Test : Blue Prince - Xbox Series

Blue Prince - Xbox Series
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Dans le monde du jeu vidéo, rares sont les titres qui parviennent à marier avec brio l'exploration, la réflexion et une pincée de mystère. Blue Prince, développé par Dogubomb, s'inscrit dans cette lignée en proposant une expérience aussi intrigante qu’élégante, où chaque porte franchie devient une énigme, chaque pièce une découverte, et chaque session un pas de plus vers l'inconnu.

Test effectué à partir d'une version PC

Dans Blue Prince, on incarne Simon, un jeune garçon mystérieusement désigné comme héritier du manoir de Mount Holly. Mais ce legs n’a rien d’un simple héritage familial. Le bâtiment, immense et capricieux, cache bien des secrets. L’objectif ? Trouver la 46ème pièce, dissimulée quelque part derrière une antichambre énigmatique, alors même que le manoir ne compte officiellement que 45 pièces. On ne parle donc pas simplement d’exploration, mais d’une véritable quête métaphysique, presque obsessionnelle, dans un lieu en perpétuelle mutation. À chaque nouvelle journée, ou plutôt à chaque nouvelle session de jeu, le manoir se réinitialise. Les pièces sont redistribuées, l’agencement change, les surprises se renouvellent. Le joueur se voit proposer, à l’ouverture de chaque porte, trois cartes aléatoires, correspondant à des salles uniques, chacune possédant ses propres caractéristiques : certaines sont riches en indices, d’autres en pièges, d'autres encore semblent inutiles… jusqu’à ce qu’elles ne le soient plus. Cette mécanique de "draft de cartes", héritée du jeu de société, transforme l’exploration en stratégie. Chaque choix est définitif et chaque détour peut être une erreur ou, au contraire, une avancée décisive. Le jeu exige ainsi une grande capacité de projection, d’adaptation, et une dose non négligeable de sang-froid.


Une hybridation ludique maligne

Ce qui frappe immédiatement, c’est la capacité de Blue Prince à hybrider plusieurs genres sans jamais se perdre. On pense bien sûr aux rogue-like, avec cette boucle de mort et renaissance quotidienne, et cette incertitude permanente sur les ressources disponibles. Mais il y a aussi du dungeon crawler, par la progression pièce après pièce, carte après carte. Enfin, des éléments d’escape game s’invitent régulièrement dans l’expérience, à travers des énigmes parfois tordues, souvent malignes, et toujours intégrées dans l’environnement. Et c’est peut-être là que réside la force du jeu : il n’est jamais littéral dans sa proposition. Il suggère, il invite, il donne des pistes mais ne force jamais. Le joueur est libre de prendre des notes (et il vaut mieux le faire !), de cartographier manuellement les pièces visitées, ou de prendre des captures d’écran à foison. Aucune aide intégrée : c’est vous, votre cerveau et votre sens de l’orientation.

Blue Prince

Carnet en main, l’immersion est totale

Blue Prince renoue avec une forme de jeu à l’ancienne, où l'on s’investit physiquement. Le carnet de notes n’est pas une option, c’est un compagnon de route. On y griffonne des symboles, des chemins, des puzzles à résoudre plus tard. Une salle bleutée avec trois portes ? Notée. Une horloge cassée dont les aiguilles tournent à l’envers ? Notée aussi. Ce système évoque les jeux d’aventure de l’époque pré-GPS, où la mémoire et l’observation étaient des outils essentiels. Ce n’est pas qu’un simple hommage au rétro gaming : c’est une expérience sensorielle. On ressent vraiment le plaisir d’être perdu, d’hésiter, de revenir sur ses pas, de tenter des hypothèses… puis d’avoir ce moment eureka lorsque tout s’aligne enfin.

Blue Prince

RNG : bénédiction ou malédiction ?

