Test : Baten Kaitos : Eternal Wings and the Lost Ocean - Gamecube

Baten Kaitos : Eternal Wings and the Lost Ocean - Gamecube
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Tout juste remis du succès de Tales of Symphonia, Namco récidive avec Baten Kaitos, jeu de rôle difficilement classable et fruit de sa collaboration avec Monolith Software. Nouveau coup d'éclat en perspective ? Sorti exclusivement sur Gamecube, le titre se veut, au delà des apparences, très ambitieux. Explications. Et verdict, bien sûr.
Baten Kaitos est sorti il y a quelque temps. Ne le cachons pas, pratiquement toute la critique s'est extasiée à son sujet, et je ne chercherai pas à sortir du lot en tentant vainement de le fustiger pour chaque petit défaut rencontré. J'aimerais, un jour, mettre un soft en ruines alors que le monde entier le porte aux nues ; je devrais encore attendre, hélas, car si "BK" ne m'a pas envoyé au septième ciel contrairement à certains - et je les envie, croyez-le - il m'a néanmoins donné envie de philosopher. Oui, c'est exact, et je ne saurais pas vraiment expliquer pourquoi, d'ailleurs. Toujours est-il que j'ai soudainement envie de dire : il faut respecter les jeux. Celui-ci mérite bien des applaudissements, de ceux qui le vénèrent à ceux qui ne l'ont même pas essayé, en passant par ceux qui, comme moi, doivent se contenter de l'adorer. Et je ne la cherche plus, la raison pour laquelle j'en reste là, car elle n'existe pas. Enfin, j'ai décidé de ne pas décortiquer ce titre, car il me semble que vouloir tout dire à son sujet, c'est un peu le massacrer. Voilà.

Riche

L'aventure prend place dans un univers vacillant, marqué par les odieuses actions du démon Malpercio, sorte d'incarnation du Mal qui a notamment aspiré tous les océans de la planète. De ce fait, cette dernière se forme désormais de continents en lévitation, et ses habitants développent des ailes, conséquence logique d'une évolution. Kalas, le personne principal, se démarque rapidement et grossièrement de la masse puisqu'il n'en possède qu'une ; amnésique, il n'aspire qu'à retrouver l'assassin de son père et de son frère, et ainsi venger leur mort. Jusque-là bien linéaire, l'intrigue se complique rapidement lorsque le jeune homme fait la connaissance de Xehla, une "blondinette au teint blafard" (Superhero avait vu juste, je ne peux pas faire mieux) dont la quête concerne l'avenir du monde ; rien que ça ! En fait, le fameux Malpercio, jadis scellé par cinq personnes devenues légendes, est sur le point d'être libéré. L'empire souhaiterait s'en servir, ignorant délibérément les conséquences éventuelles d'un tel acte. Xehla va donc tout faire pour empêcher ce réveil ; quant à Kalas, il se retrouve ainsi plongé dans un contexte indéfinissable, entre soif de vengeance et complots politiques, et il ne commencera à y voir plus clair que très progressivement, au fil d'une intrigue riche et particulièrement intéressante, dont la finesse constitue déjà l'un des plus grands charmes du jeu. Rien de précipité dans Baten Kaitos, l'ensemble prend forme peu à peu, heure après heure, dialogue après dialogue. Cette délicate odyssée mélange tension et grand calme avec une justesse presque inespérée.

Les personnages reflètent parfaitement l'évolution du scénario ; leurs personnalités se développent lentement, mais sûrement, tout en laissant transparaître l'évidente imperfection de l'être humain. J'entends par là qu'ils ont des défauts, parfois des tonnes de défauts, et qu'ils s'en trouvent d'autant plus attachants. Prenons par exemple le protagoniste principal, Kalas : il n'hésite pas une seconde à déclarer son désintérêt pour pratiquement tout ce qui touche à la planète, ne respecte pas forcément son prochain, etc. Xehla ne le supporte pas toujours, et vice-versa. Certains diront "oui, mais l'archétype du macho à moitié borné a déjà fait le tour du monde" ; c'est en tout cas l'une des premières fois qu'on illustre cette réalité sans tomber dans une navrante caricature (évitons les exemples). Je le répète, ce qui surprend et qui va même jusqu'à émerveiller dans Baten Kaitos, ce n'est pas tant l'originalité qui en ressort, car elle n'a fondamentalement rien d'exceptionnel, mais cet amalgame fascinant de finesse et de complexité, capable de transformer toute prise de tête en bonheur continu.

