Test : Metroid Prime 4 : Beyond - Nintendo Switch

Metroid Prime 4 : Beyond - Nintendo Switch
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Dix-huit ans à attendre une suite, c’est long. Alors forcément, Metroid Prime 4 : Beyond arrive avec cette pression absurde sur les épaules : celle de devoir être un événement, pas juste un bon jeu.

Test effectué à partir d'une version Nintendo Switch 2

D’emblée, Beyond affiche une maîtrise technique qui ferait presque oublier qu’on parle d’une série dont l’ADN repose sur la solitude et l’inconfort. Sur Switch 2, c’est propre, fluide, flatteur, avec deux modes visuels qui font le boulot : 4K et 60 fps en “qualité”, 1080p et 120 fps en “performance”, HDR compris. Sur Switch 1, ça tourne étonnamment bien en 60 fps, mais l’ensemble paraît comme amputé d’une partie de son vernis : moins de relief, moins de souffle et, forcément, moins d’effet “wow” quand on a déjà vu Viewros sous ses plus beaux atours.


Et Viewros, justement, dans sa forme, fait partie des bonnes surprises : Retro Studios sait toujours peindre l’étrange. Ruines organiques, installations métalliques qui respirent, couloirs qui grincent sans dire pourquoi… La planète a cette froideur accueillante typiquement Metroid, celle qui donne envie d’aller voir derrière la porte même quand on sait très bien qu’il y a un truc qui va nous tomber dessus. Le problème, c’est que Beyond a aussi un autre visage : un jeu qui, par moments, semble vouloir être un jeu plus grand public alors qu’on ne lui en demandait pas tant puisqu’il propose un hub, des déplacements motorisés, un ton plus bavard, des systèmes d’aides, des marqueurs et une structure qui lisse l’aventure au lieu de conserver ce qui rendait la licence si spéciale.

Metroid Prime 4 : Beyond

Prime de risque : la formule verrouillée, la curiosité récompensée

On ne va pas tourner autour du Chozo : quand Beyond fait du Metroid Prime, il le fait très bien. Le cœur du jeu, celui qui consiste à explorer des zones denses, à lire un espace en 3D comme un casse-tête, à remarquer une fissure suspecte ou un relief “pas normal”, est excellent. On progresse rarement en se sentant idiot, mais on est souvent tenté de s’éparpiller parce que le jeu sait récompenser la curiosité avec une régularité satisfaisante.

Metroid Prime 4 : beyond

C’est là que les donjons, au sens large, deviennent la vraie colonne vertébrale de l’expérience. Beyond n’en fait pas des caisses sur le sujet, mais il adopte un rythme très “Zelda” dans sa façon de construire ses grandes zones : entrée qui impressionne, boucle qui se referme, gimmick introduit puis décliné, montée en puissance, mini-moments de respiration, puis un boss qui sert de point final. Cette logique de “temple” fonctionne d’autant mieux que les environnements sont pensés pour guider sans donner l’impression de tenir la main, avec des objectifs clairs mais des détours assez malins pour qu’on ait envie d’y retourner une fois mieux équipé.

Metroid Prime 4 : Beyond

Le twist moderne, c’est l’arrivée des pouvoirs psychiques de Samus. Sur le papier, ça promet : trajectoire de tir modifiable, plateformes matérialisées, grappin “mental”, interactions plus dynamiques… Dans la pratique, c’est rarement le grand chamboulement. Ces capacités s’ajoutent au kit sans le réinventer, et donnent surtout l’impression d’avoir un pack d’outils à disposition, posé sur une formule déjà très rodée. Le souci, c’est le toucher. Plusieurs de ces actions psychiques ont une micro-latence, une petite animation qui casse le rythme, comme si le jeu craignait que vous alliez les utiliser trop vite. Résultat : ça manque de fluidité et ça renforce cette impression de mécanique sage, jamais vraiment surprenante, même quand elle essaie d’être nouvelle. Même constat côté feeling global : Beyond brille dans ses donjons, mais traîne parfois des idées un peu maladroites, pas forcément mauvaises, juste pas assez bien intégrées pour paraître naturelles.

Metroid Prime 4 : Beyond

Et c’est là qu’un paradoxe assez cruel apparaît puisque Metroid Prime 4 : Beyond ressemble beaucoup à ce que le public attendait, tout en ressemblant à plein d’autres choses sorties entre temps. Parce qu’en dix-huit ans, le Metroidvania a essaimé partout. Les indés, les AA, même des gros machins, tout le monde a piqué des bouts de Metroid. Du coup, quand Metroid revient, il n’a plus le luxe d’être “celui qui montre”. Il devient “celui qui recopie”. Et Beyond confirme, avec sérieux mais sans cette sensation d’avant-garde qu’on associe encore au premier Prime. Même l’écriture du jeu semble prise entre deux envies. D’un côté, un Metroid qui continue à raconter à moitié, via logs, scans et détails d’environnement, avec juste assez de mystère pour donner une couleur. De l’autre, un casting plus présent, un contexte plus axé sur la mission, et un compagnon qui peut vite faire tiquer dès qu’il prend trop de place dans une série construite sur le silence. 

