Test : Red Dead Redemption 2 - Xbox One

Red Dead Redemption 2 - Xbox One
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Huit ans, c'est le temps qu'il a fallu attendre pour nous replonger dans les aventures du gang Van Der Linde. Mais c'est aussi le temps qui a été nécessaire à Rockstar pour nous livrer une suite (ou plutôt un préquel ici) digne de ce nom. Car passer après un jeu aussi culte et marquant que le premier Red Dead Redemption pose deux problèmes majeurs. Le premier concerne les développeurs, qui ont pour mission de faire au moins aussi bien que pour le titre cité ci-dessus. Ce qui est loin d'être une mince affaire. La seconde problématique nous concerne directement. Il s'agit de la gestion des attentes. Après 8 longues années d'attente, notre souvenir des moments passés aux côtés de John Marston s'est déformé, idéalisé. Et Rockstar étant extrêmement doué pour faire monter la hype à des niveaux stratosphériques, ne pas être déçu par Red Dead Redemption 2 devient une mission quasiment impossible. À moins que le dernier-né de Rockstar soit à la hauteur de ces folles exigences. Et c'est précisément ce que nous allons vérifier ici.

Test effectué à partir d'une version PS4


RDR2

Mais commençons par contextualiser les événements du jeu. Ce dernier se déroule quelques années avant le premier Red Dead Redemption. Nous y retrouvons donc le gang Van Der Linde au grand complet. Cela inclut des visages connus, comme Bill Williamson et Javier Esposito, mais surtout John Marston et toute sa petite famille. De nouvelles têtes font aussi leur apparition, comme Arthur Morgan, dont nous suivons les aventures ici. Le titre relate la fuite en avant du gang, traqué par les forces de l'ordre après un braquage ayant mal tourné. L'agence Pinkerton, principal antagoniste de cette aventure, repousse Dutch et ses hommes toujours plus vers l'est,  vers une civilisation moderne s’apprêtant à conquérir tout le territoire. Une société où les as de la gâchette ont été remplacés par les criminels en col blanc. Une société qui ne veut plus d'eux. Nous trouvons là l'une des deux principales thématiques de cet épisode : la nécessité de s'adapter à un monde en perpétuelle évolution. Et que se passe-t-il si on la refuse ? Sans entrer dans les gros spoilers, la réponse apportée par Houser et ses hommes est des plus pessimiste, le titre montrant le groupe s'étioler, lentement mais sûrement, au fil de l'aventure.

RDR 2

L'autre grosse thématique du jeu est la famille. En effet, Dutch gère son gang comme une grande famille, dont il est le père. Hosea, plus posé et réfléchi que son vieil ami, fait office de figure maternelle. Quant à Arthur, il tient le rôle du grand frère. Tout le monde l'écoute, et c'est lui qu'on va voir en cas de besoin. Le jeu vous permet d'observer l'évolution des relations au sein de cette cellule familiale, au fil du temps. Les coups durs se multipliant, ces dernières vont, tour à tour, se tendre et se réchauffer. La question ici est de voir jusqu'où les protagonistes sont prêts à aller pour sauver les leurs. Et si ils vont y parvenir. Les fans du premier Red Dead Redemption connaissent déjà la réponse à cette deuxième question.

Le jeu s'attarde également sur une autre cellule familiale, plus intime. Il s'agit du trio formé par John, Abigail, et leur fils, Jack. Cette histoire est plus en retrait, n'étant pas au centre de l'intrigue du jeu. Mais via quelques scènes auxquelles vous pourrez assister au campement, vous verrez les liens entre ces trois là se resserrer, avec un John Marston apprenant à assumer son rôle de père. Bien sûr, le titre ne s'arrête pas à ces deux thématiques là, abordant également des sujets comme le racisme, l'esclavage, ou encore le droit des femmes. Autant de sujets inhérents à la naissance des États-Unis tels qu'on les connaît aujourd'hui.

The poor (not so) lonesome cowboy

Si l'histoire et les thèmes abordés sont intéressants, c'est la qualité de l'écriture qui nous a accroché. Les dialogues sont tout simplement exceptionnels, alternant punchlines hilarantes et confessions plus intimes. Ici, chaque ligne de dialogue vous donne des informations sur le monde qui vous entoure, le background de votre interlocuteur ou son état d'esprit. C'est d'autant plus frappant dans le campement, où vous pourrez surprendre des bribes de conversations. Ces dernières vous donneront un aperçu de l'état d'esprit général du groupe. Si bien que vous pourrez sentir la tension ambiante monter au fur et à mesure que la situation se dégrade.

