Test : Escape From Paradise City - PC

Escape From Paradise City - PC
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Paradise City est à San Andreas, la ville de prédilection des voleurs de voitures, ce que Sodome et Gomorrhe furent à Lourdes. Apôtres de l’ordre et des amabilités civilisées passez votre chemin. A Paradise City, le chaos domine. Sous la leather skirt, le proxénète frotte l’entre-jambe juteux [sic] des putains malchanceuses et les mafieux de tous horizons, russes ou latinos, échangent salves de kalachnikov au beau milieu des rues. Et figurez-vous que la collectivité se propose de vous payer pour mettre un peu de [dés]ordre dans ce désordre là ! Mais que fait donc la police ? Réponse : "Elle recrute chez Tonton..."
Comme l’annonce sans mentir la quatrième de couverture, Escape from Paradise City tente d’allier jeu de rôle et stratégie en temps réel. Incarnant tour à tour l’un des trois repris de justice que la National Security Agency a débauché contre une remise de peine pour régler les problèmes de Paradise City (un artifice qui permet à l’agence de ne pas compromettre ses agents officiels), vous aurez à investir les milieux interlopes d’une ville qui n’en compte plus guère d’autres de toute manière, avec pour seule consigne : tous les coups sont permis ! Porter, Angel et Boris auront ainsi toute latitude pour se mêler à la pègre selon les manières expéditives qui correspondent à leurs prédilections initiales : crime, extorsion et concussion. Autant l’avouer d’emblée, il sera très difficile de faire la différence entre vous et les malfrats que vous tiendrez en joug au bout de votre canon. Les objectifs différent sans doute mais les méthodes se ressemblent ! Rangez menottes et codes de déontologie. On ne concurrence pas la famille Corleone en vendant des cierges et des hosties.

« La bave du crapaud n’empêche pas la caravane de passer, dit l’ami Fritz »

Accomplir les missions que Whalter Jeffrey Kovacs, votre supérieur [ou plutôt, l’odieuse personne qui vous a forcé à pactiser avec la loi], vous confiera, réclamera que vous vous rendiez maître des quartiers de la ville. Chaque zone de jeu est ainsi divisée en territoires, placés sous la responsabilité d’un boss, qui chaperonne et terrorise la manne des petites frappes et des criminels de second ordre qui gravite dans son immédiate périphérie. En tant qu’agent officieux de la NSA, votre routine quotidienne commencera donc par aller demander [poliment] au patron du coin de vous céder la place. Si l’homme, trop attaché à ses menus privilèges, rechigne à vous livrer les clefs de son territoire, n’hésitez pas à forcer sa bonté en lui collant, par exemple, une dizaine de balles dans le buffet. Une fois convaincu du bien fondé de votre démarche et de la validité morale de votre entreprise [en la matière, une hémorragie constitue un argument imparable], celui qui se félicite déjà d’avoir complaisamment accepté de devenir votre subordonné trainera sa carcasse sanguinolente de commerces en commerces afin de présenter le nouveau patron. Etendre ainsi sa zone d’influence sur un quartier permet de gagner des points de pouvoir qui correspondent en fait à des faveurs potentielles accordées par votre employeur. Après avoir gravi un à un tous les échelons de la grande criminalité jusqu’à devenir [sous-chef de la manutention] une véritable machine de guerre assermentée, vous pourrez ainsi dépenser ces points afin de vous procurer quelques avantages sournoisement iniques lors des petits différents qui vous opposeront à vos voisins de palier : Je ne dis pas que ce n’est pas injuste, je dis juste que ça soulage… Soudoyer un médecin du quartier, piéger une voiture, programmer une descente de police, demander à un sniper de vous débarrasser de quelque importun ou même commander une frappe aérienne, voici un bref échantillon des réjouissances que vous réserve votre affiliation à la NSA… Pour peu que vous ayez su vous en montrer digne. Mais prendre le contrôle d’un territoire c’est, en substance, prendre possession de ses ressources. Si, contrairement à ce qu’en dit l’adage, le crime paie, c’est surtout que le crime coûte ! Acquérir un territoire ne soulève pas les mêmes difficultés que le conserver. Derrière la séduisante allure de l’escroc ambitieux se cache la mine lugubre d’un comptable. Vous aurez donc besoin de subsides afin de recruter les tueurs et les diverses auxiliaires affectés à la défense de vos quartiers. Sans compter l’outillage nécessaire à ces messieurs afin que ceux là puissent assurer convenablement la charge que vous leur avez assignée. Et vous ne pourrez guère compter sur l’argent du contribuable pour financer vos exactions. Heureusement, les hôtels placés sous votre [coercitive] protection vous paieront une dime dodue. Ainsi, si vos fonds s’effilochent et que vous peinez à enrôler de nouveaux assassins ou à d’adjoindre des babioles plus pertinentes en ajout à votre arsenal (les armes peuvent être améliorées), prenez d’assaut un territoire sur lequel vous aurez l’opportunité de racketter plusieurs de ces petits hôtels miteux pour dealers minables et putelettes cocaïnomanes. D’autres ressources méritent toutefois votre attention : les bars qui vous fournissent en boissons stupéfiantes (améliorant temporairement vos aptitudes combattives) ou qui vous permettent de recruter des gardes du corps. Sans oublier, cela va de soi, les quincaillers marchands d’armes, les instructeurs (qui transforment vos compétences en options de combat) ou les commissariats de police.

