Test : Braid - Xbox 360

Braid - Xbox 360

Braid - Xbox 360

Genre : Réflexion

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L'année dernière sortait, sur le XBLA, Braid. Un jeu de réflexion sensationnel qui nous plaçait aux commandes d'un homme courant après son destin. Annoncé ensuite sur PC, il fallait qu'on répare l'erreur de ne jamais vous avoir proposé de test en bonne et due forme. Car Braid, c'est le jeu vidéo dans une de ses plus belles expressions. Simple, accessible, intelligent et profond : Braid.
Quand pour le guide de Noël 2008, on m'avait demandé quels avaient été, selon moi, les jeux les plus marquants de l'année, mes choix furent évidents, mais la sélection pas facile. S'il y en avait pourtant un qui résonnait sans équivoque, c'était bien Braid. Et encore aujourd'hui, avec cette version PC, mon admiration semble encore toute intacte, mon amertume aussi.

A l'orée d'un concept

L'originalité de Braid vient des différentes manières que l'on nous fera aborder la notion de temps. Le temps, notion universelle, défini ici comme une donnée de base structurelle. Notre interaction consiste à jouer avec l'ensemble des déplacements des différents personnages dans le niveau, avec une seule et unique zone d'influence, ou encore avec les déplacements dissociés de notre héros et de son ombre (Luky Luke peut aller se rhabiller). Le concept, loin d'être révolutionnaire, semble parfaitement maîtrisé. Mais contrairement à ce que l'on peut lire de-ci de-là sur la toile, les mécanismes de jeu ne feront pas appel à des modes de réflexion différents de ce que l'on trouve d'ordinaire. En revanche, la finesse de chaque énigme force le respect et montre la grande maîtrise du sujet. Ici, il ne vous faudra non pas faire preuve d'imagination, mais d'expérimentation. Essayer les outils que l'on vous met entre les mains. Tenter et retenter. Ainsi, chaque pouvoir mis à votre disposition vous permettra d'interagir différemment avec le déroulement des évènements, dans le but de trouver l'unique solution.
A l'image de bon nombre de productions indépendantes des dernières années, l'approche narrative, simple au premier abord, ne sombre pas dans les travers d'une histoire consensuelle, abordant des thèmes antédiluviens avec une délicate retenue. Selon moi, ce ne sont pas Braid ou encore World of Goo qui scintillent de leur intelligence, mais malheureusement le reste des productions qui sombrent dans la narration miteuse. Cessons nos digressions maladroites et douteuses et entrons dans le coeur du sujet. L'écriture de Braid n'est pas irréprochable. Parfois pompeuse, elle manque d'une once de légèreté poétique, s'enlisant régulièrement dans la facilité émotionnelle et le lyrisme sirupeux. Dommage !! D'autant qu'un jeu vidéo peut faire bien plus, en nous proposant une narration dont nous semblons en être le héros. D'ailleurs, il suffira d'atteindre le dénouement du jeu pour comprendre ce que la narration vidéoludique peut apporter de plus beau, nous faisant vite oublier quelques textes au lyrisme amphigourique. Quand l'interaction devient narration. Encore une fois, ça n'est pas nouveau, mais qu'est-ce que c'est plaisant !!!

Au cœur de la technique

Du côté des graphismes, on nage en eau trouble. L'animation fait dans la simplicité. Elle nous ramène une vingtaine d'année en arrière, à l'ère de la 2D, pour le plus grand bonheur de tous les nostalgiques, dont je fais partie. Plus gênant, le personnage principal manque cruellement de volume, pour ne pas dire de charisme. Jusqu'à la fin de l'aventure, je me suis demandé pourquoi ils avaient fait ces choix esthétiques concernant le design des personnages, et surtout celui du héros, tant il jure avec la poésie dont regorgent les décors. Surtout que ces derniers sont d'une resplendissante douceur. Ces tons pastel, ces aplats de couleurs délicatement composés, cette profondeur transmise par un scrolling parallaxe parfaitement ajusté. Le design de Braid est donc étonnant. Les décors nous enivrent de leur poésie et nous projettent au-delà du jeu vidéo, quand les personnages peu inspirés ne cessent de nous remettre les pieds sur terre. La musique, mélodique, lancinante et mélancolique, s'adapte magnifiquement aux situations de jeu et contribue en grande partie à la construction de l'ambiance. On se retrouve bercé par des sonorités familières, cadencées par les ruptures que chacune de nos interactions lui infligeront. Le message se voit alors renforcé, l'atmosphère exposée.