Cela s'applique aussi au reste du monde de Red Dead Redemption 2. Mieux, les PNJ se rappelleront de vous. Lors de votre passage à Valentine, par exemple, vous serez pris dans une bagarre de saloon, durant laquelle vous tabasserez violemment l'un de vos assaillants. Les habitants de la ville réagiront à votre égard en fonction de cet événement. Et vous pourrez entendre des petites réflexions comme : “Qui êtes-vous venu tabasser aujourd'hui ?” Bien sûr, ces réactions peuvent aussi être positives, comme un habitant qui vous offre l'objet de votre choix, quelques temps après que vous lui ayez donné un coup de main.

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Mais l'écriture, outil aussi formidable soit-elle, ne fait pas tout. Et Rockstar le sait bien. Le jeu offre donc une mise en scène très soignée. Si le début enneigé de l'aventure vous rappellera Les 8 Salopards de Tarantino, le jeu fait preuve d’un savoir-faire propre en terme de mise en scène, à même de faire pâlir les plus grandes productions hollywoodiennes. La deuxième attaque de train en est le parfait exemple. Sans en faire des tonnes, les gars de Rockstar parviennent à un résultat oscillant entre le convaincant et l’époustouflant. Malheureusement, cela ne marche pas à tous les coups non plus. Ils ont essayé de nous refaire le coup du Mexique (dans un lieu et un contexte totalement différents) sans parvenir à créer la moindre charge émotionnelle. Ceci étant dit, ces exemples sont rares.

Les questions de l'écriture et de la mise en scène étant réglées, il reste celle d'Arthur. Est-il aussi charismatique et intéressant que le fût John Marston en son temps ? La réponse est oui. Si son design, plus lisse, pouvait laisser deviner un personnage transparent, il n'en est rien. L'homme a ses doutes et ses fêlures, que vous aurez l'occasion d'explorer via diverses missions. Le personnage s'épaissit très vite, pouvant se montrer tour à tour attachant et impitoyable. De plus, son parcours ne manquera pas de vous émouvoir. De façon générale, aucun personnage de cette aventure ne vous laissera indifférent, que vous les trouviez adorables ou détestables. En cela, Red Dead Redemption 2 est une grande réussite. La seule chose regrettable étant que certains d'entre eux sont sous-exploités. C'est notamment le cas de Sadie, totalement transparente durant la première moitié de l'aventure.
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Looking for Gavin

Mais avant d'être une aventure, Red Dead Redemption 2 est un monde, vaste, varié et cohérent. Il propose des environnements divers, allant des pâturages de New Hanover à la cité industrielle et poisseuse de Saint Denis. Ce monde est habité par une population très hétérogène. Ce qui se traduit par une variété incroyable d'accents, un véritable bonheur pour les oreilles. Et selon la région que vous visitez, ce sera un accent différent qui sortira du lot, comme le français à Saint Denis (mention spéciale pour Charles Chatenay, tout simplement hilarant).

Chaque environnement bénéficie d'une ambiance propre, grâce au soin ahurissant qui a été porté au design, ainsi qu’à l'éclairage et l'étalonnage des couleurs. Mais, surtout, le monde de RDR 2 est plein de vie. Le titre de 2010 avait déjà réussi cela avec le désert de New Austin et du Mexique. Mais cet épisode est beaucoup plus varié dans ses environnements, ce qui implique davantage de variété dans la faune et la flore également. Partant de ce postulat, les équipes de Rockstar ont poussé le nombre d'espèces animales présentes sur la map d'un peu plus de 40 pour RDR à plus de 200 pour RDR 2. Bien sûr, ces animaux ne restent pas plantés là, attendant que vous les abattiez. Ils vaquent à leurs occupations. Et le constat est le même pour les PNJ que vous croiserez. Vous les verrez travailler, chasser, pêcher, boire un coup ou jouer au poker. De plus, comme son prédécesseur, Red Dead Redemption 2 propose des rencontres aléatoires. Qu'il s'agisse d'une personne à aider ou d'une embuscade, ces rencontres viennent ponctuer vos longues chevauchées, y ajoutant une dose d’inattendu.

