Mais une chose est sûre : si on joue à
Amnesia, c’est pour se faire peur. Et pas de manière facile avec quelques jump scare. Non, ici on parle d’ambiance, d’univers, de mise en scène et surtout d’histoire. Le premier épisode a été le précurseur d’un style nouveau de narration à l’époque. On ne vous raconte pas l’histoire et vous devez aller la chercher, ceci via les différents documents que vous trouvez au cours de l’aventure. Ainsi, différents joueurs ne trouveront pas le même nombre de documents et c’est comme ça que chacun vivra une expérience bien personnalisée. C’est aussi comme ça que naîtront les discussions et rencontres autour du titre. Si vous aviez aimé cette mécanique à l’époque, ne vous inquiétez pas car elle de retour et elle fonctionne toujours autant. Malheureusement,
Frictional Games a ajouté des nouveautés à sa série... et elles ne font pas toujours mouche.
L’histoire d’Amnesia Rebirth prend place en 1937. Anastasie Trianon, dessinatrice française et jeune maman, prend part à une expédition avec son mari Salim. Malheureusement, leur avion se crashe dans le désert algérien. Anastasie, ou Tasie comme elle se fait appeler, se réveille seule dans la carcasse de l’appareil et amnésique. Elle part donc à la recherche de son mari et du reste de l’équipage, tout en essayant de se rappeler ce qu'il s’est passé. Nous sommes donc dans un univers totalement différent du premier épisode : exit le château allemand, bienvenue dans le désert algérien et son folklore. Ce qui saute aux yeux dans les premières secondes de jeu, c’est que le moteur de jeu n’a pas changé, ou très peu. Le moteur de l’épisode original n’était déjà pas parfait et ces imperfections ressortent encore plus en 2020. Si les environnements sont plutôt beaux, on ne va pas le nier, la modélisation des personnages n’est vraiment pas au point. C’est comme cela que l’on comprend les choix de narration faits par la suite. En effet, au cours de l’aventure, Tasie aura des souvenirs et ils seront tous illustrés par des dessins, ce qui est cohérent avec l’héroïne et donne une touche bien sympathique au tout. On pourra aussi saluer le fait que tous les temps de chargement dans le jeu soient aussi illustrés par des dessins et des souvenirs de Tasie. De la sorte, aucun ne paraîtra trop long, ce qui est plutôt bien joué.
Child of light
Après quelques minutes de jeu, on ne peut pas se tromper : on est bien dans Amnesia ! Mais l’euphorie s’estompera malheureusement bien vite, et cela à cause de plusieurs choses qui, mises ensemble, gâchent l’expérience de cet épisode et même ses bonnes nouveautés. Parlons d’abord gameplay. Les bases sont les mêmes que dans Amnesia : The Dark Descent. Nous sommes dans une vue à la première personne, on peut saisir des objets, les lancer ou les placer ailleurs, et c’est d’ailleurs de cette manière que sont résolus certains puzzles. Vous pouvez aussi ramasser des objets pour les mettre dans votre inventaire et ainsi les utiliser plus tard, ou les combiner avec d’autres. Les portes s’ouvrent et se ferment toujours de la même panière, on saisit et on active la souris ou le joystick dans le sens que l’on veut. Cette mécanique ajoute de la tension dans certaines scènes et donne vraiment l’impression d’ouvrir une porte, un coffre ou même une armoire dans certains cas. Le gameplay est toujours aussi efficace, mais son problème vient du dosage qui n'a aucun sens. Votre personnage doit rester sain d’esprit, mais des visions choquantes comme des cadavres ou rester trop longtemps dans le noir le fera paniquer. Vous devrez donc bouger dans tous les sens pour qu’il reprenne ses esprits. Le seul problème, c’est que le personnage ne commence pas à paniquer après un certain temps dans le noir : non, il panique dès qu’il est dans le noir, dès la première seconde.
Ça paraît étrange, surtout que le jeu est fait de telle manière qu’après un petit temps d’adaptation, vous y voyez dans le noir comme en plein jour. Pour éviter le noir, il faudra donc rester dans la lumière. Mais la lumière du jour ne peut pénétrer de partout et les bougies que vous croisez ne sont pas forcément toutes allumées. Alors que faire ? Pas de problème : vous bénéficiez de deux sources de lumière qui sont des allumettes que vous pourrez trouver un peu partout et une lampe que vous pourrez remplir d’huile grâce à des recharges, elles aussi trouvées un peu partout en fouillant un peu. Le problème, c’est que la durée de ces deux sources de lumière est ridicule. Les allumettes n'offriront de la lumière que pendant quelques secondes, et c’est à peine mieux pour la lampe à huile. Et nous parlons ici d’une lampe totalement pleine ! On sera donc toujours à cours de source de lumière, ce qui ajoute à la tension et ne serait pas si gênant si la mécanique de l’obscurité ne commençait dès la première seconde dans le noir.
