Équipement Solide Metallique V : La Douleur Fantôme
Tout commençait si bien... ou presque. L'aventure commence par une séquence de gameplay dans un hôpital qui en met plein les yeux par sa mise en scène, par le biais de petits passages cinématiques en vue à la première personne : on est vite absorbé et un lien d'empathie se crée avec le personnage de Big Boss. Et pour cause, il vient de perdre un bras, a un bout de shrapnel incrusté dans son crâne et se retrouve poursuivi par des forces armées déterminées à le retrouver coûte que coûte. Ce grand prologue scripté d'une heure (qui fait office de tutoriel, et qui est un peu longuet) passe par des moments
what the fuck qui soulèvent de nombreuses questions, et tout cela débouche sur notre première grosse mission... en monde ouvert !
Et oui, pour ce nouvel opus de la série Metal Gear, la structure habituelle de niveaux est chamboulée pour laisser place à un grand terrain de jeu d'infiltration en Afghanistan. Mais nous y reviendrons plus tard. Pour l'instant, on va se concentrer sur le scénario, qui a été sujet à polémique dans les différentes critiques du jeu à sa sortie : contrairement à ses aînés, les cinématiques du jeu ont été considérablement amoindries au niveau de leur durée, laissant l'exposition des personnages et le background historique du jeu dans des cassettes audio, tandis que les actions sont mises en avant par le biais des cinématiques.
Ces dernières sont concises et vont droit au but, tout en restant poignantes par leur mise en scène (presque uniquement en plan-séquence, avec des angles de caméra très maîtrisés), tandis que les cassettes audio (récupérées à la fin de chaque mission principale) peuvent rapidement atteindre les 6 minutes. Un mal pour un bien donc, puisque les cassettes audio peuvent être écoutées à tout moment en pleine mission, évitant ainsi les cinématiques des précédents opus qui pouvaient atteindre la barre des 45 minutes, avec parfois beaucoup trop de dialogues. D'ailleurs, si vous ne voulez pas vous farcir plusieurs heures de cassettes audio, certaines seront signalées comme plus essentielles que d'autres et valent vraiment le détour.
Un bras gauche mécanique... pour bien s'amuser le soir sans se fatiguer
La composante open-world n'est pas la seule nouveauté apportée par ce nouvel opus. Même si l'aspect monde ouvert est très bien ficelé ici, le gameplay l'est d'autant plus puisqu'il laisse au joueur la possibilité d'infiltrer les postes de commandement comme bon lui semble, que ce soit en mode folie furieuse et en annihilant tous ses ennemis sur son passage (à couvert ou complètement à découvert), ou en toute discrétion en endormant les soldats. Les chemins pour accéder à une même base sont multiples et donnent des résultats différents à chaque fois, et il y a même une composante jour/nuit avec l'implémentation de la météo : en infiltrant une base, les patrouilles seront différentes de nuit et de jour, et le champ de vision des ennemis en sera forcément affecté. Il en sera de même lorsqu'il y aura aléatoirement des tempêtes de sable ou de fortes pluies, qui représentent des avantages non négligeables pour le joueur qui pourra s'offrir le luxe d'être un peu moins discret qu'à la normale.
Par ailleurs, comme dans tout jeu en monde ouvert de nos jours, il y a une distinction entre des missions principales et annexes, mais c'est là que ça commence à coincer : comptez environ une bonne quarantaine de missions principales, mais plus de 150 missions secondaires. Cependant, certaines missions principales ne vont à priori pas développer le scénario, tandis que certaines missions secondaires sont importantes au développement de celui-ci et débloquent des missions principales. C'est un peu le bordel, mais on s'y retrouve quand même un peu.
Mais ça c'était pour les aspects généraux de gameplay : pour ce qui est du peaufinage, les équipes d'Hideo Kojima ont rajouté pas mal de petites nouveautés, comme le bras mécanique qui offre des minis "pouvoirs" (qu'on vous laissera découvrir en jeu), le mode réflexe qui ralentit le temps lorsqu'un ennemi vous repère (une option qui facilite un peu le jeu, mais qui peut être désactivée) et l'extraction par ballon fulton introduite dans Peace Walker qui permet de rapatrier des soldats ennemis dans sa propre base pour former son armée de mercenaires. On rajoute à cela la possibilité de s'essayer aux différentes missions du jeu avec des compagnons de route, chacun ayant des avantages en terrain, ce qui peut s'avérer assez utile dans les missions plutôt corsées.
Par contre, ce qui est vraiment cool, c'est la possibilité de gérer sa propre base de soldats récupérés sur le terrain et qui rejoignent les rangs de Big Boss : c'est dans la continuité de Peace Walker mais, contrairement à ce dernier, on pourra la visiter, voir les différents soldats, et même trouver quelques easter eggs non négligeables. Le joueur devra aussi régulièrement retourner sur sa base, pour y voir quelques cinématiques et augmenter le moral de ses soldats en allant les voir un par un (parce que les soldats peuvent en venir aux mains entre eux si le moral tombe trop bas, ou si l'économie n'est pas stable). Récupérer des soldats sur le terrain en les fultonnant après les avoir endormis au préalable a une réelle importance puisque cela permettra d'augmenter ses ressources matérielles, mais aussi de développer des améliorations pour ses armes et équipements divers.
"V has come to."