Et ce n'est pas du luxe, tant la map de RDR 2 est vaste. Si le titre vous propose trois systèmes de voyage instantané, les utiliser c'est prendre le risque de passer à côté d'une rencontre ou d'une découverte fortuite. De plus, il serait dommage de ne pas profiter des incroyables panoramas que propose le jeu. À titre personnel, après avoir bouclé la campagne principale et la majorité des quêtes secondaires, je ne les ai pas utilisés une seule fois.

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Mais ce n'est pas tout de proposer un monde immense et vivant. Encore faut-il le remplir d'activités pour le joueur. Et nous sommes bien forcés d'admettre que Rockstar a mis les petits plats dans les grands. Les missions de chasseur de primes sont de retour. Plus travaillées, elles disposent d'un background plus riche et franchement intéressant dans la plupart des cas. Lorsque vous récupérez un avis de recherche, il est même possible d'interroger le shérif local pour en savoir plus sur le criminel en question. Cela ne change rien à votre approche de la mission, mais cela donne un contexte, et donc un sens, à vos actions. De même, lorsque vous débusquez votre cible, celle-ci est systématiquement mise en scène dans une situation bien spécifique. Sans parler du fait qu'elle se montre particulièrement bavarde, une fois ligotée sur votre cheval.

Tous ces éléments, mis bout à bout, donnent le sentiment d'un monde vivant, peuplé de gens réels, ayant chacun sa propre histoire. D'ailleurs, au fil de notre aventure, nous n'avons pas rencontré deux PNJ ayant la même tête. Ce qui renforce encore davantage ce sentiment. Les inconnus sont aussi de la partie, offrant des missions souvent plus farfelues que ce que propose le titre en général. Ce sont de véritables bouffées d'air frais, dans un jeu au ton résolument pessimiste. En terme de mini-jeux, le poker, le Blackjack et le jeu du couteau sont rejoints par les dominos. Disponible en plusieurs variantes, ce jeu est étonnamment prenant. Et, comme pour les autres mini-jeux, vous vous surprendrez à y perdre une heure ici et là.

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Mais l'activité qui occupera la plupart de vos heures passées à New Hanover et ses environs, c'est la chasse. Que cela soit pour améliorer votre campement, obtenir de nouvelles tenues, ou, tout simplement le plaisir sadique d'ôter la vie à une pauvre créature innocente (n'est-ce pas Shauni), vous passerez énormément de temps à crapahuter dans la pampa, armé de votre fusil et de votre couteau, à la recherche de votre prochaine victime. Rockstar a d’ailleurs implémenté de nouvelles mécaniques à cet effet, à commencer par l'œil de lynx. Cette feature vous permet de mettre en évidence les formes de vie et les objets intéressants. Elle rend aussi les odeurs visibles et identifiables, vous facilitant ainsi la traque. Mais tuer l'animal désigné ne suffira pas. Afin que les peaux soient utilisables, il faut que votre cible soit en bonne condition et abattue proprement, avec une arme appropriée. Car si vous tuez un lapin avec votre fusil à pompe, il n'en restera pas grand-chose d'exploitable… En fait, il n'en restera pas grand-chose tout court. Il en résulte un hobby plaisant, et plus technique qu'il n'y paraît. Dans cet épisode, il est également possible de pêcher. Bien fichue, cette activité pourra aussi vous occuper un long moment, pour peu que vous y accrochiez.
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Le rythme du sud


Il est temps d'aborder le sujet qui divise : le gameplay. Si Red Dead Redemption 2 reprend les mécaniques basiques de tout bon jeu de tir qui se respecte, certaines critiques pointent la lourdeur du personnage, donnant l'impression d'être aux commandes d'un tank. Et c'est vrai. Comparé à d'autres titres, Arthur est lent et lourd. Mais nous ne sommes pas dans Call of Duty, ou n'importe quel autre jeu de tir classique, aussi bon soit-il. Même si il en propose beaucoup, Red Dead Redemption 2 ne se focalise pas sur l'action, mais sur ses personnages. Il a pour but de vous mettre dans la peau d'Arthur Morgan. À ce titre, il s'attarde sur une multitude d'éléments habituellement secondaires dans les jeux d'action, et les open-world en général. Il est, par exemple, possible d’interagir avec la totalité des PNJ que vous croiserez, autrement qu'en leur tirant dessus.