Metroid Prime 4 : Beyond

Malgré tout, quand il s’agit de pure ambiance, le jeu a toujours de sacrés arguments. La musique, notamment, fait partie de ce qui porte l’aventure, avec un travail qui retrouve cette étrangeté mélodique si caractéristique, et une bande-son qui s’installe dans le crâne sans forcer. Le duo historique Kenji Yamamoto et Minako Hamano signe un ensemble qui colle parfaitement à cette exploration lente, presque contemplative, et qui sait aussi se lâcher dans les moments plus nerveux.

Metroid Prime 4 : Beyond

Désert d’y croire : hub en kit, combats en pantoufles

Le plus gros point de friction de Beyond, c’est sa structure. Le jeu s’articule autour d’un vaste désert servant de hub, que l’on traverse à moto pour relier différents biomes. Sur le papier, ça peut rappeler une plaine d’Hyrule utilitaire, un grand espace de liaison entre des zones plus travaillées. L’idée, c’est de souffler entre deux séquences denses.

Metroid Prime 4 : Beyond

Le désert laisse une vraie impression de vide, non pas de part son essence désertique même mais plutôt parce qu’il n’y a vraiment pas grand-chose à y faire qui donne envie d’y rester. Quelques ressources à ramasser, des sanctuaires ou points d’intérêt clairsemés, et surtout beaucoup de sable à avaler pour aller d’un endroit à un autre. Et comme les biomes auxquels il donne accès semblent parfois collés les uns aux autres sans vraie cohérence géographique ou narrative, on a ce sentiment de hub désarticulé : on relie des morceaux, pas un monde. C’est une carte qui connecte des décors, pas une planète qui fait sens. Pire encore, cette structure accentue le problème du backtracking. Metroid a toujours été une série de retours, mais des retours qui ont du goût, parce qu’on revient en voyant l’endroit différemment, avec de nouveaux outils et une nouvelle lecture des espaces. Dans Beyond, certains allers-retours prennent l’allure d’une obligation logistique, avec des séquences de collecte et des détours qui ressemblent plus à une checklist qu’à une exploration organique. Surtout qu’aucun point de téléportation ne vous sera proposé.

Metroid Prime 4 : Beyond

Et puis il y a les combats. Là aussi, Beyond fait “le Prime”, mais avec une mollesse qui surprend sur la durée. Le lock, la visée, les impacts, tout est fonctionnel mais ça manque clairement de nerf. Les ennemis de base sont souvent plus des obstacles que des menaces, et les fusillades du quotidien deviennent une routine en caoutchouc, surtout dans les portions plus ouvertes où l’IA paraît hésitante et peu agressive. Heureusement, il y a une exception : les boss. Eux, ils réveillent. Ils demandent davantage d’observation, de placement, de gestion des fenêtres d’ouverture, et ils exploitent mieux les outils de Samus, y compris certaines options de contrôle plus précises. C’est même assez frustrant, parce que ça montre ce que Beyond pourrait être plus souvent : un Prime où la tension se construit dans l’action, pas seulement dans l’atmosphère.

Metroid Prime 4

Côté contrôles, on a justement un tableau contrasté. La visée gyroscope est très solide et s’intègre bien au lock en permettant d’affiner sans transformer le jeu en FPS pur. La fameuse option “souris” des Joy-Con, elle, fait rêver sur le papier et peut briller dans certaines conditions, mais sa réussite dépend beaucoup de l’installation chez soi. Sur une surface parfaite, c’est impressionnant.

Metroid Prime 4 : Beyond

Et c’est exactement le problème général de Beyond : il additionne des nouveautés sans que ça change le cœur du jeu. La moto, le désert, le psychique, tout ça est là, mais rien ne crée un vrai saut de design. Même la narration reste mesurée, avec une ouverture plus spectaculaire puis un retour à une trame très simple, presque minimaliste, où l’essentiel passe encore par les logs et le scan. Le jeu avance comme sur un rail confortable, et c’est agréable. Mais c’est aussi un peu tiède.

Metroid Prime 4 : Beyond

Metroid Prime 4 : Beyond est un bon retour, et parfois même un très bon jeu mais bien trop sage pour laisser une empreinte aussi forte qu’on l’espérait. Ses donjons sont excellents, rythmés, intelligents, et rappellent à quel point Retro sait construire des espaces qui donnent envie d’être compris, pas juste traversés. Mais entre un hub désertique vide et désarticulé, des combats souvent mous hors boss, et des nouveautés qui n’osent jamais bousculer la formule, c'est l'ironie ultime : Beyond ressemble finalement à une copie de son propre héritage.
18 décembre 2025 à 11h09

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Points positifs

  • Donjons solides et bien rythmés
  • Ambiance et direction artistique inspirées
  • Bande-son marquante
  • Boss globalement réussis
  • Techniquement très propre sur Switch 2

Points négatifs

  • Combats souvent mous hors boss
  • Hub désertique vide et peu cohérent
  • Peu de prise de risque dans les mécaniques
  • Nouveautés psychiques inégales et parfois rigides
  • Structure qui lisse l’identité Metroid

Gribouillé par...

Lorris

Lorris

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Jean-Claude Van Damme au corps, Jean-Claude Dusse dans la tête. C'est parfois l'inverse.

Twitter : @Yolorris

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