Sensé offrir des lettres de noblesses à un genre peu inspiré sur consoles,
Black réussit quand même l’exploit d’attirer les convoitises des gamers pendant de longs mois. Outre sa réalisation impressionnante, le titre jouissait de la réputation de ses développeurs,
Criterion, comme un gage de bonne qualité. Et que dire, quand, une fois la bête sortie, on ne se retrouve que devant une vulgaire production digne d’un studio de développement slovakistanais. Bref, autant le dire tout de suite,
Black est un pétard mouillé, un coup d’épée dans l’eau, un belge qui n’aime pas les frites, même si ses qualités sont nombreuses. En espérant un grand titre, nous avons juste réuni un amas de rancoeur, prêt à exploser si le soft d’
EA se révèlerait être une bouse, il est donc inutile de dire que ça va saigner.
/!\ Ce jeu peut engendrer de graves séquelles sur votre cerveau /!\
John Kellar, tel est votre patronyme désormais, vos souvenirs sont ponctués de missions top secrètes effectuées pour une organisation prêchant la poudre à fusil plutôt que le drapeau blanc, et même votre propre paternel vous renie, préférant s’envoyer en boucle les derniers Marc Dorcel. C’est avec une certaine surprise qu’on découvre le héros enchaîné, sortant sûrement de cellule, puis interrogé longuement par un vieillard pas très farouche. En gros,
Black ne fait pas dans la dentelle, le scénario se vit donc à l’envers, c'est-à-dire que les faits se sont déjà déroulés, et que John, un peu comme dans
Prince of Persia, raconte son histoire à son interlocuteur, vous laissant vivre les scènes d’action, pad en mains. Les scènes cinématiques sont donc assez subtiles, réelles, jouées par de vrais acteurs, ce qui donne un ton très mature au soft d’
EA. Le tout est filmé d’une façon très sombre, les plans veulent vraiment instaurer une certaine instabilité, voire incompréhension du spectateur. Ce qui est visiblement réussi, mais pas dans le domaine escompté puisque c’est le scénario lui-même qui est impossible à suivre, on ne sait jamais explicitement ce qui se passe, qui est le traître, qui on doit capturer, pourquoi on est la, bref, le bordel.
La somptuosité d’un crâne éclatant sous la douce clarté de l’astre morose
Dans sa conception,
Black est un jeu tout simple, même
DooM premier du nom était abondamment plus technique. Pour arpenter le jeu, seul un bouton et 2 joysticks sont nécessaires, le bouton étant celui de la gâchette, alors que les joysticks serviront à bouger et à viser, stou. On fonce, on tire. Un « concept » marrant les 10 premières minutes puis totalement rébarbatif quand la conscience morale revient au galop. Au moins, ceci présage que la prise en main est immédiate, et ce n’est pas faux.
Black est donc nerveux à souhait, tout a été fait pour que les niveaux pètent de partout, les barils explosifs sont surreprésentés, les balles fusent de tous sens, une vraie guerre à l’américaine. Même les clichés des vieux films d’actions sont respectés, les chargeurs n’ont jamais étés aussi bourrés (90 balles dans un chargeur non modifié d’AK-47, faut le faire quand même) et les ennemis jamais autant résistants. Leurs gilets sont quasiment impénétrables si bien qu’il faut environ une trentaine de balles d’un fusil automatique pour en tuer un… Tache qui demeure incroyablement difficile tant la visée est hasardeuse et imprécise. Afin que tous les éléments du mauvais jeu soient réunis,
Black est bien sur incroyablement linéaire, les commandes trop justes empêchent de revenir en arrière (il est par exemple impossible de sauter ou de grimper un muret, donc il suffit de franchir une crevasse pour ne pas pouvoir retourner sur ses pas), aucune gestion des équipiers n’est proposée, et les pseudo phases d’infiltration inspirent le dégoût par leurs navrante lacunes.