Cela passe aussi par un nombre incalculable d'animations contextuelles. Certains trouveront que cela alourdit inutilement le gameplay. Mais nous faisons parti de ceux qui pensent que cela augmente considérablement l'immersion. Dans certains cas, cela ajoute même de la tension au titre. Si le rechargement des armes fait évidemment parti de ces moments, la simple fouille d'un corps peut vous apporter des problèmes, un PNJ pouvant passer par là, vous voir et signaler le crime. Et c'est d'autant plus important que Red Dead Redemption 2 met l'accent sur le roleplay. Il est donc logique qu'il s'applique à simuler les différents aspects de la vie de cowboy le plus fidèlement possible. Forcément, cela induit un rythme plus posé, qui frustrera les joueurs en quête d'adrénaline. RDR 2 n'est pas un jeu qui se rushe, comme on peut le faire avec un GTA. C'est un jeu qui s'explore, se contemple. En fait, Red Dead Redemption 2 est l'anti-GTA par excellence.

Ce qui n'empêche pas Rockstar de nous offrir des scènes d'action dantesques. Le titre a même tendance à partir trop dans les gunfights, ces derniers concluant la quasi totalité des missions principales, quitte à ce que cela fasse artificiel. Ceci étant dit, cela nous permet d'apprécier les excellentes sensations qu'offre le jeu à ce niveau là, malgré un système de couverture rigide, chose avec laquelle Rockstar a encore des difficultés. De même, les gunfights à cheval donnent régulièrement lieu à des chutes bêtes, votre monture ayant tendance à percuter des arbres de plein fouet. Anecdotique en apparence, cet écueil vous fera parfois échouer lors de missions, vous obligeant à recommencer la section du jeu concernée. Ce qui peut être frustrant, à la longue.
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What a beautiful world

Il y a une chose sur laquelle nous ne pouvons arguer : Red Dead Redemption 2 est magnifique. Il s'agit maintenant de déterminer à quel point il l'est. Son monde ouvert regorge de petits détails qui l’enrichissent. Et même en HD (le test a été fait sur une PS4 standard), le jeu est impressionnant. Les jeux de lumière et les effets météo, la brume en tête, sont saisissants. Des flaques d'eau se forment sous la pluie, pour progressivement sécher au soleil. Ça a l'air idiot dit comme cela, mais ce n'est pas chose courante dans le jeu vidéo. Cependant, les transitions météo et (surtout) jour/nuit sont un peu abruptes, surtout pour les secondes.

Si les différents personnages sont bien modélisés, ce sont leurs expressions faciales qui nous ont bluffé. Elles parviennent à faire passer quantité d'émotions avec une grande justesse, surtout combinées à un jeu d'acteur aussi qualitatif que celui proposé ici. Bien sûr, Red Dead Redemption 2 arrive avec son lot de bugs. Ce qui, malheureusement, est devenu la norme de nos jours. Ceci étant dit, ils sont rares et pas très gênants. Là où les gars de Rockstar se sont lamentablement vautrés avec RDR 2, c'est dans la gestion du HDR. Pour faire simple, ce n'est pas HDR dans le sens où il n'élargit pas la palette de couleurs qui s'affiche à l'écran. Pire, des tests ont démontré que le titre offre un meilleur rendu avec le HDR désactivé (pour les anglophones technophiles, les détails sont ici) ! Avec un budget pareil et un tel savoir déployé, c'est tout simplement incompréhensible.

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L'avis de Lorris - Red Dead Redemption II : parfois, l’ennuyeux, c’est pour le mieux

Red Dead Redemption II est un titre qu’il faut respecter. Non pas pour sa direction artistique, son monde fourmillant de détails ou encore la beauté de ses environnements. Respecter « Red Dead », c’est comprendre, s’approprier et faire corps avec son monde et la manière dont il est régi. Car pour apprécier le dernier né des studios de Rockstar, il faut y jouer de la manière dont les développeurs souhaitent que l’on y joue. Cela passe par votre projection sur Arthur Morgan, un gangster fourbu qui refuse l’avancée inéluctable du monde moderne sur sa bande, sa famille et son beau Far West grisant et paisible qu’il chérit tant.

