La durée de vie des jeux vidéo

La durée de vie des jeux vidéo
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Histoire de scripts

Les jeux vidéo suivent un déroulement scripté. Le script fait partie intégrante de la quasi-totalité des aventures, ce qui oblige le déroulement des jeux vidéo à s'effectuer selon une ligne scénaristique prédéterminée par les créateurs. Le joueur n'a alors pas de réelle liberté. Pas "réelle", mais on lui offre très souvent l'impression d'être dans un univers immense, en lui octroyant des phases évènementielles lui laissant entrevoir (ou croire) à un monde plus vaste ou encore des alternatives. Il demeure que ces aventures restent trop souvent des espaces fermés (ou semi-ouverts), qui ne laissent au joueur que peu de place à l'expérimentation scénaristique.

Pas si prévisibles que ça

Dans le dédale de genre et d'expériences ludiques, il en existe un particulier : le jeu par ramification visible. A l'image de Farenheit, Deus Ex ou encore StarFox 64, certaines créations, bien qu'ayant chacune des ambitions diamétralement opposées, ont tout de même un objectif en commun : forcer le joueur à ne pas être passif, en lui donnant l'impression de pouvoir interagir efficacement sur le déroulement de l'histoire. Le joueur prend les reines. C'est ce que propose Farenheit par exemple, avec un déroulement en ramification. Le joueur ne sait pas à l'avance ce que chaque alternative qu'on lui propose ouvrira comme "portes scénaristiques", mais cette inconnue force le joueur à prendre son destin en main, et ses décisions au sérieux. L'implication semble d'autant plus importante que les phases de jeux qui en découlent sont d'une grande variété. Il en est de même dans Starfox 64, où les actions scriptés (et autres passages secrets) offertes au joueur lors d'un niveau ouvrent un accès à des planètes différentes selon les choix, ce qui renouvelle l'expérience de jeu. Chaque partie semble donc être unique. On pourrait penser à des jeux gonflés artificiellement, mais l'ambition est d'offrir une nouvelle expérience de jeu à chaque fois que l'on lance le logiciel, ce qui accroît mécaniquement la durée de vie des produits. Ces ramifications doivent être intelligemment amenées et entraînent la définition d'une structure scénaristique solide. Malgré un concept fort, les jeux comme Farenheit demeurent tout de même globalement moins populaires que ceux misant sur la simplicité conceptuelle et scénaristique accessible à tous, et tout de suite. Que ce soit par un concept fort, une idée surprenante, un renouvellement systématique de l'intention de jeu ou une incitation à la rejouabilité, la durée de vie d'un jeu ne peut se dissocier du plaisir qui nous enivre à le parcourir. Mais quelque soit le budget que l'on consacre aux jeux vidéo, le temps que l'on s'autorise à jouer, ou encore l'expérience recherchée, jouer a un coût ! De la même manière, à chaque nouvelle génération, la profession s'impose des coûts de développement toujours plus exorbitants, qui se justifient par une recherche photoréaliste (et parfois même esthétique) toujours plus pointue. La durée de vie des jeux en serait-elle une des victimes collatérales ?

Deus Ex


Fahrenheit


Starfox 64
L'histoire n'a cessé de le prouver, les jeux les plus populaires sont loin d'avoir le monopole du réalisme. Pour quelle étrange raison ?! Serait-ce parce que cette course intransigeante vers on ne sait quel matérialisme désabusé empêche bien souvent de satisfaire la notion pourtant essentielle de plaisir ludique ? Vraisemblablement…
En revanche, les jeux vidéo sont aujourd'hui, et depuis des années, des victimes inavouées de leurs inexplicables ambitions. L'ère de la créativité côtoie bien trop souvent celle de la poudre aux yeux. Combien de jeux à la structure fragile pour un Resident Evil 4 solide comme un menhir ? Combien de jeux médiocres pour un Counter Strike cumulant des centaines d'heures entre amis ? Combien de jeux vides d'intérêt pour un The Sims habité par l'unique notion de créativité ? Combien de jeux d'action inconsistants pour un God of War inoubliable ? Combien de jeux répétitifs et convenus pour un Metal Gear Solid : Twin Snake nourri par l'inventivité ? Combien de jeux insipides et bourrins pour un Ico touché par la grâce ? Combien de jeux aux scénarios lourdauds et ennuyeux pour un Tetris au concept addictif ? Combien de jeux insignifiants pour un Starcraft à la rejouabilité infinie ? Combien de jeux lassants pour un Pro Evolution Soccer exerçant un pouvoir quasi hypnotique chez bien des amateurs de ballon rond ? Combien de jeux courts et finalement assez légers pour un Baldur's Gate long et profond ? Combien de jeux longs et assommants pour un Super Mario Galaxy renouvelant l'expérience à chaque instant ?
Les jeux vidéo permettent ce qu'aucun autre médium n'a jamais autorisé : toutes les formes de créativité et une jouissance quasi charnelle du plaisir ludique. En alliant ces deux aspects, on découvre que l'expérience de jeu ne se résume pas uniquement à une notion de durée scénaristique, mais bien à l'intérêt que le joueur portera à l'application dans le temps. Une notion bien loin des considérations marketing que l'on aimerait nous imposer...
25 février 2008 à 23h00

Par Elf

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