La
Bloober Team est « dans le coin » depuis quelques années maintenant, leur histoire ayant connu définitivement plus de hauts (
Layers of Fears, Observer) que de bas (
Blair Witch). Ils reviennent aujourd’hui avec un projet dont ils maîtrisent le carcan : un jeu narratif à l’ambiance horrifique. D’emblée, on savait l’équipe polonaise pleine de développeurs talentueux et passionnés pour ces histoires d’horreur, oscillant entre le cryptique et le simpliste, mais toujours racontées avec le souci du détail et tentant d’innover à chaque fois.
The Medium raconte l’histoire de Marianne, une jeune femme au don particulier : celui de pouvoir traverser et visiter le monde des morts. La spécificité de ce trait se répercute directement sur le jeu, en faisant la mécanique centrale du titre puisque, la plupart du temps, votre écran sera scindé en deux, Marianne évoluant en même temps dans les deux mondes.
Niwa pas !
La narration du jeu se déroule progressivement avec le récit de Marianne, attablée, qui raconte rétrospectivement les événements survenus dans le jeu. Sans trop en dire, le titre se lance vraiment lorsqu’elle reçoit l’appel d’un certain Thomas, qui lui demande de venir le plus vite possible à Niwa, un centre de vacances maintenant à l’abandon où est survenu le meurtre d’une petite fille. Du moins, c’est ainsi que l’histoire commence. Partant d’un fait plutôt banal, le récit s’emballera ensuite pour déployer des retournements de situations et autres apparitions bien senties pour donner une vraie substance à l’histoire, ce qui est assez habituel chez la Bloober Team (avec une exception faite pour Layers of Fear).
Le jeu peut être rangé dans la catégorie des jeux d’enquête narrative avec le potard de l’épouvante poussé vers le haut. Vous dirigez donc Marianne dans des environnements fermés avec une vue caméra fixe à la manière des premiers
Resident Evil/Silent Hill. Si la maniabilité de notre amie peut paraître un peu lourde par moments, cette vue a le mérite de mettre en valeur certains très beaux plans et une mise en scène pertinente, surtout avec une direction artistique très réussie (et on était toujours habitué à ce niveau avec le studio). Si, dans le monde « réel », les décors mettent surtout en avant la décrépitude, le temps qui passe, l’oubli et le côté intemporel des événements, c’est dans le monde des morts que la direction artistique se lâche, avec un vrai côté « si
Agony avait été réussi ». La direction artistique s’inspire ici fortement du travail de l’artiste polonais
Zdzisław Beksiński et dépeint une vision poisseuse, maléfique et sombre de ce pan de l’Outre Monde, rempli de portes de chair, de murs de sang et autre faune tentaculaire.
L'envers du décor
L’Outre Monde, ou plutôt ce simili purgatoire, est un endroit où les âmes tourmentées des défunts èrent jusqu’à pouvoir être « libérées », puisque souvent enracinées dans ce dédale damné à cause d’une mort brutale et traumatisante. Marianne a le pouvoir de se déplacer librement dans cette Outre Terre et peut invoquer des pouvoirs de la lumière afin de mettre les âmes au repos. Cependant, il faudra d’abord retrouver leurs identités, ce qui ne sera pas une mince affaire.
L’enquête de Marianne évolue au fur et à mesure de sa progression dans ces décors ravagés par le temps, à la recherche d’une explication à la mort de « Tristesse », une petite fille qu’elle rencontre dans le purgatoire maudit. Son enquête avance en retrouvant des notes, des photos, des objets qui conservent des « échos » d’événements passés, souvent représentés par des dialogues qui nous permettent de mieux comprendre la structure des événements. Là où l’originalité frappe dans The Medium, c’est donc sur la possibilité d’avancer de manière totalement parallèle à la fois à Niwa, dans le monde réel, et dans le monde des morts, qui est représenté à travers sa parfaite symétrie. L’architecture et la forme des pièces restent la même mais, évidemment, le contenu change brutalement entre les deux mondes. Une porte bloquée par un simple verrou dans le monde réel ? Regardez dans l’autre monde pour trouver un accès simplifié et ainsi permettre à Marianne de contourner les obstacles.
Notre héroïne dispose de quelques « pouvoirs » pour faire reculer les ténèbres et se frayer des chemins dans le monde crépusculaire. On aura par exemple la possibilité de canaliser un puit de lumière pour l’utiliser sur des entraves, de déployer un bouclier divin pour se protéger de bestioles volantes assez agressives ou encore de pouvoir libérer son âme de son corps et ainsi passer certains obstacles pour débloquer le passage dans le monde réel. Histoire de pimenter un peu la progression, le jeu sera ponctué de quelques séquences de cache-cache avec une entité dont on taira le nom (incarnée d’ailleurs par l’acteur
Troy Baker, que vous avez pu voir dans
Death Stranding ou la série
The Last of Us). On sentira d’ailleurs les influences du jeu d’
Hideo Kojima avec, durant ces phases, la possibilité de bloquer sa respiration, vous rendant plus difficilement discernable par la créature. Ces petits passages, bien que techniquement assez mous, permettent de faire varier un peu le gameplay sans pour autant se montrer ratés. Les petits retards techniques sont excusés par la longueur bien gérée de ces événements, et surtout par le fait qu’ils participent au bon rythme de l’aventure. Car oui,
The Medium est un jeu dans lequel on ne s’ennuie pas : les rebondissements et l’enquête donnent envie de continuer, et même si le gameplay peut paraître un poil archaïque par moments, il sera vite rattrapé par des décors et une ambiance sublimés par le travail de dingue effectué sur le son par le compositeur
Arkadiusz Reikowski et le réalisateur et producteur sonore de
Silent Hill,
Akira Yamaoka.
