Entre les mondes de Death Stranding. Créer le lien par le jeu

Entre les mondes de Death Stranding. Créer le lien par le jeu
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Avant les fêtes de Noël, rien de tel qu’une remise à niveau concernant Hideo Kojima et son jeu Death Stranding avec le livre « Entre les mondes de Death Stranding. Créer le lien par le jeu » édité chez Third Editions et dont nous allons un peu parler aujourd’hui.
Être dans la tête d’Hideo Kojima, ça ne doit pas être simple tous les jours et pourtant, c’est le travail qu’a essayé de faire Anthony Fournier dans son livre « Entre les mondes de Death Stranding. Créer le lien par le jeu » édité chez Third Editions. L’auteur prend effectivement le dernier jeu du créateur japonais comme objet d’étude et en profite pour, en plus d’analyser cette œuvre de fond en comble, tirer des liens entre l’évolution de la carrière de Kojima-san et les choix faits pour rendre Death Stranding si unique.

ENTRE LES MONDES DE DEATH STRANDING. CRÉER LE LIEN PAR LE JEU

Death Stranding est donc le premier jeu d’Hideo Kojima en tant qu’indépendant puisque ce dernier avait passé la majeure partie de sa carrière chez Konami, développant la série des Metal Gear Solid (entre autres). Bien plus qu’un simple simulateur de livraison, comme beaucoup le faisaient entendre après la sortie, Death Stranding est un jeu qui divise mais qui a le mérite de déborder d’idées et de prises de risque. En plus de proposer des évolutions en termes de gameplay, ce jeu d’aventure post-apocalyptique avance aussi des messages ainsi que des thématiques marquantes et l’ouvrage en question nous propose d’en tirer des parallèles avec la carrière du génie japonais. Ainsi, le livre se décompose en trois chapitres sur 272 pages, commençant par revenir sur la carrière de Kojima avant d’aborder l’univers du jeu, pour terminer sur une analyse approfondie de l’œuvre.

Death Stranding

La première partie du livre revient donc sur Kojima et sa vie de créateur. On apprend que le natif de Setagaya n’est pas né avec des idées plein la caboche, mais a forgé son destin à travers la passion du cinéma qui l’animait et une capacité de travail hors du commun. En effet, bercé par la télévision et le 7e art, Hideo Kojima voulait devenir réalisateur. Cependant, la culture du travail au Japon ainsi que ses proches l’ont dissuadé (ou du moins empêché) de se diriger vers cette industrie. Ainsi, suivant ses aspirations créatives, il se tourna discrètement vers le jeu vidéo, domaine dans lequel il connaîtra ses premiers succès et Metal Gear sur MSX2, première pierre à l’édifice de sa brillante carrière. Même si la série des MGS prône des messages pacifistes à travers un jeu de guerre, les équipes de Kojima se sont démenées pour comprendre ce que signifie être un soldat, le maniement d’armes à feu, mais également les rouages géopolitiques de la guerre pour donner naissance à cette œuvre à la narration tentaculaire et dense.

Death Stranding

Ce souci du détail, ce perfectionnisme et cette envie de jouer avec le cerveau du joueur, transpirent dans tous les jeux estampillés Kojima. Fort heureusement, la technique s’est toujours adaptée à ses désirs d’innovation même si, plusieurs fois, il a dû s’adapter pour pouvoir terminer les développements dans les temps et éviter de subir le courroux de ses supérieurs. On pensera par exemple à Snatcher, l’aventure narrative cyberpunk de 1988, à moitié terminé dont le parcours de développement ressemble étrangement à un certain Metal Gear Solid V : The Phantom Pain, sorti dans la douleur pour des raisons de conflits entre Kojima et la cellule dirigeante de Konami. D’ailleurs, le livre revient en profondeur sur l’origine des tensions entre le créateur et l’entreprise nippone et comment Kojima est devenu plus grand que ses jeux, ce qui n’est pas forcément toujours idéal pour un éditeur.

