Test : Blue Dragon - Xbox 360

Blue Dragon - Xbox 360
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Deuxième représentant de la vague du RPG – à la conception typiquement nipponne – débarquant sur Xbox 360, après donc un Enchanted Arms plaisant, mais pas exceptionnel, Blue Dragon aura au moins suscité l'admiration et l'envie durant sa période de développement. En effet, le produit du tout nouveau studio Mistwalker propose une expérience dirigée de main de maître par une pléthore de "stars" ayant élevé le genre du Role-Playing Game au rang d'incontournable. Voyons donc de quoi il en est vraiment.
Hironobu Sakaguchi à la production, Akira Toriyama au design de l'univers, Nobuo Uematsu à la composition, indéniablement, Blue Dragon affiche sur le papier du beau, du très beau monde. Mais ce projet, "exclusivité" Xbox 360 (pour l'instant peu d'informations ont filtré correspondant au contenu de la future version DS) et premier soft d'un studio toujours dans ses balbutiements, prend parti à une certaine continuité dans le genre du RPG, rendant sa première copie forcément -trop ?- classique, surtout pour un soft se retrouvant, malgré lui, porte-étendard du genre sur console de nouvelle génération. Cependant, Blue Dragon n'en devient pas forcément condamné, le titre possède de nombreuses qualités, la seule déception naît du fait de constater que ces génies, une fois rassemblés, n'ont pas osé tenter un gros coup, préférant se faciliter la tache via une conception banale du jeu, évitant donc les ennuis. Bien que dans ce cas, les soucis furent sûrement plus d'ordre financier, que créatif.

L'entame soporifique

Blue Dragon donc, classique au possible, inscrit sa trame en prenant ses bases dans le genre du roman d'apprentissage, mettant alors en scène un ou des personnages, au début de leurs épopées ignorants, mais assimilant au fur et à mesure des valeurs qui conditionneront leurs vies. Et sur ce point, aucun véritable effort est à créditer au studio Mistwalker, les personnages principaux étant des archétypes, à l'image de Shu, petit orphelin éduqué par son grand-père, mais déjà vaillant et concerné par l'avenir de son petit village de Talta où résident ses deux amis Kluke (elle aussi orpheline) et Jiro, qui, eux aussi, ne vont guère plus loin dans la profondeur des protagonistes : Jiro est la figure de l'intello introverti, Kluke celle de la petite fille sentimentale. L'élément perturbateur, du coup, introduit forcément le grand méchant, et c'est en tentant de sauver leur village des assauts d'un "requin terrestre" que nos jeunes héros seront embarqués dans les prémices d'une aventure visant à botter les fesses de Nene, le vilain ayant construit le requin en question, dans le but de régner sur le monde, semer la terreur toussa… Les cut-scenes le mettant en scène sont d'ailleurs particulièrement ridicules, comme si les développeurs tenaient à toujours prouver sa méchanceté, au cas où un pauvre joueur se serait soudainement pris d'affection pour ce vieux crouton violet. Du coup, avec une attaque aussi molle, difficile d'accrocher dès les premiers instants, et à la manière (bien qu'en beaucoup moins lourd) d'un Dragon Quest VIII, la résistance à l'entame soporifique sera récompensée après une bonne dizaine d'heures de jeu, avec l'accélération de la trame narrative, vers un suspens plus établi. A vous de le découvrir.
Enfin, heureusement, entre-temps, les héros adolescents auront découvert l'essence même de leurs pouvoirs via une pirouette scénaristique pas forcément de très bon goût, mais qui au moins lance le jeu : l'avalement d'une sphère lumineuse, fait dicté par une voix inconnue, mais visiblement très déterminante. Après ce geste empli de bon sens, nos ados développeront donc une sorte d'aptitude à la magie caractérisée par une ombre bleue animale. Là est toute la différence, car seule l'ombre combat, maîtrise la magie, les sorts, et tout le bouzin. Et, les protagonistes restent, eux, des enfants à la force physique dérisoire, mais aux intentions du coup saines, et vertueuses, et c'est ce qui causera l'unique subtilité de la trame narrative. Rien de bien lourd, ni de philosophique. Blue Dragon n'en demeure pas pour autant un mauvais jeu, son scénarii, bien qu'enfantin et caricatural, se laisse jouer, indubitablement, mais ne comptez pas y trouver quelque scène culte de forte émotion, ou un retournement de situation diabolique. Tout avance doucement, les péripéties se devinent aussi facilement que la fin de Seven, au point que le titre de Mistwalker pourrait du coup s'apparenter à l'un des premiers "RPG pour enfant". Et la facilité déconcertante (de base, le patch proposant le mode Ultra-dur ayant à peine débarqué chez nous) qu'il propose est loin de me porter préjudice.