L'imaginaire populaire

Tous les mécanismes que l'on rencontrera durant l'aventure ne susciteront ni le même intérêt, ni la même fraîcheur conceptuelle. Mais cela dépendra en grande partie du joueur qui sommeille en vous. La variété des phases de jeu renouvelle l'expérience sans arrêt. Les habitués de jeux de réflexion seront dans leur élément, avec des énigmes qui deviendront assez vite évidentes dès lors que l'on comprend les subtilités de chaque pouvoir. L'arbre des possibles ne semble pas aussi étendu qu'on pourrait le croire au premier abord, tant la rigidité du gameplay nous cloisonne intentionnellement dans un champ d'expérimentation relativement restreint.
On aurait pu pester à l'encontre des développeurs s'ils avaient sombré dans la facilité en reproduisant jusqu'à écœurement les mêmes mécanismes niveaux après niveaux. Mais que nenni, ici chaque résolution d'énigme sera pour ainsi dire unique. Ce qui engendre alors deux défauts, dont un qui s'avèrera loin d'être anecdotique. Le premier, relativement insignifiant, concerne la réutilisation de certains tableaux, que l'on découvre, puis redécouvre sous un autre angle, avec d'autres mécanismes ludiques. Un défaut ? Pas vraiment, puisque cela montre à quel point Jonathan Blow a travaillé sa copie. D'autant que cela pourrait s'intégrer dans l'intention narrative quand, dans nos vies de tous les jours, face à une situation, nous élaborons une interprétation différente. Plus gênant en revanche, la durée de l'aventure s'en voit réduite à une peau de chagrin. Comptez quelques heures pour la boucler lors de votre première visite. Il ne tiendra qu'à vous de la recommencer dans la foulée, ou d'attendre quelques temps pour vous relancer à la poursuite de votre destin. Mais ici, les énigmes qui vous donneront le plus de fil à retordre se graveront aisément dans votre mémoire. A cela, associons-leur des résolutions enfermées dans une latitude millimétrée et vous obtiendrez une rejouabilité potentiellement exiguë. Mais personne ne vous oblige à me croire...
Une de mes plus belles expériences de l'année passée sur Xbox 360 arrive enfin sur PC. Mais au final, c'est avec le même arrière-goût d'amertume que je l'ai parcouru. Ce goût si particulier, d'une frustration délicatement assaisonnée d'un soupçon de déception. Le faible contenu n'y est certainement pas étranger, mais à lui seul n'y suffirait pas. On pourrait lui ajouter une esthétique aromatisée à la naphtaline, entre émerveillement et désuétude, ainsi qu'un gameplay solide mais entâché d'une once de véhémente rigidité. Serait-il pour autant raisonnable de bouder notre plaisir de vivre une expérience d'une rare intelligence ? Absolument pas ! Car Braid est un de ces jeux exceptionnels dont on ne peut admettre la moindre fausse note. Chaque frustration ne se nourrit que de l'amertume de n'avoir de telles expériences plus souvent.
28 avril 2009 à 11h03

Par

Points positifs

  • Une expérience intense & valorisante
  • Une mécanique de jeu prenante
  • Quel level-design !!
  • Moins de 15 euros... Vous le croyez ça ?!

Points négatifs

  • Une aventure courte, très courte, trop courte
  • La rigidité du gameplay parfois envahissante
  • Quelques ratés dans la cohérence graphique
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