joueur le choix de les voir ou non. Finalement, cette jauge de folie vient essentiellement rajouter ou supprimer des options durant les dialogues. Des dialogues qui nécessitent d'ailleurs d'autres petites choses à améliorer, comme l'éloquence qui permet par exemple de sortir des mensonges plus crédibles. Le joueur peut donc améliorer cet élément, mais également une poignée d'autres (psychologie, investigation, force...) via des points se débloquant assez régulièrement, histoire de lui donner un éventail toujours plus large de possibilités. Par exemple, avoir plus de force permet de forcer des mécanismes de plus en plus complexes – mais pas de se battre, le détective préférant fuir devant l'ennemi. Si, à un endroit précis, le joueur ne possède pas la force nécessaire, il doit alors trouver un autre moyen de progresser.
Est-ce que je t'ai déjà donné la définition du mot ''folie'' ?
Là encore, tout ça, c'est bien beau, mais c'est surtout sur le papier. Dans les faits, les choix sont plutôt limités à chaque fois et on est bien loin de la liberté d'un Dishonored ou d'un Deus Ex, par exemple. C'est d'ailleurs le plus gros souci que l'on pourrait pointer du doigt pour ce Call of Cthulhu : sa linéarité bien trop frustrante. Si, au départ, on a un peu l'impression de pouvoir faire ce que l'on veut, le mirage se lève bien vite et l'on comprend que l'on va finalement progresser dans un gros couloir avec plus ou moins de virages. Même les phases d'investigation sont totalement dirigistes et ne représentent pas le moinde intérêt. Comme dans un Assassin's Creed Odyssey, le joueur doit interagir avec des points d'intérêt représentés par des loupes, et Edward Pierce fait ses déductions par lui-même. On est donc bien loin d'un jeu d'enquête à la Sherlock Holmes, même si c'était peu ou prou la promesse de départ. Les seuls petits casse-têtes prennent en fait la forme de recherche d'objets à placer au bon endroit, parfois couplés à des phases d'infiltration pas toujours heureuses, l'I.A. pouvant être soit omnisciente, soit totalement stupide. Et le pire, c'est que les possibilités s'étiolent au fur et à mesure de la progression. Si, au départ, il y en a une petite poignée, le tout se met réellement sur rails vers la seconde moitié du jeu, comme si le studio avaient dû précipiter la fin du développement, par manque d'argent ou de temps (ou des deux ?).
Résultat, même si l'histoire est plutôt sympathique à suivre et les différents PNJ intéressants à découvrir, la sauce ne prend jamais vraiment, la faute à un gameplay qui ne tient pas du tout ses promesses. Et le pire, c'est que voir le bout du scénario - qui compte d'ailleurs plusieurs fins - n'est même pas gratifiant tant le grand final tombe à plat... Bien entendu, la technique ne rattrape pas le bateau du naufrage : entre des temps de chargement interminables, une intelligence artificielle changeante ou encore de petits bugs par-ci par-là, il n'y a pas grand-chose à sauver non plus de ce côté là. En revanche, l'ambiance sonore est plutôt réussie, avec des compositions oppressantes venant renforcer le côté inquiétant de la chose, ainsi qu'un jeu d'acteur plutôt convaincant dans sa globalité, même si certains doubleurs auraient pu faire un petit effort pour rendre leurs personnages plus crédibles. Et lorsque l'on sait que Call of Cthulhu dispose de pas mal de dialogues, et donc de voix doublées, c'est tout de même un peu dommage.