Vous êtes des hommes d’actions, je vous ai compris !

Mais soyons juste. La part congrue à la gestion de votre patrimoine ne déchainera pas d’intense séance de cogitation stratégique. S’il est toujours judicieux de convenablement sélectionner le quartier à attaquer en priorité (en fonction des ressources dont il dispose et de vos nécessités immédiates), durant la campagne SOLO, le jeu vous pardonnera bon nombre de vos décisions incongrues. D’ailleurs l’essence de Escape from Paradise City, réside dans le combat de rue ! Sélectionnez une future victime de l’autre côté de la chaussée, cliquez sur le bouton droit de la souris et écrivez ainsi l’épilogue sans gloire d’une brève carrière dans le petit banditisme urbain. En vue stratégique, la caméra, placée au dessus de la ville, est libre de toute contrainte et les déplacements se font à la souris ; en vue à la troisième personne, la manipulation des personnages s’apparente davantage à celle rencontrée dans les FPS. La vue stratégique est plus lisible ; la vue à la troisième personne améliore l’immersion. Quant au système de combat, si les attaques classiques s’enchaînent sans temps morts, les attaques plus sophistiquées (frappe précise, tirs répétitifs, etc) et l’activation des compétences auxiliaires, toutes ces bagatelles délicieusement euphorisantes que vous serez susceptible d’acquérir au fil de l’aventure, nécessitent un temps de concentration avant et après usage. Et votre concentration, pour dépendre de votre caractéristique Mental, ne se régénère que très lentement. Il faudra prendre garde à ne pas dilapider sottement vos facultés. Chacun des trois personnages du jeu aborde les inévitables conflits que sa convoitise génère d’une manière qui lui est propre. Nick Porter, homme robuste et laconique, avant de choir dans la fange de Paradise City, a bien failli devenir milliardaire [au frais de quelque riche simplement plus riche que lui] ; aujourd’hui, obligé de troquer comme Richard III son royaume pour un cheval, Nick se damnerait bien pour un fusil automatique ! C’est que la fête foraine est son petit caprice : massacre à distance et balltrap ! La petite Angel Vargas, fraîchement rescapée du couloir de la mort après avoir froidement estourbi une de ses camarades de détention [une saute d’humeur bien excusable - les univers confinés affectent les systèmes nerveux fragiles], n’aime rien tant que trancher les carotides et défoncer les boîtes crâniennes. La môme prise avant tout les accolades pleines de franchises et les empoignades à coups de barre à mine. En deux directs bien sentis, Angel peut expédier ad patrès un gaillard qu’une rafale de MP5 aurait à peine égratigné. Asta la Vista, Moroons ! Quant à l’empâté collègue, le ventripotent Boris Chekov [beaucoup plus turbulent que son aïeul, le petit Anton, valétudinaire notoire], celui-là répugne à se salir les mains, préférant dépêcher des collègues plus habiles à la rouste à toute fin de tranquilliser les fauteurs de troubles. Evidemment, chacun de ces sympathiques représentants en ciboire possède un arbre de compétence qui, comme il gagnera de l’expérience [un vieux pot et hop, une bonne soupe ! Croit-on chez SiriusGames] lui octroiera de nouvelles options de combat. Celles-ci seront toujours compatibles avec les affinités originelles des personnages. Ainsi, la branche « combat rapproché » d’Angel, ninja portoricaine, se montrera beaucoup plus généreuse que celle proposée au joufflu Boris, bureaucrate expert ès corruption, lequel en échange, recevra de quoi améliorer sensiblement l’efficacité offensive des gens qu’il aura mandatés pour accomplir la basse besogne. Une fois la compétence validée dans l’arbre susnommé, il faudra encore à nos agents se rendre auprès d’un instructeur et monnayer la séance d’entrainement nécessaire à la mise à disposition de la dite compétence. Une nécessité susceptible de déclencher une sanglante bataille pour l’acquisition du quartier de résidence du maître ; surtout en multi-joueurs !