Conscients de l’orientation abusivement bourrine de leur jeu, les développeurs ont, dans un élan de bonté pour les joueurs non-psychopathes, tenté d’inoculer à leur titre un intérêt secondaire lors des missions, pour éviter une lassitude certaine. C’est pourquoi on retrouve des tas de minis défis à relever par niveaux, comme des documents top secret à rechercher, des preuves à détruire, des armes à trouver… Collecter tous ces items vous permettront de débloquer divers bonus, allant du niveau de difficulté accru aux nouvelles armes et divers goodies, bref, ça ne mange pas de pain, mais on est loin d’une révolution. En outre, les missions, sont vraiment très longues (et donc assez chiantes à force) dans des environnements assez variés, et même si on ne sait jamais pourquoi on est à tel endroit et pourquoi, il faut avouer que cette diversité est loin d’être déplaisante. Et si l’IA n’avait pas tout gâché, le jeu aurait sûrement été perçu d’une façon beaucoup plus clémente.
Des tas de Mister Bean pixellisés
Bon ok, dans
Black, on passe son temps à tirer sur tout ce qui commet l’enormissime erreur de bouger, on a compris. Mais est-ce pour autant une raison de bâcler l’IA, qui établit de nouvelles références dans l’art du ridicule, tant sa médiocrité est révélée… dès les premières secondes de jeu. Si si, les ennemis ont des vues de taupes, ne comptez pas vous faire repérer faute à votre bruit, ils s’en contre balancent, osez tirer à coté d’eux, ils ne prendront même pas la peine de régir. Lors des gunfights les plus rudes, jamais leur bon sens leur conseillera de se mettre à couvert, c’est pour les paydays ça. Les hommes, eux, ils restent en pleine mire, vidant les chargeurs comme des oufs. En bons troufions, ils ne vous lanceront jamais une grenade, jamais. Du coup, non seulement Black est déjà extrêmement bourrin, alors quand en plus les ennemis sont des idiots sans âme, le jeu s’apparente plus à une simulation de tir aux pigeons plutôt qu’a un FPS nerveux.
Le sang de ce jeu a été fourni par la croix rouge française
Graphiquement, on l’a tous vu,
Black est tout simplement exceptionnel, à un stade jamais vu sur consoles. Le level design est absolument mirobolant, même si l’avancée est spécialement linéaire. Un exemple frappant est inéluctablement l’arrivée dans la fonderie, ou les graphismes sublimes obligeront même le joueur le plus critique à lâcher un « woaw » admiratif. Les textures brillent, tout comme les armes modélisés à la perfection et les effets de lumières sont du même acabit, bref,
Black a vraiment de la gueule. Mais ce n’est pas tout, car absolument tout est destructible, les cartons explosent sous votre feu, les voiturent s’embrasent, tout vole dans tous les sens, du vrai bourrinage, relevant encore un peu plus le niveau technique du jeu de par les explosions hallucinantes de réalisme.
Black est carrément une démo technique, montrant que nos 128 bits en ont encore dans le ventre, et le bougre se permet même de titiller la Xbox 360.
Heureusement, l’équipe de développement n’a pas fait les choses à moitié, et donc en plus de sa réalisation technique,
Black bluffe également grâce à son habillage général, à l’ambiance qui dégage du titre. L’intro du jeu ne fait que de confirmer ces dires : un écran totalement noir, des noms apparaissant au fur et à mesure, sous une musique captivante composée par un orchestre philharmonique, le soft d’Electronic Arts laisse sans voix, le ton semble donné et on s’attend logiquement à un grand jeu, que nenni finalement… Car le jeu a de trop nombreux défauts pour tout simplement être un bon FPS, certes sa réalisation est poussée à l’extrême sa bande-son donne des frissons, mais
Black n’a aucune magie, l’absence totale de mode multi devient alors outrageusement préjudiciable, ce qui fait qu’au final,
Black n’a plus grand-chose pour lui… Et ce n’est pas sa ridicule durée de vie qui va rendre le constat moins mordant, loin de là.