Test : Little Nightmares III - Nintendo Switch

Little Nightmares III - Nintendo Switch
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Après deux épisodes conçus par Tarsier Studios, désormais intégré à Embracer Group, la série Little Nightmares change de mains. La licence, toujours détenue par Bandai Namco, est désormais confiée à Supermassive Games, studio reconnu pour ses productions horrifiques narratives comme Until Dawn ou The Dark Pictures Anthology.

Test effectué à partir d'une version PC

Dès son premier plan, Little Nightmares III replonge le joueur dans un décor immédiatement familier : un monde déformé, suspendu entre rêve malade et conte cruel. Deux enfants, Low et Alone, y errent, cherchant à fuir les horreurs de The Nowhere. Les silhouettes étirées, les meubles gigantesques, les lumières étouffées : tout semble sorti d’un cauchemar figé. Chaque plan est une peinture morbide, chaque couloir semble respirer la menace. On retrouve ce mélange unique d’angoisse enfantine et d’onirisme tordu, marque de fabrique de la série. Sur ce point, Supermassive fait preuve d’un respect presque religieux envers Tarsier : aucune trahison stylistique, aucune volonté de moderniser à tout prix. Mais à trop vouloir préserver la formule, le studio oublie de la faire évoluer. Ce respect tourne au mimétisme, et ce mimétisme au manque d’élan. On avance dans un monde sublime, mais le frisson s’émousse à force de déjà-vu.


Et surtout, très vite, une difficulté s’impose : la lisibilité. Les précédents volets savaient orienter le regard sans indiquer explicitement la route. La lumière, le cadrage, le son : tout participait à cette chorégraphie subtile entre immersion et guidage. Ici, cette finesse disparaît. Le joueur erre, tourne, tâtonne. Des échelles se fondent dans le décor, des objets interactifs se perdent dans la pénombre, des chemins plausibles s’avèrent être des impasses. On scrute les plans avec admiration sans comprendre ce qu’ils attendent de nous. La caméra, toujours inspirée, choisit parfois un angle spectaculaire mais peu parlant. Résultat : on admire au lieu d’agir, et la peur s’étiole. Le rythme s’enraye non pas à cause des monstres, mais parce qu’on ne sait plus où aller.

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Quand la manette devient l’ennemi

À cette lisibilité fragile s’ajoute une ergonomie perfectible. Le mapping des boutons ne semble jamais trouver son évidence. Attraper, tirer, s’accrocher, courir, sauter : autant d’actions simples sur le papier, mais souvent confuses en pratique. Il faut un temps d’adaptation pour comprendre quelle touche sert à quoi, et ce temps ne disparaît jamais complètement. Le problème n’est pas tant la complexité que le manque d’instinct. Dans un jeu où l’on doit réagir au quart de seconde, un bouton mal placé devient un obstacle majeur. On rate un saut pour une saisie mal timée, on lâche un objet sans le vouloir, on confond course et interaction. Individuellement, ces erreurs paraissent mineures, cumulées, elles sapent la spontanéité. Là où l’on devrait frissonner de peur, on s’agace contre la manette. Ce défaut est d’autant plus regrettable que le reste du travail technique inspire le respect. Les animations sont impeccables, la direction artistique irréprochable, les effets de lumière hypnotiques. Les textures, volontairement rugueuses, confèrent au jeu ce réalisme malsain propre à la série. Et la bande-son, toujours feutrée, renforce le malaise sans le surligner. Supermassive maîtrise l’esthétique de l’horreur, mais la mise en scène prend le pas sur la lisibilité. Le jeu devient plus contemplatif que participatif. Dans un Little Nightmares, cette bascule est fatale : la peur doit naître du contrôle, pas de la confusion.

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Un cauchemar qui se répète

Les mécaniques, elles, restent familières : exploration en 2,5D, phases de plateforme, énigmes légères, courses-poursuites haletantes. Certaines scènes réussissent encore à créer le malaise : une créature géante vous observe sans bouger, un bruit résonne dans un couloir vide, une ombre surgit d’un reflet. Ces instants rappellent le meilleur de la série. Mais leur rareté et leur espacement nuisent à l’intensité globale. Entre deux pics de tension, le rythme s’étire. L’alternance entre exploration et frayeur, autrefois si fluide, devient mécanique. Et l’absence de repères clairs transforme l’attente en frustration. L’angoisse fonctionne quand on comprend ce qui nous menace. Quand on cherche la sortie pendant trente secondes dans le noir, ce n’est plus de la peur, c’est de l’irritation. Little Nightmares III oublie que l’horreur, c’est d’abord une question de rythme et de clarté.