Il faut se méfier de nos nerf !

Des missions auxquelles souscrire à chaque coin de rue, une vingtaine d’armes disponibles pour chaque personnage, des breuvages aux noms savoureusement délictueux, des acolytes toujours prêts à défourailler, des compétences en veux-tu en voilà, des combinaisons d’options offensives spectaculaires (et particulièrement drolatiques pour certaines), du vice et de la fourberie à tous les étages, si le cocktail proposé par SiriusGames manque certes d’harmonie on ne pourra lui reprocher de lésiner sur les expédients ! Mais qui tente sa chance à tous les stands (on l’occurrence, gestion, stratégie, RPG, rien que ça) ne décroche pas nécessairement la timbale… La richesse d’un titre ne se substitue pas à sa structure ; au contraire même, elle la subsume ! Et Escape from Paradise City, nanti d’un énorme potentiel, cherche néanmoins vainement sa catégorie d’excellence ! Le jeu tente d’exploiter les bases stratégiques posées par des titres tels que Jagged Alliance et Fallout Tactics mais, réduisant les affrontements à l’illisible cafouillage d’une immense conflagration de coups et d’explosions, la tentative manque à satisfaire l’amateur de subtilités tactiques. Même en vue stratégique, les combats se noient dans une confusion qui finit par exaspérer le joueur. Le problème se serait posé en d’autres termes si, comme dans n’importe quel autre jeu de stratégie en temps réel, le développeur nous avait par ailleurs octroyé la possibilité de diriger nos hommes de mains. Mais soucieux de préserver tout à la fois la dynamique des affrontements et la coopération entre coéquipiers, SiriusGames a opté pour la déplorable ineptie d’un entre-deux qui navre tout à la fois l’adepte d’action et l’adepte de réflexion ; ainsi, plutôt que de prendre le commandement d’une escouade de criminels et de pouvoir finement gérer vos forces, vous ne serez autorisés à donner à vos sbires que de vagues indications, tel que lancer un raid sur un territoire adjacent, ou, concernant vos gardes du corps (qui vous suivent partout avec une pitoyable servilité), à faire usage de leurs compétences spécifiques. La grisante vitalité qui emporte effectivement les parties est donc acquise sur le patrimoine tactique dont aurait pu se prévaloir le jeu. Conséquence de quoi, le plaisir cède assez rapidement la place à la lassitude. Les missions déclinent les objectifs avec un certain luxe d’inventivité mais les procédés permettant de les accomplir se répètent sans guère de variations. Ceci est d’autant plus inexcusable que sous la forme de points de pouvoir ou des options de gestion des territoires Escape from Paradise City affecte laisser aux joueurs des dizaines d’alternatives différentes. Dans la pratique, on s’aperçoit bien vite que la victoire est davantage tributaire de notre rapidité d’action (et de la supériorité phénoménale de notre [anti]héros) que de nos facultés d’improvisations.

Il faut se méfier de tout, vous entendez, de TOUT !

Le jeu pompe également un peu de substance au trayon prodigue des jeux de rôle. Avouons qu’il s’y montrerait plus convaincant si le scénario (pourtant ponctué de méandres intéressants) et la mise en scène (plutôt rigide) effeuillaient avec davantage d’humour les poncifs du film de gangsters ou si, comme la série de Rockstar GTA, le jeu prenait plus ouvertement le parti de se pasticher. Ou si nous avions un véritable contrôle sur les préférences et les affinités des personnages que nous sommes censés incarner. Car si les personnalités de nos trois vedettes nécessitent que nous nous adaptions à leurs petites particularités, elles demeurent cependant trop stéréotypées pour fonder à elles seuls trois manières de jouer. Au travers d’une interface aussi esthétique qu’ergonomique, on explore l’arbre abondamment garni de leurs compétences respectives sans jamais vraiment envisager de l’exploiter en vue de donner telle inclinaison inattendue à nos personnages. Si la curiosité parfois nous leurre, elle ne parvient pas à produire un authentique sentiment de liberté. Les rôles, au fond, ont déjà été assignés… De plus l’équilibre entre les trois impétrants parrains, Porter, Angel et Boris, aurait mérité davantage de soins : Même suppléé par trois gorilles armés jusqu’aux dents, le pauvre Boris peut difficilement concurrencer la force destructrice [et proprement jubilatoire] de cette chère et imperturbable Angel. Mademoiselle Vargas débarque à Paradise City comme William Holden et sa clique débarquait dans le camp retranché du général Mapache. En propageant le deuil et les gerbes de sang avec une désinvolture insolente… Il faut bien reconnaître qu’en dépit des fastidieuses redites que nous assène un gameplay stagnant désespérément à la superficie de tous les genres qu’il aborde, écumer les placettes et les impasses en distribuant à la racaille les paraboles de l’évangile selon Rocky Balboa n’est pas sans procurer quelques joies. Surtout en multi-joueurs où les carences de la finition se trouvent miraculeusement compensées par la frénésie que déchaîne la nécessité absolue d’acquérir certains points clefs !