Death Stranding

Kojima est une machine de travail, comme le précise l'auteur (Anthony Fournier), mais c’est aussi un directeur créatif génial. S’inspirant de tout ce qui a fait de lui un cinéphile endurci, le développeur japonais s’est amusé au fil des années à offrir aux joueurs de nouvelles manières de profiter de leur médium favori. C’est aussi ça, la grande qualité de Kojima et de ses jeux : réinventer à chaque fois des concepts, des mécaniques, des moments de gameplay qui restent gravés dans la mémoire des joueurs. Les exemples sont trop nombreux pour être cités, mais l’auteur du livre revient sur certains points marquants mis en avant dans les différents jeux et, évidemment, ceux de Death Stranding qui privilégie la reconnexion aux gens plutôt qu’à la guerre, en vous faisant livrer des paquets de ressources à travers une Amérique dévastée et déconnectée.

ENTRE LES MONDES DE DEATH STRANDING. CRÉER LE LIEN PAR LE JEU

Death Stranding est un jeu qui aura beaucoup fait parler de lui, et ce, dès les premiers teasers complètement cryptiques et (franchement) incompréhensibles qu’on nous aura montrés. Kojima adore ce genre de happening : faire saliver les joueurs avec une conception déroutante, mais dont on sait qu’elle sera forcément de qualité vu la carrière de l’homme aux manettes. D’ailleurs, l’annonce était doublement attendue puisque pour beaucoup, Kojima n’est l’image que d’une seule série, et le voir proposer un nouveau concept révolutionnaire a suscité énormément d’attente. Ainsi, ce nouveau projet évoque la symbolique du lien, sous différentes formes, aussi bien entre les gens, sur Terre, que ceux entre la vie et la mort, représentés par les Echoués. L’auteur du livre prend soin de reprendre chronologiquement les événements se déroulant dans l’aventure, tout en s’attardant sur les personnes et leur histoire. Ce deuxième chapitre prend donc le temps de revenir sur ces éléments tout en mettant l’emphase sur les enjeux et les motivations des protagonistes tout en évoquant que la théorie du bâton et de la corde dirigerait les idées derrière les jeux de la carrière de Kojima. En effet, le bâton sert à repousser le mal tandis que la corde ramène le bien vers le protagoniste : une manière d’expliquer que les personnages principaux de ses jeux, et notamment Sam Porter de Death Stranding, mettent en avant un discours pacifique et unificateur à l’inverse de celle véhiculée par la guerre comme la violence ou la domination de l’autre, même si parfois le recours au bâton est nécessaire… Death Stranding est un « strand game », un jeu de lien, dont l’auteur aime préciser la nature même de sa conception, à savoir un objet original, ambitieux et surtout prenant le pari extrêmement risqué d’être sans violence sur un marché où règnent les AAA d’action énervée.

Death Stranding

Enfin, l’auteur termine la rédaction de cet ouvrage en dressant de nombreux parallèles permettant de mettre en exergue les choix de game-design effectués dans Death Stranding et les événements vécus dans la carrière de Kojima. L’auteur nous invite également à porter un regard analytique sur l’œuvre qu’est Death Stranding à travers les nombreuses inspirations que l’auteur aurait utilisées pour son développement. Il souligne également l’inspiration très « meta » de certains éléments observés sur le jeu permettant de tisser d’autres liens cette fois, mais directement entre le joueur en tant que personne.

Death Stranding

Il est toujours un exercice périlleux de vous présenter l’intérêt d’un ouvrage tout en gardant bien de vous en dissimuler le contenu. Ici, le livre « Entre les mondes de Death Stranding. Créer le lien par le jeu » d’Anthony Fournier fait un tour soigné de la carrière d’Hideo Kojima, tout en faisant quelques pas de côté pour en décrire les obstacles et les victoires, jusqu’aux raisons derrière le développement de Death Stranding, ses choix de game-design jusqu’aux enjeux « meta » cachés derrière cette œuvre. Bien écrit et complet, c’est le livre parfait pour faire découvrir l’esprit génial de Kojima à ceux qui ne le connaissaient pas et juste de replonger dans les méandres de ce jeu à l’épaisseur peu commune pour les amoureux de notre médium et des œuvres qui révolutionnent le paysage vidéoludique.
06 décembre 2022 à 15h20

Par Lorris

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