Mon rap est un rap classique, un rap haut de gamme

Oui, Blue Dragon est "facile", les combats ne demandent pas d'être un fin stratège pour triompher, et les plus intenses réflexions que propose le jeu sont aussi complexes que "c'est un monstre de Feu, je dois donc l'attaquer avec de l'Eau, non ?". Pour faire simple, les affrontements se déroulent au tour par tour, sans une jauge ATP quelconque, allez, à la manière d'un Final Fantasy 10, avec la liste des intervenants et leur prochain tour clairement affichée. Les ombres se différencient néanmoins par leurs facultés diverses, et interchangeables à volonté : Magicien Noir, Gardien, Généraliste, Moine, Assassin, Magicien Blanc, Maître Epéiste… Et le fait d'en utiliser constamment qu'une seule fait monter son "Rang", et développe des capacités à utiliser en combat. Ainsi, lors des batailles, chaque personnage possède sa propre capacité, oui, bon, comme dans tous les RPG au monde, on sait. Pour en revenir à FF10, il ne faudra pas attendre de Blue Dragon un rythme aussi effréné, les attaques étant extrêmement lentes, bien que non réfléchies, et on ne comprend pas toujours comment s'articule la gestion du tour par tour, entre les charges et les ennemis qui attaquent deux, trois fois de suite sans aucun justificatif. Les charges justement, se manifestent par l'apparition d'une barre montant qu'il faut stopper à un endroit précis, pour que l'attaque soit délivrée à pleine puissance. En contrepartie, le personnage mettra plus de temps à la lancer, et donc se verra décalé sur l'axe des tours. Une fois maîtrisé, cet élément de gameplay offre vraiment un côté stratégique aux combats, qui n'étaient alors limités qu'à du "attaquer – attaquer – attaquer", et qui désormais passent à… "attaque chargée – attaquer – attaque chargée". C'est déjà ça. Surtout que les oppositions s'avèrent carrément faiblardes : jamais, dans la progression principale, on n'est inquiété par des problèmes de Game Over. Nul besoin de s'entrainer pour augmenter de niveau, le joueur est toujours une sorte de Gros Bill invincible possédant toujours l'avantage, et ça, à force -même si, contradictoirement, personne n'aime perdre- c'est vraiment chiant.
Dans un style proche de quelques RPG que je ne connais, Blue Dragon ne propose pas vraiment de combats aléatoires car les monstres sont visibles à l'écran lors des phases d'exploration. Dès lors, la façon dont vous les engagez détermine complètement le déroulement de la bataille, enfin, de manière logique. C'est-à-dire qu'un ennemi vous repère une fois entré dans son champ de vision, dans ce cas, il peut vous attaquer, ou fuir s'il ne se sent pas à la hauteur. Dans le premier cas de figure, il commencera le "vrai" combat, avec même quelques tours d'avance. Alors que si vous l'aviez attaqué en premier, sur la carte, tout aurait été autrement. De plus, il est aussi possible d'engager dans le dos, pour ensuite bénéficier d'un bon nombre de tours d'avance, ou d'attaquer plusieurs monstres si situant près de vous, créant, quelques fois, des "combats de monstres" ou tout le monde se tape littéralement dessus. Par exemple l'ennemi A contre vous, et l'ennemi B contre l'ennemi A. Jouissif. On ajoutera aussi que certains sorts peuvent être utilisés sur la/le carte/donjon et possèdent des caractéristiques avantageuses : comme le bouclier qui vous protège des attaques, l'invisibilité, des appâts/repoussants… Sinon, pour tout le reste, tout est classique, les accessoires par exemples, de plusieurs catégories, s'achetant chez l'armurier, ou pouvant être fabriqués avec des objets précis, les sorts en trois catégorie de puissance, les donjons à arpenter menant au Boss… Toute cette routine qui vous sera proposée pendant une cinquantaine d'heure, et 3 DVD (merci aux cinématiques en 1080p).