La RNG (Random Number Generation) est le cœur battant de Blue Prince, mais aussi son talon d’Achille. Car si cette génération procédurale garantit une rejouabilité presque infinie, elle peut également engendrer une frustration réelle. Il n’est pas rare de tomber sur une série de pièces peu intéressantes, ou de ne jamais retrouver un indice aperçu la veille. Parfois, la 46ème pièce semble à portée de main, puis disparaît totalement à la session suivante. Et pourtant, malgré cette instabilité, quelque chose accroche. Car la RNG n’est pas là uniquement pour allonger la durée de vie : elle incarne la thématique même du jeu. L’idée que tout est mouvant, incertain, insaisissable. Le manoir n’est pas un espace fixe : c’est un être vivant, un puzzle évolutif qui vous échappe au moment même où vous pensez le comprendre. C’est un pari audacieux, qui ne plaira pas à tous, mais qui fonctionne étonnamment bien pour peu que l’on accepte cette dimension expérimentale.

Blue Prince

Ambiance : entre mystère feutré et élégance gothique

D’un point de vue esthétique, Blue Prince est un petit bijou. Le manoir de Mount Holly est un personnage à part entière. Les textures, la lumière, les meubles, les tableaux aux regards étranges… tout participe à une ambiance à la fois feutrée et inquiétante. On pense à des jeux comme Gone Home pour la dimension intime, ou à Outer Wilds pour la complexité de la structure narrative cachée sous l’exploration libre. La bande-son, discrète mais toujours juste, renforce cette impression. Pas de grands thèmes orchestraux, mais plutôt des nappes sonores, des grincements de bois, des chuchotements à peine audibles. On avance prudemment, toujours sur le qui-vive. L’atmosphère est dense, mais jamais oppressante, envoûtante sans être envahissante. Blue Prince demande du temps. Ce n’est pas un jeu que l’on « finit » en une soirée. Il demande de la patience, de la curiosité, de l’implication personnelle. C’est un titre qui prend son temps pour se dévoiler, qui récompense les joueurs qui prennent des risques, qui acceptent de se tromper, de recommencer, de noter. Ce n’est pas un jeu parfait : certains puzzles manquent de clarté, et l’absence d’accessibilité pour les joueurs daltoniens est un vrai manque, mais c’est un jeu qui laisse une empreinte. Une fois quitté le manoir, on continue à y penser, à reconstituer mentalement les pièces, à se demander ce qu’on aurait pu faire différemment. Peu de jeux offrent cette persistante envie de revenir.

Blue Prince

Blue Prince, c’est un jeu de niche, mais une niche pleine de charme. Il ne cherche pas à plaire à tout le monde, et c’est justement ce qui le rend précieux. Si vous aimez les expériences lentes, riches en mystère, qui vous demandent d’être acteur de votre aventure, ce jeu mérite toute votre attention. Il vous fera peut-être enrager. Il vous perdra. Il vous obligera à recommencer. Mais il vous fera aussi réfléchir, noter, explorer, ressentir. Et ça, peu de jeux peuvent s’en vanter.
28 avril 2025 à 11h27

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Points positifs

  • Une ambiance immersive et envoûtante, servie par un design sonore et visuel soigné
  • Un gameplay original, à mi-chemin entre jeu de société, rogue-like et escape game
  • Une rejouabilité exceptionnelle grâce à la génération procédurale
  • Une narration environnementale subtile et réussie, qui récompense les observateurs
  • Une approche old school qui encourage la prise de notes et l’analyse personnelle

Points négatifs

  • Une prise en main parfois rude pour les néophytes
  • Une dépendance au hasard qui peut frustrer, surtout en fin de session
  • Certains puzzles manquent de lisibilité ou de feedback clair
  • Une accessibilité limitée, notamment pour les personnes atteintes de daltonisme
  • L’absence d’un mode d’aide ou journal de quête, qui pourrait faciliter la progression sans dénaturer l’expérience

Gribouillé par...

Lorris

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Jean-Claude Van Damme au corps, Jean-Claude Dusse dans la tête. C'est parfois l'inverse.

Twitter : @Yolorris

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