The Signifier prend la forme d’une enquête à la première personne, mais une enquête pas comme les autres. Vous incarnez Frederick Russel, un spécialiste en Intelligence Artificielle et Psychologie dans un monde où la technologie est bien plus avancée et où l’intelligence artificielle repousse les limites du possible. Ici, c’est une immense entreprise du nom de Go AT qui mène la danse de la technologie. Un beau jour, Russel est appelé afin d’enquêter sur la mort de Johanna, une personnalité haut placée chez Go AT. Pourquoi appeler Russel, un scientifique de laboratoire pour enquêter sur un décès ? Tout simplement parce que le monsieur est loin d’être un manchot dans son domaine et qu’il a développé une machine lui permettant d’explorer la mémoire ainsi que les rêves, et cela même pour les personnes décédées. Vous l’aurez donc compris, c’est en explorant les songes et les souvenirs de la victime que vous devrez trouver la vérité.
Memories of Murder
Soyons clairs : The Signifier ne plaira pas à tout le monde. Tout d'abord, le titre pourra repousser par son manque d’action. On est ici dans une enquête où il n’y aura que de l’observation, des dialogues et des déductions. Mais l’aspect qui repoussera le plus grand nombre sera son côté cryptique et souvent haut perché. Le cœur de The Signifier est l’exploration de souvenirs et de rêves, de souvenirs flous, de rêves abstraits où le symbolisme s’invitera parfois à la partie et où la logique n’est en réalité logique que dans ce jeu et les songes qu’il dépeint. Sur ce point, il n’y a pas de secret : soit vous aimerez et vous accrocherez, soit vous n’accrocherez pas et donc il vaudra mieux ignorer ce titre. Il ne sert à rien de vous lancer dans l’enquête si l’univers ne vous parle pas.
L’exploration des souvenirs comprend plusieurs phases. Tout d’abord, il y a l’état objectif qui est celui que l’on pourrait qualifier de « réel », les souvenirs et rêves retranscrits comme ils sont. Puis il y a l’état subjectif qui montre en réalité ce que la personne dont on explore le souvenir ressent. Par exemple, dans l’état objectif les parents de la victime seront montrés normalement, alors que dans l’état subjectif ils seront montrés comme un soleil autour duquel les enfants gravitent. Ou encore, une personne très timide ne sera visible que lorsque l’on ne la regardera pas. Ce changement d’état s’effectue simplement en appuyant sur un bouton et apporte un grand plus et de l’originalité au titre. Passer de l’état objectif à l’état subjectif sera toujours nécessaire et constitue même l’une des mécaniques principales. On notera toutes les bonnes idées et le style très particulier que donne le passage d’un état à un autre. Tous les souvenirs à explorer auront des énigmes qu’il faudra résoudre afin de débloquer des parties oubliées et ainsi obtenir des informations et continuer dans l’aventure. Les énigmes demandent souvent de placer un objet abstrait au bon endroit ou d'utiliser un avatar pour pénétrer dans un endroit inaccessible, mais à côté de ça vous aurez des énigmes plus variées et différentes qui ne marcheront que dans un endroit bien précis. Le problème, c’est que souvent l’aspect abstrait perd le joueur et qu’il faudra explorer et réfléchir longuement avant d’avoir le déclic et de comprendre ce qu’il faut faire.
Shape of dreams
Les rêves faisant partie du subconscient, ils n’ont pas d’état objectif. En revanche, pour pourrez les explorer en modifiant leur perception, et c’est de cette manière que vous pourrez progresser. Vous pourrez distordre les décors afin de trouver le bon angle et vous ouvrir un chemin qui vous mènera vers votre objectif. Enfin, l’enquête de The Signifier prend aussi place dans la réalité. Dans cette phase, il n’y aura rien de bien original. Les nouveaux lieux sont débloqués grâce aux informations acquises dans les rêves/souvenirs et vous devrez les explorer, parler à des PNJ, poser les bonnes questions et bien sûr trouver des indices qui pourraient vous être utiles. Soyons francs, les phases dans la réalité sont de loin les plus simples. On bloque souvent dans The Signifier, et on se sent souvent perdu. En fait, le jeu souffre de l’effet « voilà le jeu, débrouille-toi avec ». Le contexte fait que, souvent, quand on fait une avancée ou lorsque l’on trouve un objet, l’étape suivante n’est pas claire et on devra souvent demander l’aide de l’intelligence artificielle qui nous permet l’exploration afin de ne pas se sentir totalement perdu. Et encore, l’aide que cette intelligence artificielle donne ne sera souvent pas très utile.
Notons aussi que, techniquement, le jeu n’est pas au top de sa forme. La modélisation des personnages est moyenne et cela se voit encore plus quand on sort d’une phase subjective, et nous avons pu constater quelques bugs, comme des passages à travers des murs ou encore des objets qui deviennent impossibles à ramasser. En ce qui concerne les personnages, on les trouvera convaincants, et même s'il y a quelques imperfections on est plutôt dans la fourchette haute du doublage (jeu disponible en VOSTFR). Mais, malgré ces défauts, si vous adhérez à l’univers et au concept, The Signifier vaut vraiment le coup d’œil et pas seulement à cause de ses mécaniques. Non, le titre nous raconte quelque chose, il veut partager une histoire avec nous et aborde des thèmes rarement vus dans le jeu vidéo. Des thèmes pas faciles à aborder en temps normal et qui pourront là aussi rebuter certaines personnes, surtout dans certaines situations. En même temps qu’une histoire de meurtre, The Signifier parle de l’évolution de la technologie, de manipulation et de mémoire violée. Beaucoup feront un parallèle et il est vrai que l’on peut ressentir une grande influence d'Observer, le titre de Bloober Team. Mais The Signifier est loin d’être un clone : il possède son univers, son histoire, son concept et son message. Il est vrai que le tout n’est pas parfait, mais son histoire et l’aventure qu’il offre seront assez pour qu’il ne soit pas oublié et pour que personne ne doive sonder vos souvenirs pour le retrouver.