Et encore, cette fois-ci, rien à voir avec tout ça, mais un truc exceptionnel : dans Blue Dragon, tout peut être fouillé, absolument tout, entre les cailloux, toutes les sortes de rangements… Et on y trouve des choses ! Pourtant, c'est un calvaire. Le fait de constater qu'on puisse trouver des items dans les détails des environnements force à tout fouiller, de fond en comble, on y passe des heures, de peur de rater l'objet qui tue… Un supplice, une torture…

In Michel Leeb we trust

Si l'univers bon enfant, assurément gnangnan, peut sans vergogne répugner les aficionados d'hémoglobine et de lacérations, il faut bien avouer que l'atmosphère générale de Blue Dragon est assez plaisante, apaisante et à la fois mystérieuse. Le style graphique volontairement épuré prend alors tout son sens et laisse découvrir au joueur un monde opposant la majestueuse nature aux sévices que peut lui faire subir l'Homme, enfin son plus vil représentant, Nene. C'est donc dans ce sens que le soft tranche, par intermittence, entre des colorations très chatoyantes, que ce soit dans les villes, ou les donjons, pour subitement proposer des environnements glauques, sombres, mais jamais de mauvais goût, lorsque, forcément, l'atmosphère se corse. Cette conception à double-tranchant fait alors office d'indéniable appât à l'immersion, bien que, malheureusement, elle ne se manifeste pleinement qu'après une bonne quinzaine d'heures de jeu, qui auront donc vraiment du mal à passer si on ne possède pas ce petit côté "cul-cul", leitmotiv de l'aventure. Après, le jeu est beau, cohérent à son univers, plutôt. Et il est impossible de critiquer le manque de détails flagrant des textures, autant sur les personnages que sur tout le reste, en prenant en compte du fait que tout est volontaire de la part des développeurs. Heureusement, pour se délier un peu la langue, on pourra vraiment pester sur l'optimisation douteuse du titre, qui rame complètement lors des combats quand les protagonistes demandent le soutien de leurs ombres protectrices. Et sans oublier les quelques problèmes de caméra qui viendront souiller l'expérience de jeu, notamment sur la carte du monde, où le point de vue est tout bonnement affreux et ne permet pas du tout de voir à plus de 50 mètres devant soi. Sympa pour s'orienter…
Côté son, N. Uematsu reste fidèle à ses habitudes et confirme que son talent est loin d'être sur la pente descendante. Ses compositions sont à l'image de l'atmosphère du jeu : enchanteresses, célestes, affriolantes mais surtout classiques. Et contrairement au gameplay, le traditionnel de la bande-sonore ne terni pas une seconde les sensations manette en mains, mais au contraire s'y marie avec perfection. Ce qui n'est pas le cas des doublages… Complètement ratés, qu'ils soient en VF, en version Anglaise ou même Italienne, surtout que les voix Japonaises ont été amputées de la version finale au dernier moment (elles ne sont par exemple bien présentes sur la béta Française). En un mot, c'est fade. Raté, simplement, les différences de tonalités sont rares, les timbres ne collent pas du tout avec les personnages (le mec qui double Shu dans la version Anglo-Saxonne doit juste avoir 30 ans de plus que le héro du jeu…) et on regrette vraiment qu'une telle facette du jeu ait pu être bâclée à ce point.
Peut-être avons-nous trop attendu de Blue Dragon ? Peut-être pas assez ? Dans tous les cas, le soft de Mistwalker demeure un bon jeu, doté d'une excellente atmosphère sonore et visuelle, mais au scénario trop simpliste, engendrant une aventure indéniablement molle sur le plan de l'action. Les combats confirment quant à eux la volonté des développeurs de proposer un titre classique, et personne ne sera dépaysé par ce gameplay abondement rudimentaire, où les affrontements ne durent jamais longtemps, et que leveller n'a quasiment aucun sens. Néanmoins, tenter l'expérience Blue Dragon vous garantira quelques bonnes heures de plaisir, sans prise de tête particulière, pour s'abandonner à un compte banal mais maîtrisé, et l'apprécier.
31 octobre 2007 à 18h26

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Points positifs

  • Univers chatoyant
  • Musique splendide
  • Aucune prise de tête

Points négatifs

  • Mou du genou
  • Un peu trop classique
  • Gnan-gnan
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