Test : Hollow Knight : Silksong - Xbox Series

Hollow Knight : Silksong - Xbox Series
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Au milieu du vacarme de la gamescom 2025, il y a eu ce moment où tout le salon a crié d’une seule voix quand la date de sortie d’Hollow Knight : Silksong a été révélée. Notre test arrive avec presque deux mois de retard après cette date fatidique. Que voulez-vous ? C’était le temps nécessaire pour se faire engloutir, recracher, et revenir au clavier avec des doigts encore un peu râpés. Laisser la frustration s’évaporer pour écrire ces lignes sans trembler.

Test effectué à partir d'une version PC

On a vu défiler des wagons de Metroidvania depuis Hollow Knight. Beaucoup s’en sont approchés, mais peu osent cette densité géographique qui ne sature jamais le regard. Silksong la remet, cette barre, un cran au-dessus. L’exploration se déplie comme une carte au trésor dessinée par un horloger un peu sadique. Chaque embranchement semble d’abord anecdotique, puis révèle une couture qui referme deux quartiers, un balcon, un puits en biais, un ascenseur naturel. La verticalité et l’oblique font loi. Là où le premier aimait les lignes franches, Silksong pense en arcs et en diagonales, à l’image des premiers sauts d’attaques verticaux effectués par Hornet, notre héroïne. On anticipe la suite d’un mouvement plus qu’on ne vise une case. Résultat, la topographie est lisible sans être plate, dense sans étouffer, et mémorisable par ses silhouettes. La rime visuelle est reine, un clocher aperçu en surplomb devenant plus tard un repère en contrebas qui éclaire la logique du quartier d’une ville bâtie sur des clochettes, autrefois resplendissante.

Pharloom, sur la route de la soie

Le jeu a ce talent rare de convertir la difficulté en curiosité. Les micro-labyrinthes de plateformes servent de sas entre zones identifiées par une matière, une architecture sonore, une façon de respirer. On râle, souvent. On peste contre une pente pleine de piques dégueulasses, un rebord qui mord, un enchaînement qui punit. Et puis on passe, et l’électrochoc s’inscrit dans la mémoire musculaire. Silksong est difficile, oui. Parfois injuste, oui. C’est précisément ce qui rend la progression si savoureuse quand la porte cède. La fameuse zone pestilentielle (Bilesac, sans la citer) qui accueille avec de l’acide et de l’ironie, illustre ce contrat moral. Rien n’est expliqué, tout est montré. On n’y lit pas un tutoriel, on y apprend une grammaire. Ici, l’exigence et la douleur, c’est le langage de l’exploration.

Silksong

Sur PC, l’exécution suit, l’input est tranchant, l’animation coule à haute fréquence, et la physique tirée au cordeau qui donne sa précision aux sauts, coups et dash pendant plus de cinquante heures. La bande passante des plateformes de jeux en ligne a été mise à genoux le jour J, mais une fois en jeu, la stabilité n’a jamais été remise en question. Pas de bug notable dans mes sessions. Pas de déphasage d’animation qui ruine un saut. La lecture des entrées est parfaite, au point d’oublier la machine. Les options n’étouffent pas sous les onglets, et l’essentiel est là. Affichage net, fréquence qui tient même dans les zones congestionnées. La base tient sur du matériel modeste, et sur une configuration récente, la sensation de contrôle fait le reste.

Silksong

La carte d’Hornet, indispensable dans ce genre de jeu, se dessine au fur et à mesure de votre progression. A l’instar du premier jeu, elle n’est mise à jour que lors des pauses sur les bancs, parsemés dans Pharloom. Sur cette carte qui se dévoile progressivement, on lit des gradients de menace, des promesses d’alcôves, des points de couture entre zones qui deviennent, après coup, des raccourcis élégants. Cette parcimonie d’indicateurs, loin d’être une coquetterie, réhabilite l’observation. On reconnaît un motif de roches, un double fond d’ombres, une découpe d’arrière-plan. L’œil apprend à connaître le monde avant de consulter la carte. Et quand l’on coud ses premiers allers-retours, l’envie d’explorer précède toujours la récompense. Jamais l’inverse. Le level design est toujours un domaine maîtrisé par les développeurs australiens et cela s’est confirmé durant toute notre aventure : des zones qui nous paraissent incompréhensiblement construites et faites pour troller le joueur, révèlent des richesses, une structure et un cheminement bien plus réfléchi qu’il n’y parait.