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Deux enfants, une clé, un arc… et un GPS en panne

Supermassive introduit ici une nouveauté : la coopération. Low et Alone ont chacun leur spécificité (l’un manie une clé, l’autre un arc) et l’idée d’un duo complémentaire semblait prometteuse. Sur le papier, cela ouvrait la voie à des énigmes à double entrée, à des synchronisations de gestes, à des puzzles où la coordination serait reine. En pratique, le concept peine à convaincre. En solo, on doit gérer un partenaire IA souvent imprévisible. Il bloque, hésite, se trompe de trajectoire ou reste immobile. On finit par le surveiller plus que les monstres, ruinant toute immersion. L’angoisse cède la place à un sentiment de babysitting. Le mode coop en ligne corrige partiellement le tir. Avec un vrai joueur, la progression devient fluide, la communication apporte du rythme, et les échecs se transforment en fous rires. L’expérience y gagne nettement. Pourtant, même à deux, les problèmes de lisibilité persistent. Les niveaux regorgent d’éléments décoratifs inutiles, les sorties se confondent avec le décor, les leviers ou interrupteurs se cachent derrière des ombres. On cherche moins à échapper à un monstre qu’à comprendre où cliquer. Ce flou constant aurait pu être utilisé pour renforcer la tension psychologique, mais il devient au contraire un frein à la narration visuelle.

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Un voyage trop court pour être marquant

La campagne principale se boucle en cinq à six heures. Une durée modeste, acceptable pour un titre de ce type, mais qui laisse une impression de légèreté. Peu de moments s’impriment durablement dans la mémoire. Là où les anciens volets avaient des séquences marquantes, ce troisième épisode peine à produire ses propres icônes. On avance avec curiosité, on termine avec politesse, mais sans cette piqûre durable que l’on attend d’un grand moment d’angoisse. Little Nightmares III se contente d’être “bon élève” : correct, appliqué, sans éclat. Un cauchemar propre sur lui.

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La coopération, censée être le cœur du gameplay, se révèle en réalité sous-exploitée. Les interactions entre les deux enfants se limitent souvent à de simples relais : tenir une porte, activer un levier ou se hisser l’un l’autre. L’arc et la clé, pourtant symboles d’une vraie complémentarité, n’apportent que des variations superficielles. Peu d’énigmes demandent une réelle synchronisation, et la progression manque d’évolution. L’absence de coop locale accentue cette impression d’inachevé. Le duo semblait pensé pour un jeu partagé sur canapé, mais l’option n’existe pas. On a donc un concept séduisant en théorie, mal exploité en pratique.

Beauté toxique, magie intermittente


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Pourtant, tout n’est pas perdu. Lorsque le jeu trouve son équilibre, la magie opère encore. Certains tableaux atteignent un niveau d’atmosphère rare : un carnaval décrépi, baigné de couleurs malades, où les rires se changent en cris étouffés, ou une nécropole silencieuse, couverte de poussière, où la mort semble suspendue. Ces séquences rappellent le génie visuel de la série. Le décor devient alors un personnage à part entière, et chaque bruit, chaque ombre, chaque souffle semble animé d’une volonté hostile. Dans ces moments, Little Nightmares III retrouve sa raison d’être : un conte macabre, lent, fascinant, presque hypnotique. Si le reste du jeu avait conservé cette intensité, il aurait pu tutoyer l’excellence. Mais ces éclats demeurent épars, comme si Supermassive oscillait constamment entre respect et hésitation. Le studio maîtrise le malaise, mais pas toujours la cohérence. Le cauchemar est là, mais le fil conducteur manque.

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On pourrait défendre cette opacité comme une composante du malaise. Après tout, se perdre fait partie du cauchemar. Mais il existe une différence entre se perdre dans un monde et être perdu par le jeu. Le premier relève du design, le second, de la maladresse. Quelques ajustements (un mapping plus cohérent, une IA plus fiable, une meilleure signalétique) suffiraient à transformer l’expérience. La matière première est là : une direction artistique d’orfèvre, un univers cohérent, une identité sonore unique. Il manque la précision, la clarté, l’audace. Little Nightmares III demeure un beau cauchemar, mais un cauchemar sage. Il coche les cases, livre quelques images puissantes, garde son univers tordu et fascinant, mais manque de souffle et de confiance. On ne le déteste pas, mais on l’oublie vite. Supermassive a conservé la forme, mais égaré le fil d’Ariane. Un titre honnête, souvent superbe, parfois prenant, mais trop maladroit pour marquer durablement.
27 octobre 2025 à 10h34

Par

Points positifs

  • Ambiance visuelle et sonore impeccable
  • Univers glauque et fascinant, cohérent avec la série
  • Coop en ligne fonctionnelle quand on joue à deux humains
  • Quelques séquences visuelles vraiment marquantes
  • Direction artistique soignée du début à la fin

Points négatifs

  • Lisibilité souvent mauvaise, on ne sait pas où aller
  • Level design confus, repères visuels peu lisibles
  • Mapping des boutons peu intuitif, manque de spontanéité
  • IA partenaire peu fiable, rythme haché en solo
  • Trop peu de renouvellement, sensation de déjà-vu

Gribouillé par...

Lorris

Lorris

Fin limier du mot

Jean-Claude Van Damme au corps, Jean-Claude Dusse dans la tête. C'est parfois l'inverse.

Twitter : @Yolorris

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