Novateur

Par son gameplay, le jeu se démarque des RPG actuels. D'abord parce que l'on n'incarne pas directement Kalas, mais son supposé ange gardien ; dépourvu d'une emprise totale sur le personnage, le joueur influe néanmoins grandement sur ses actions : il lui parle régulièrement, le conseille, bref, une réelle complicité s'installe entre la personne et l'esprit, complicité dont la solidité dépend d'ailleurs des réponses données par l'ange gardien, c'est-à-dire vous. Cela influe en outre sur ses aptitudes au combat. En clair, ce rôle en apparence secondaire se révèle primordial puisqu'il gouverne le héros dans pratiquement toutes ses décisions, et une fois de plus, s'intègre parfaitement dans le "mécanisme" de l'aventure. Plus que de l'innovation, c'est de l'ingéniosité ! Canalisée avec maîtrise, forcément, puisque ce système aurait pu s'avérer désastreux s'il n'avait pas été si bien exploité. Autre nouveauté de taille, et sans doute facteur numéro un de l'attrait du gameplay, l'utilisation desdites cartes Magnus lors des affrontements : tout repose là-dessus. Ces cartes, qui se divisent en trois catégories - attaque, défense et soutien - confèrent à celui qui les possède des compétences spécifiques. Vous l'aurez compris, chaque personnage a son propre jeu, qu'il doit utiliser à bon escient dans les combats ; la prise en main est relativement rapide, du moins dans l'objectif de réaliser un combat correct. Par la suite, et c'est là que le système gagne tout son intérêt, le joueur expérimenté pourra développer ses propres combinaisons, organiser tout un panel offensif face à un adversaire de tel ou tel élément - puisque, comme le sait tout bon rôliste, le feu anéantit la glace, etc. - et terrasser à peu près tout le monde. Sachant qu'il existe 1022 cartes disséminées à travers le monde, on n'ose même pas imaginer l'étendue de possibilités offertes. Et ça ne s'arrête pas là ; le champ d'influence des cartes Magnus dépasse largement les seuls combats qui vous attendent. De très nombreux domaines y sont rattachés, car elles permettent de capturer l'essence de divers objets pour ensuite en faire sa propre utilisation, comme par exemple traverser certaines zones, interagir avec le décor environnant... Autant de spécificités décrites dans le menu Collection. Personnellement, je n'aurais jamais pensé qu'une telle formule fonctionne aussi bien, sans laisser transparaître de véritable défaut. Dernière originalité de taille, l'acquisition de "levels" passe inévitablement par une petite prière dans le temple du coin ; vous ne rêvez pas, il s'agit là du seul moyen pour transformer l'expérience accumulée en véritable amélioration des statistiques. Bien sûr, cela ne conduit pas seulement à gagner en niveaux, mais également à perfectionner des aptitudes secondaires. Pas transcendant, mais pas désagréable non plus. Il fallait oser.

Superbe

Non content de réunir scénario passionnant et un plaisir de jeu certain, Baten Kaitos se paie également le luxe d'être exceptionnellement bien réalisé. Même si l'on écrivait un article à son sujet deux ans après sa sortie au Japon, on pourrait continuer sans problème à vanter les mérites de sa formidable technique... Eh bien, il semble que ce soit mon cas, non ? Effectivement, "BK" fait partie de ces rares softs qui ne vieillissent pas, tout simplement parce qu'ils ont déjà presque atteint les limites de la console en question, longtemps avant tout le monde. A l'image d'un certain FFVIII. Bref, avant d'affirmer qu'il s'agit là d'un des plus beaux RPG existants, autant argumenter un peu. Déjà graphiquement, je n'irai pas par quatre chemins : voilà le plus beau jeu 2D jamais créé - pour être exact, il s'agit de 3D précalculée façon Chrono Cross, auquel le titre ressemble d'ailleurs beaucoup, ce qui n'a rien d'étonnant vu le nom des développeurs - et si je puis me permettre un brin de subjectivité, il surpasse aisément, dans mon estime, les plus beaux softs 3D. Je ne sais pas, il y a tellement plus de poésie, de lyrisme dans de tels paysages... Fin de la parenthèse. Les décors fourmillent de détails, et affirment leur unicité par des trouvailles pleines d'originalité, ainsi qu'une très grande diversité. Si les combats font la part belle à de splendides effets de lumière, ils montrent aussi l'une des rares faiblesses du titre - qui n'en est pas vraiment une d'ailleurs - à savoir l'animation des mouvements des personnages et ennemis : ça manque de... délicatesse. Rien à faire, tout paraît un brin archaïque ; qui sait, peut-être que les joueurs les plus nostalgiques jubileront ! Mis à part ce très léger faux pas, le reste persiste et signe dans la quasi-perfection : doublages impeccables, accompagnés d'une traduction française apparemment correcte, ce qui s'avère être un énorme compliment lorsqu'on songe au raz-de-marée de ratages venus polluer les si belles entreprises que sont la plupart des autres RPG du paysage vidéoludique. On pouvait nourrir quelques inquiétudes quant à la bande son, sachant que Motoi Sakuraba aime alterner le splendide et l'affreux (davantage l'un que l'autre je vous l'accorde, mais écoutez la bande originale de Shining Force III et vous comprendrez) ; ça en devient presque agaçant mais j'ai le devoir de l'annoncer, le travail effectué demeure admirable, tant les mélodies, déjà grandioses, s'adaptent aux lieux visités avec un terrible naturel. Sakuraba a choisi le bon titre pour être excellent. En bref, un univers presque paradisiaque, quasiment exempt de défauts que l'on pourra admirer et explorer pendant une bonne centaine d'heures. La joie de retrouver cet aspect résolument "old school" culmine également tout au long du jeu ; car l'une des plus grandes splendeurs de Baten Kaitos, au-delà de l'incroyable qualité de sa réalisation et de la richesse indéniable de son scénario, réside dans ce sentiment magique que l'on ressent face à une aventure d'un genre que l'on croyait perdu.
Bijou. Il n'y a pas de meilleur qualificatif possible : la réalisation demeure fantastique et servie par un scénario très riche et bien ficelé, les personnages sont définitivement attachants et parcourent un univers d'autant plus génial qu'il rappelle ceux d'anciens chefs-d'oeuvres du jeu de rôle. Indéniablement, Baten Kaitos dégage une aura. Et cela en fait un jeu d'exception, rare et précieux comme un rubis. En attendant peut-être le diamant FFXII, Baten Kaitos s'impose comme une référence du RPG sur 128 bits, surpassant aisénement tous les autres avec une amusante modestie. Et c'est à mon grand regret, que je me vois dans l'obligation de lui attribuer une note.
16 septembre 2005 à 19h05

Par

Points positifs

  • Scénario prenant, intelligent et furieusement bien ficelé
  • Gameplay aussi novateur qu'accrocheur
  • Réalisation superbe
  • Sakuraba en grande forme
  • Le côté "old school".

Points négatifs

  • Non, je ne peux pas mettre ça, ce serait ridicule
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