Silksong, ce n’est pas de l’entre-soie

Silksong est un jeu d’angles. Hornet ne se pilote pas comme son demi-frère, le petit Chevalier. Plus rapide, plus énervée, plus flexible et clairement plus verticale, elle impose un rythme qui oblige à dessiner les trajectoires avant de les tenter. Les combats gagnent en agressivité, les patterns adverses s’épaississent pour vous pousser à exploiter la panoplie de mouvements offerte par la tisserande et, de ce fait, la marge d’erreur se rétrécit sur deux axes, celui de la mêlée et celui de la plateforme. On pourrait débattre de deux ou trois pics de difficulté qui flirtent avec l’injuste, d’une salle qui vous jette à la figure bien trop d’ennemis, d’un rebord de plateforme un point trop haut, nécessitant l’enchaînement parfait. Mais le contrat reste clair. Quand Silksong promet la difficulté, elle est réelle, sans déroute, et la récompense qui suit efface dix minutes de jurons. Le bestiaire, absolument faramineux, fait écho à la richesse presque sans fond du titre qui se vend (seulement) pour 20€, ce qui pourrait passer pour un réel affront par 99% des autres développeurs de jeux indépendants.

Silksong

Soie disant invincible ?

Concernant la musique et l’architecture sonore de Silksong, Christopher Larkin signe une partition plus ample, plus nuancée, qui ne se contente pas d’habiller les zones : elle oriente la lecture du décor. Des pizzicati nerveux sculptent des volumes, des nappes aérées ouvrent des clairières, des timbres plus sombres resserrent les espaces lugubres et dangereux. Le sound design, lui, donne de la matière à la moindre particule évoquant un monde qui n’est pas seulement beau, il est lisible par le son. L’album a d’ailleurs été livré en même temps que le jeu, avec un corpus riche qui tient autant de l’évocation que de la cartographie. On retrouve des thèmes saillants dès l’ouverture, puis un ensemble qui respire autrement dès que la vitesse de Hornet s’impose.

Silksong

L’autre particularité sonore, plus discrète, vient de la façon dont le mixage hiérarchise l’information utile. En pleine zone piégeuse, la musique se retire d’un pas pour laisser les indices de surface gagner un cran. Inversement, dans les sas de respiration, la mélodie recadre l’émotion sans masquer le clapotis des manivelles ou le bourdonnement d’une chambre latente. C’est l’une de ces réussites que l’on prend pour acquise jusqu’au moment où l’on coupe le son pour vérifier une hypothèse. On le remet, et l’on comprend qu’on s’était surtout privé d’un fil d’Ariane.

Silksong garde par ailleurs son goût du récit en périphérie. Les silhouettes parlent plus fort que les paragraphes, les lieux murmurent des histoires courtes, les personnages énoncent des bribes qui deviennent des clés seulement quand on les relit après avoir avancé. Ce n’est pas un jeu qui explique. C’est un jeu qui laisse comprendre. Ceux qui voudraient un synopsis plus appuyé trouveront de la matière, mais l’axe principal reste la lecture du monde par l’action, par l’atmosphère et le son.

Silksong

Comprenez bien, Silksong c’est la densité d’idées, l’entrelacement du monde, le son qui oriente la lecture et, quand on pense qu’on l’a fini, cet Acte 3 qui résonne comme une mise en perspective de tout ce que vous venez de réaliser. La courbe d’entrée pour les nouveaux venus sur la série est si raide qu’elle rebute plus qu’elle ne teste au début, et deux ou trois saillies questionnent sur l’intention pure des développeurs. Rien qui ne se lisse avec l’apprentissage, rien qui ne contredise la vision, mais assez pour nous retenir de clamer la perfection ici. L’essentiel tient ailleurs. Dans cette façon de vous rendre curieux à coups d’aiguille, dans cette fierté étrange, après, quand on se retourne sur une zone dont on avait juré qu’elle était infaisable. Et dans ce souvenir sonore qui reste après avoir quitté le jeu, celui d’une aiguille qui cliquette encore quand l’écran est noir.

Silksong

Silksong, c’est une salle d’escalade où chaque prise a été taillée pour brûler les doigts, une carte cousue serrée qui se dévoile à force d’obstination, des combats exigeants et uniques, une musique qui te sert de fil quand la lumière manque. Exigeant, parfois cassant, voire rageant, mais singulier comme peu de jeux aujourd’hui. Pour qui a faim de monde vivant qui laisse sa place au joueur, c’est un rendez-vous impératif. Enfin, il faut revenir au point de départ. Cette clameur à la gamescom. Elle a tenu parole. Notre mois de retard n’est pas une honte, c’est un délai contraint et obligatoire pour prendre mesure de cette œuvre qui m’a fait souffrir, au moins au point d’en faire mon jeu de l’année.
04 novembre 2025 à 10h41

Par

Points positifs

  • Level design d’orfèvre
  • Sensation d’exploration inégalée
  • BO inspirée et sound design chirurgical
  • Performance PC nette et options essentielles
  • Acte 3 ambitieux qui met tout en perspective

Points négatifs

  • Courbe d’entrée très abrupte
  • Pics de difficulté parfois cassants
  • Checkpoints et intérêt de la double monnaie questionnables
  • Le ledge climb absolument impitoyable
  • Pas franchement pour les jeunes joueurs

Gribouillé par...

Lorris

Lorris

Fin limier du mot

Jean-Claude Van Damme au corps, Jean-Claude Dusse dans la tête. C'est parfois l'inverse.

Twitter : @Yolorris

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