Qui dit paisible dit souvent ennuyeux, et c’est un peu le mot qui pend aux lèvres d’une certaine frange des joueurs de Red Dead II. Comment les blâmer, puisqu’ils ont raison ? Toutefois, l’ennui, lorsqu’il est bien utilisé, a parfois du bon, quitte à enchaîner les actions de manière ultra séquencée, que cela soit pour entretenir son cheval, fouiller une maison ou chasser et cuisiner son repas. Car si la multiplication des petits gestes du quotidien participe à une profonde immersion dans cet Ouest sauvage, elle n’est pas faite pour tous les joueurs. Cet ennui ressenti est notamment appuyé par la présence de mécaniques de déplacement lourdes et propres aux jeux Rockstar. Pour un jeu dont la mise en chantier a débuté il y a 8 ans, la question reste de savoir si cela reste un choix en terme de game design ou bien le reliquat d’un développement d’un autre temps.

Quoi qu’il en soit, cette lenteur sert au monde de Red Dead Redemption II et à l’appel du contemplatif de tous les instants. La cohérence totale du jeu entre narration et gameplay se cristallise à travers un monde criblé de détails, beau à se damner et dont il faut embrasser la lenteur pour y prendre du plaisir. Retenez bien cela : pour aimer Red Dead II, il faut avoir le temps de prendre et perdre son temps. Prendre son temps, c’est avant tout avoir la force mentale de ne pas enchaîner les quêtes principales l’une derrière l’autre. C’est indigeste, tout d’abord, mais c’est également passer à côté d’un nombre incalculable de petites joyeusetés disposées ici et là par les mains d’orfèvres en plein crunch. Ne nous trompons pas : la carte de Red Dead Redemption II n’est pas un monde ouvert classique, et encore moins un parc d’attractions. Cela reste une succession de biomes dirigistes à souhait et dont les secrets ne se découvrent qu’au moment opportun choisi par les développeurs. Aussi, le jeu nous fait rapidement comprendre qu’il convient de suivre un tracé dans le déplacement, de rester dans une certaine zone de la carte sans vraiment nous pousser à l’exploration ou la recherche du raccourci à outrance. Dans cet exercice, les développeurs de chez Rockstar restent les meilleurs du pire tant ils veulent garder un contrôle total sur la narration. Bonne chance aux errants avides d’action qui traversent les bois et la rocaille au grand galop pour aller plus vite d’un point A à un point B. Vous pourrez, si vous le souhaitez, partir dans des pérégrinations aux quatre coins de la carte aussi vite que possible, mais dans un jeu où aucune réelle mécanique d’exploration n’est mise à disposition, cela reste à vos risques et périls.

À l’inverse d’autres titres classés « mondes ouverts », Red Dead Redemption II nous fait littéralement désapprendre ce que l’on avait l’habitude de faire sur une carte prête à l’exploration. La faute à la volonté d’avoir une mise en scène qui sert le gameplay et non l’inverse. On peut le voir comme un défaut, mais j’aime à le prendre comme une qualité puisque c’est à ce moment que toutes ces années de peaufinage et de crunch hystérique prennent vie sous nos yeux. Chaque décor, chaque environnement, selon l’heure de la journée, peuvent créer une scène improbable, originale et magnifique. Souvent les trois à la fois. C’est dans ces seuls instants que l’on sent l’emprise des développeurs se relâcher pour laisser le joueur face à sa propre création : celle d’avoir choisi d’être là, à ce moment précis, et d'être témoin d’une situation unique. Toutefois, la cohérence de ces séquences faites de bric et de broc faiblit lors des nombreux gunfights qui finissent par tous se ressembler et se terminent trop facilement. La plus-value de chacun de ces combats reste la mise en scène, à travers une quête ou non, qui laisse un peu de côté la partie jeu vidéo pour un aspect cinématographique qui s’en retrouve grandi.

Si un doute subsistait avant d’entamer ce Red Dead Redemption II, c’était concernant sa narration. Comment ne pas tomber dans les grands clichés des films du Far West qui ont littéralement écrasé le cinéma hollywoodien pendant plus de 40 ans ? C’est finalement sur ce point que les équipes de Rockstar ont montré la plus grande maturité. En plus d’avoir eu l’idée originale de mettre l’emphase sur des environnements habituellement délaissés dans la culture du Western (les bayous ou encore la montagne), la narration montre des lignes de lectures cinématographiques d’un genre fort bien approprié et surtout bien digéré, sans être recraché à l’identique pour autant. D’ailleurs, outre l’ambiance parfaitement retranscrite de cette toute fin de XIXe siècle, certaines fulgurances techniques puent le cinéma à plein nez, notamment au niveau des effets de lumière qui rappelleront, entre autres, « L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford » avec un Roger Deakins (directeur de la photographie) alors à l'époque au sommet de son art.