Désert de Tasie
Essayez d’imaginer la situation : vous croisez un monstre (vision choquante, donc votre personnage est déjà perturbé), donc vous courez vous cacher pour ne pas mourir. Une fois la cachette trouvée, vous éteignez la lumière pour ne pas vous faire repérer. Ah non, vous ne pouvez pas, votre personnage va paniquer et attirer le monstre ! Il faut donc allumer la lumière. Ah non, vous ne pouvez pas non plus car la lumière va attirer le monstre à vous… Mais finalement, est-ce si grave ? Expliquons-nous. Amnesia Rebirth fait un travail extraordinaire au niveau du teasing. On voit d’abord une ombre, une silhouette. Puis on aperçoit quelque chose de menaçant du coin de l’œil, puis ce sont des bruits. On se sent suivi, on ne se sent pas en sécurité, quelque chose nous observe. Les cadavres, les notes, les souvenirs, tout nous met en garde contre ces « créatures ». Mais, finalement, en dehors de passages très scriptés, on croise finalement peu de monstres. Et l’ambiance est tellement réussie qu’on le regrette. On est très loin d’un Alien Isolation à ce niveau, et au bout d’un moment on se surprend même à se déplacer sans faire attention.
Mais ne vous méprenez pas : même avec ces imperfections, Amnesia Rebirth est tout de même efficace. Tout d’abord, il faut toujours avancer en résolvant des énigmes, et elles sont toujours plaisantes et très bien exécutées. De loin l’un des points forts du jeu. Ensuite, une nouvelle mécanique fait son apparition : l’héroïne possède une amulette lui permettant de passer dans un monde parallèle à certains endroits. Comme vous vous en doutez, il ne s’agit pas de Narnia. Sauf si vous avez déjà imaginé la version Hellraiser de Narnia, et si c’est le cas nous n’avons qu’un seul mot pour vous : sérieux !? Ce côté lovecraftien est bienvenu et fortement plaisant, surtout quand il est utilisé dans des puzzles et apporte un peu plus à l’univers. Car, ne l’oublions pas, comme le jeu nous avertit en début de partie, il faut découvrir l’univers et son histoire.
AnesTasie
Et nous voilà devant le plus gros défaut d’Amnesia Rebirth : une bonne histoire a besoin de personnage forts et, dans notre cas, ils sont au mieux insipides, au pire agaçants. On aura bien du mal à ressentir quoi que ce soit pour eux et la pire est malheureusement Tasie. On a l’impression que Frictionnal Games a tout fait pour nous faire aimer Tasie, pour nous faire compatir à son malheur. Il est clair qu’ils veulent qu’on s’attache, qu’on la protège, qu’on ressente quelque chose. Pari à moitié réussi car si on ressent bien quelque chose pour le personnage, il s’agit d’agacement. Pourquoi ? En raison d'un gros défaut pour ce genre de jeu : Tasie est bavarde. Elle parle pour ne rien dire, et parfois dans la pire situation. Les monologues de Tasie viendront par moments désamorcer une situation très tendue, et le pire dans tout ça c’est que 75% de ces monologues ne sont pas nécessaires. Est-il vraiment nécessaire de dire que l’on n’est plus suivie par une créature quand on s’en rend compte clairement simplement en regardant l’écran ? Pourquoi commenter tout ce que l’on fait ? A aucun moment nous n’arriverons à nous attacher à notre personnage principal et ce malgré son histoire personnelle tragique. Les auteurs en ont trop fait et la subtilité n’est pas présente ici, on tartine des couches et des couches de pathos indigeste et cela même avec les dessins. Oui, ils sont une bonne idée mais certains sont… inintéressants. Pour finir sur cet aspect, si vous regardez des films à suspense, lisez des thrillers ou avez déjà joué à des jeux du même genre, alors vous aurez déjà tout deviné dans les 2 premières heures.
La palme revient tout de même à un élément que nous allons cacher et que vous ne devriez pas regarder si vous ne souhaitez pas vous spoiler, même si honnêtement les allusions peu subtiles ne laissent pas vraiment de doute : Tasie est enceinte, vous devrez donc vérifier que tout va bien dans son ventre au cours de l’aventure. Si vous ne regardez pas le spoiler, voici une anecdote drôle montrant l’incohérence du jeu : Amnesia Rebirth se passe en Algérie du temps où elle était française. Dans un flashback, à la vue d’un panneau un soldat anglais qui ne parle pas français demande ce qu’il y a d’écrit. Tasie répond, sauf qu’en regardant de plus près, on s'aperçoit que tous les panneaux du jeu sont écrits en anglais... ce qui veut dire que le soldat anglais ne comprend pas l’anglais. Et quel est le résultat ? On met vite l’histoire de côté pour finalement se concentrer sur les mécaniques de jeu et l’horreur. Pourquoi on avance ? Peu d’importance. Qu’est-ce qu’on fait ici ? C’est juste un décor. C’est quoi ça, pourquoi c’est là ? C’est juste une mécanique. L'univers et l'histoire sont malheureusement ici des points faibles de l’expérience. Mais il y a tout de même de la lumière dans toute cette obscurité : on en apprend un peu sur le folklore arabe et ses créatures mythologiques, et c’est toujours intéressant.