Test : Ghost Trick : Phantom Detective - DS

Ghost Trick : Phantom Detective - DS
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Les créateurs des Ace Attorney reviennent avec une curiosité vidéoludique. Fini le monde impitoyable de la cour de justice pour laisser place à une enquête surnaturelle au pays des fantômes. Ghost Trick débarque donc chez nous, en ce début d'année, avec tout ce qu'il dégage de clairvoyant et d'obscur.
Au départ circonspect en voyant les vidéos de promo de Ghost Trick, je ne comprenais pas ce que Capcom essayait de nous vendre. Il m'aura fallu jouer du stylet pour enfin saisir toute la subtilité de son mystérieux gameplay. Dès les premières minutes, le style, le second degré, la caricature, le détachement, la pertinence et l'exubérance s'imposent. Un mélange détonnant ! Ghost Trick est de ces jeux qui filera probablement dans une gracieuse indifférence. Plusieurs raisons à cela : un, il faut aimer les jeux contemplatifs et bavards ; deux, il faut accrocher à l'exubérance japonisante ; trois, avec les deux premiers points, il faut malgré tout faire la démarche de se le procurer ; quatre, les jeux en fin de vie d'une console subissent souvent la proéminente propagande de sa remplaçante, ici la 3DS. Bref, Ghost Trick ne part pas avec toutes les cartes en main. Mais dans cette équation moribonde, il ne faut pas omettre un point crucial : la paternité des Ace Attorney. Car, nous le verrons un peu plus loin, tout au long de l'aventure l'ombre d'Ace Attorney ne sera jamais loin.

Night Trap

Aussi surprenant que cela puisse paraître, au premier abord Ghost Trick ne me rappelait pas Ace Attorney, mais Night Trap ; des références stylistiques métamorphosées ici à travers une vraie identité. Revenons un peu sur Night Trap pour comprendre ce ressenti. Cinq adolescentes sont enfermées dans une maison. Elles sont entourées de vampires qui n'en veulent qu'à leur... sang. Jusqu'ici, rien de commun. Mais quand un agent entre en scène dans cette étrange demeure, y découvre un système de sécurité constitué de caméras et de pièges burlesques, le ciel s'éclaircit. Tout est relié à un système général que l'on peut piloter de l'extérieur. Le parallèle avec les fantômes de Ghost Trick qui contrôlent les objets et qui doivent piéger les vivants (dans le but de changer leur destin) est alors plus évident. Dans Night Trap, les ennemis étaient, comme dans la toute première partie de Ghost Trick, des hommes en noir à la démarche parfaitement croustillante qui, pour être éliminés, devaient être mis à mal par certains éléments de l'environnement. On observe, on espionne, on constate et on agit au bon moment. Le plaisir du jeu tenait dans ces quelques actions et leurs incidences sur l'histoire. Comme dans Ghost Trick, pour venir à bout d'une situation ubuesque, il fallait cerner la scène dans ses éléments les plus subtils. Même s'il propose - heureusement - bien plus que Night Trap en son temps. Et c'est le moins qu'on puisse attendre 17 ans après ! Quand on le connaissait par cœur, le film interactif de Sega pouvait se bâcler en une petite demi-heure contrairement au titre de Capcom. Ghost Trick propose des personnages tout aussi caricaturaux, majestueusement bien campés et procurant une ambiance esquissée avec talent. L'analogie entre les deux productions s'arrête donc à des considérations esthétiques et conceptuelles puisque Ghost Trick demeure une enquête policière savoureuse et plutôt profonde...

Un air de déjà-vu

Je vous le disais plus tôt, les références à l'univers de Phoenix Wright ne cessent de nous rappeler que Ghost Trick est issu du même studio. Les bruitages de la mise en scène, les musiques, l'assemblage narratif en phases, le design des personnages, et j'en passe. Si le héros avait était Phoenix Wright, on aurait évidemment crié au spin-off génial entaché d'une lueur lésineuse, mais Capcom a préféré l'abandonner à son triste sort d'orphelin, tout en glissant dans son baluchon un test de paternité en bonne et due forme : une prise de risque éminemment respectable... Il n'empêche que les adeptes de Phoenix Wright seront en terrain connu avec la présence de tous les fondamentaux de la série. Vous êtes prévenus !

Aux petits oignons

Le grand intérêt de Ghost Trick tient dans sa narration et surtout sa construction. On nous distille des informations. On oublie intentionnellement de nous donner à manger, laissant des zones d'ombres se noircir. La manière dont on se déplace, d'objets en objets, nous conditionne dans cette étroitesse narrative et permet de s'y satisfaire sans souci, mais non sans frustration. Au départ, le scénar ne me semblait pas vraiment original, mais la manière de le traiter l’est, quant à elle, beaucoup plus ; une originalité qui malheureusement se perd au fur et à mesure de l'aventure dans son intrinsèque répétitivité. L'idée de la mort récurrente comme d'un destin peut-être pas si inéluctable que ça est pourtant ici très bien traitée ("C'est quand même la troisième fois que je meurs."), voire plutôt cocasse. Même si Ghost Trick court vers l'épuisement narratif, il parviendra - j'en suis sûr - à happer bon nombre de joueurs grâce à son écriture incroyablement maitrisée ; des petites phrases dont voici un échantillon ridicule :

"Je n'ai jamais vu personne monter les escaliers comme lui."

"Puisqu'on est louche tous les deux, on peut peut-être prendre le temps de discuter."

"Ca ne vous dérange pas si je continue à travailler pendant que vous parlez ?"

"C'est un de ces machins savants qu'on nous montre en cours de science. Les gens normaux comme nous n'ont pas besoin de savoir ce que c'est."

"Elle cachait quelque chose de façon très louche dans un endroit très louche."
Pour moi, Ghost Trick fait parti de ces grands jeux, bien pensés, bien réalisés, bien écrits. Mais au-dessus de sa coiffe scintillante de bonnes intentions flotte le spectre tacheté d'inconsistantes frustrations. Les déceptions - telles que l'absence de challenge - ne sont pas rares, mais victorieusement contre-pesées par une écriture superlative et une narration musclée. Le point de vue n'est pas forcément original mais la composition narrative se montre ingénieuse et les mécanismes de jeu futés. On regrettera malgré tout la sous-exploitation des fonctionnalités de la DS (double écran, microphone, écran tactile) qui auraient probablement renouvelé l'orientation rigide du gameplay, ou si ce n'est rompu l'élan de monotonie qui s'installe situation répétitive après situation répétitive. A bon entendeur !
24 janvier 2011 à 16h56

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Points positifs

  • La narration
  • L'écriture solide
  • Les personnages
  • Les animations géniales
  • L'humour japonais
  • Certaines situations plutôt surprenantes
  • Une mise en scène pleine de trouvailles
  • Une mécanique de jeu efficace...

Points négatifs

  • ... mais qui ne se renouvelle guère
  • Parfois un peu bavard
  • Le challenge absent
  • Un gameplay qui ne se renouvelle pas
  • Pourquoi faire l'impasse sur les fonctionnalités de la DS ?
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