Alors que l’écriture d’Arthur peine à démarrer, l’élan narratif arrive après le chapitre 4, avec un protagoniste principal qu’on découvre fort et torturé. La bande de Dutch évolue, comme une vraie famille, au gré de l’aventure, et on prend un surprenant plaisir, comme pour le reste, à s’assoir au coin du feu pour écouter Hosea ou l’Oncle nous raconter leurs histoires d’antan. Tel le préquel qu’il est, Red Dead Redemption II reste cependant prisonnier d’une campagne principale cousue de fil blanc et pour laquelle on imagine, sans grand mal, le dénouement dès le milieu de l’aventure. Malgré cet écart, le talent d’écriture s’observe dans la myriade de quêtes annexes que vous proposera le jeu et que des personnages, tout aussi farfelus qu’intéressants, viendront agrémenter.

Presque à aborder comme un jeu indépendant blindé de dollars tant il transpire de cohérence, Red Dead Redemption II est un jeu unique qui, malgré un score Metacritic très élevé, semble diviser la communauté de joueurs. Probablement un mauvais jeu vidéo en terme de mécanique de gameplay pur, mais à coup sûr une œuvre magistrale lorsqu’on la prend comme un tout et avec envie, dans un même élan, tel un pur-sang au galop un peu trop vieux pour son temps.
Le succès de Red Dead Redemption 2 est énorme et sans appel. Mais il n’en demeure pas moins vrai qu’il divise. Red Dead Redemption 2 est un jeu qui se construit sur la durée, demandant un minimum d’investissement de la part des joueurs. Et les amateurs de jeux d’action purs et durs seront, à n’en pas douter, décontenancés, voire déçus. Car RDR 2 n’est pas un jeu d’action, mais plus un jeu d’aventure contemplatif incorporant de nombreuses fusillades et autres poursuites. Avec ce parti pris, Rockstar laisse de nombreux joueurs sur le carreau. Et c’est dommage. Mais pour ceux qui iront au bout de l’aventure, c’est un voyage extraordinaire qui les attend.
 
 
Red Dead Redemption 2 se montre tour à tour posé, épique, touchant. Et le parcours d’Arthur, ses failles et ses remises en question, trouveront, au moins en partie, un écho chez vous. Et après plus de 80 heures passées en sa compagnie, il ne nous reste plus qu’une chose à lui dire : “Thanks for the ride, buddy. It was a great one.”
22 novembre 2018 à 11h11

Par

Points positifs

  • Une aventure qui marque durablement
  • Une écriture et une mise en scène au top
  • Arthur Morgan, un digne successeur à John Marston
  • Somptueux
  • Un soucis du détail impressionnant
  • Un jeu qui reste droit dans ses bottes, du début à la fin
  • Une durée de vie monstrueuse, avant même la sortie du mode online
  • La chasse, captivante

Points négatifs

  • Un parti pris qui ne plaira pas à tout le monde
  • Des personnages sous-exploités
  • Un mapping de touches inhabituel, nécessitant un temps d'adaptation
  • Un HDR foireux
  • Mais où est donc RDR 3 ?

Gribouillé par...

pattoune

pattoune

Ours savant

Davantage ours que savant, ce con n'a pas compris que l'hibernation c'est en hiver. Résultat, il reste cloitré dans sa grotte à longueur d'année. Ce qui arrange bien du monde. Mais ce n'est pas un mauvais bougre. Il est même plutôt drôle à l'occasion. C'est souvent à ses dépens mais chut, il faut pas le dire. Ayant été récemment rattrapé par l'eau courante et l'électricité, il est désormais en mesure, après avoir difficilement assimilé les bases de l'hygiène corporelle, de nous livrer tests, news et autres contenus enchanteurs. Il nous reste plus qu'a espérer qu'il ne lui vienne pas l'idée de faire prendre un bain à son PC... Trop tard.
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