Tout ce gameplay est bien sûr mis à profit tout au long du jeu, qui dure pas moins d'une bonne soixantaine d'heures : constitué d'un prologue et de deux chapitres bizarrement équilibrés (on y reviendra plus tard), on va passer le clair de son temps à faire des missions d'infiltration de bases ennemies, d'extraction de prisonniers ou d'ennemis très compétents ou même de destruction de véhicules. Si les principes de base des missions restent parfois les mêmes, le jeu se renouvelle en les plaçant à des endroits différents de la carte : il y a deux grandes maps, l'une située en Afghanistan, l'autre en Afrique, ce qui permet de renouveler un peu les décors et les ennemis. Malgré la grande durée de vie du jeu, on ne s'en lasse pas grâce au scénario qui tient en haleine et au gameplay très bien ficelé, aidé par l'IA vraiment maîtrisée !
Pour ce qui est de la bande-sonore, elle est encore une fois de très bonne facture : même si on n'entendra que très peu le thème principal de la série, cela laisse place à de nouvelles compositions et à un nouveau thème "V has come to", vraiment convaincant et ayant de nombreuses variations en fonction des différentes situations offertes par les cinématiques. Le thème chanté, "Sins of the Father", est aussi très bien composé puisqu'il dégage une grande puissance et représente parfaitement le personnage de Big Boss. Le reste de la bande-originale du jeu est du même niveau, l'instrumentalisation correspondant bien aux environnements traversés, et s'adapte même en fonction des actions du joueur, selon le niveau d'alerte des ennemis : ce lien entre la musique et le gameplay renforce l'immersion du joueur pour son plus grand bonheur, et ça, c'est pas négligeable !
Et les attentes des fans dans tout ça ?
Présenté pour la première fois en décembre 2012, il se sera passé presque trois ans avant que les joueurs puissent mettre leurs mains sur le jeu. La promotion de Metal Gear Solid V : The Phantom Pain aura presque duré autant, avec de nombreux retournements de situation (notamment au niveau du titre du jeu), des trailers bien ficelés et montrant une mise en scène rocambolesque, et des présentations de gameplay du jeu qui le présentaient en long, en large et en travers. Des fans auront même émis de nombreuses théories en fonction de ceux-ci afin de prendre leur mal en patience. Il s'agit quand même de l'opus qui fait le pont entre l'histoire de Big Boss et celle de Solid Snake, censé apporter bon nombre de réponses, mais il s'agit aussi du chant du cygne de Hideo Kojima, qui signe à priori (sans mauvais jeu de mots) le dernier Metal Gear dirigé par ses soins, après avoir été aux commandes pendant plus de 25 ans.
Il y avait de quoi être enthousiaste : MGSV allait un peu briser la tradition des niveaux en proposant un gameplay à monde ouvert sur des cartes gigantesques, les fonctions de gestion de Mother Base de Peace Walker revues et améliorées, et un scénario qui promettait de laisser plus d'une personne sur le cul. Malheureusement pour bon nombre de fans, les ambitions du jeu ne sont réalisées qu'à moitié : la promotion aura peut-être été trop extensive d'une part (tous les compagnons de missions et toutes les cartes du jeu ont été montrées), mais d'autre part le jeu laisse le joueur sur sa faim. En effet, le premier chapitre, comportant 30 missions environ (dont certaines qui font du remplissage), est plus fourni que le second qui se contente de 20 missions, dont une dizaine reprises du premier chapitre dans une difficulté supérieure et qui débouche sur une fin ouverte.
Les fans auront aussi reproché le manque d'environnements intérieurs, de très grosses bases à infiltrer, et de quelques mécaniques de gameplay qui auraient pu être améliorées (impossible d'aller en hélicoptère d'un endroit à un autre de la carte sans passer par le hub du jeu, ou alors les plates-formes très éloignées les unes des autres sur la Mother Base). Mais globalement, niveau gameplay, on reprochera surtout qu'il n'y ait "que" deux grosses cartes (on aurait kiffé aller à un endroit différent le temps d'une mission) et que le système d'invasion de bases en ligne soit un peu bancal pour certains. Certaines promesses n'ont d'ailleurs pas été tenues : Kojima avait affirmé que l'on revisiterait Camp Omega de Ground Zeroes et que la manière dont ça se ferait n'avait jamais été faite auparavant dans un jeu vidéo.
Niveau scénario, le fan exigeant n'est pas vraiment satisfait puisqu'il y avait encore beaucoup de choses à explorer dans l'univers de la série et des personnages à rencontrer : tout ceux qui étaient dans les trailers du jeu seront les seuls que vous allez rencontrer, ni plus ni moins. Mais le plus étonnant, c'est qu'on a l'impression qu'une très large partie du contenu a été retirée du jeu : c'est normal pour un jeu de cette envergure, mais lorsqu'on lance le disque de bonus compris dans l'édition collector, on se retrouve face aux ébauches d'une mission n°51 qui finissait un arc entamé dans le jeu de base et qui était vraiment très prometteuse. De même, en explorant les fichiers du jeu, on peut trouver des restes d'un chapitre 3 et des textures non utilisées de personnages phares de la série. Tout cela laisse un goût très amer dans la bouche du joueur qui attendait ce jeu comme le messie, et c'est une sensation renforcée par la dernière mission du jeu intitulée "Truth" (déblocable sous certaines conditions) qui aura déplu à bon nombre de joueurs. Celle-ci (sans trop en révéler) va briser le quatrième mur et répondre à l'un des gros mystères de la série, et en découle de nombreuses interprétations philosophiques. Mais on a l'impression qu'elle a été mal ficelée, rajoutée comme un cheveu sur la soupe, et qu'il manque d'une conclusion digne de ce nom.