Renvoyé au terminus des prétentieux ?

La modélisation de Paradise City fait d’ailleurs honneur aux vices qui la criblent. D’un appétit modeste, le moteur mis au point par SiriusGames ne force pas l’hospitalité des systèmes qui l’accueillent. Même une machine vieille de plus de trois ans vous dispensera de la fastidieuse séance de négociation graphique. Et l’esthétique du titre n’est pas en reste. Cartes postales des vastes zones de désolations urbaines qui nécrosent la côte est des Etats-Unis. Des façades en briques lézardées d’échelles de secours, des marchands de hot-dogs aux carrefours, des arrière-cours insalubres, des immeubles abandonnés, des jeunes encagoulés ruminant d’ennui derrière les grilles des squares ou sur le béton tagué des terrains de baskets, des joggeurs aux pas chaloupés, des junkies aux bras bleuis, des battements de cuisses nues vibrant dans le moiré des phares, des bars-aquariums aux cavités très Hooperiennes et au fond marbré desquels sombrent quantité d’épaves-éponges… Buckowski lived here ! Junkyard ! Le souci avec lequel le développeur agence les détails de ses quartiers participe à l’excellente atmosphère qui se dégage de son jeu. Et le temps, souverain méprisant et inflexible de nos minables contingences terrestres suit son cours. Comme les heures passent, les ombres coulent sur le tranchant des pignons à l’angle des rues, la nuit succède au jour [quelle nouvelle !], des averses surviennent tantôt pour lustrer le bitume et arracher à nos infatigables portes-flingues des commentaires acerbes… Des automobiles sillonnent lentement le non-sens délibérément géométrique de Paradise City, aux fenêtres inquiètes, des abat-jours blafards toussotent leur fade lumière et s’il n’y avait la grossièreté de certaines textures, et cette brume omniprésente qui obstrue désagréablement la vue, le bilan technique du titre échapperait à tout reproche. Une réalisation qui troque le cliquant contre la rigueur force le respect de l’utilisateur qui, pour une fois, ne se sent pas pris en otage par des exigences matérielles absurdement dispendieuses. Tempérons cette note positive en évoquant les carences de l’accompagnement acoustique. La mansuétude nous suggère ce sobre commentaire : tout à fait quelconque. Le développeur n’a toutefois pas commis l’impair de traduire en français les éructations intempestives des éminents prosateurs qui auront l’heur de mourir ou de servir sous vos coups. On aurait frémi d’horreur en entendant Angel vagir un pathétique : « Prend donc ça dans les dents, voyou ! »
Le titre de SiriusGames fonce tous azimuts sans jamais s’appesantir sur un point particulier. Télescopage un rien maladroit entre stratégie, gestion et jeu de rôle, échappe à l’oppression des catégories mais paye sa versatilité par une incapacité à sublimer les ingrédients [au demeurant exquis] qu’il tente d’associer. Le développeur se laisse vampiriser par les ambitions qui gouvernent ses projets sans jamais vraiment parvenir à pénétrer la surface des possibilités qu’il affecte nous offrir. L’énorme potentiel du titre s’y délite. Cela étant, si la répétition des situations de jeu et les approximations de la jouabilité hypothèquent effectivement la durée de vie du titre, il serait malhonnête de nier le plaisir procuré par l’exploration des milieux interlopes de cette ville sans foi ni loi. Acceptons de nous régaler d’un peu de pop-corn avant de visionner un bon vieux Bergman…
21 novembre 2007 à 23h20

Par

Points positifs

  • Réalisation modeste mais saine
  • Interface efficace
  • Profusion des possibilités [vaguement] tactiques
  • Trois personnages délicieusement antipathiques
  • Les innocents sont épargnés

Points négatifs

  • Bredouillements du gameplay
  • Combats confus
  • Les innocents sont épargnés ?!
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