Who run the world ? Girls !
Naughty Dog a beau avoir clôturé l’arc scénaristique de Nathan Drake, la saga Uncharted ne l’est pas pour autant. Embourbée dans une guerre civile, c’est en Inde que l’on retrouve Chloé sur les traces d’un ancien artefact et, comme son homologue chasseur de trésors, prête à exploser quelques corniches pour la cause. A la recherche de la légendaire défense cassée de Ganesh, Chloé embarque Nadine dans une épopée plus courte et moins dense qu’à l’accoutumée, mais tout aussi percutante et riche en exploration. Point d’éparpillement ni de balade aux quatre coins du monde, ce qui permet de retrouver un sens de l’aventure plus « direct », voire même plus digeste qui, combiné au nouveau casting, apporte une caution fraîcheur bienvenue. Et ça fait du bien ! Chloé brille par son humour toujours aussi ravageur et un sens de l’ironie qui décrochera plusieurs sourires, et ne dénote jamais tout au long de son crapahutage en Inde de l’ouest. Naughty Dog excelle une fois de plus dans l’écriture des dialogues et la performance de ses acteurs, et si un protagoniste féminin est une bonne chose, la paire avec Nadine tape dans le mille. Les deux femmes n’accorderont pas leurs violons immédiatement, et la nature de l’association est basée sur du polystyrène. Chasseuse de trésors pour l’une et (ex) mercenaire pour l’autre, ces deux mondes s’opposent et il est logique de s’attendre à quelques étincelles. Les visions diffèrent, et quand Chloé affiche une volonté de contrôle pour s’assurer son dû, Nadine quant à elle est anxieuse de tout remettre entre les mains d’une « voleuse » et rechigne à lui faire totalement confiance. La cicatrice de Shoreline (son entreprise de mercenaires perdue dans l’épisode 4) est encore ouverte, et la trahison d’Orca a laissé des traces.
Les échanges entre les filles sont savoureux, parfois touchants et slaloment habilement entre les clichés. La question des femmes dans ce monde d’hommes est même subtilement abordée lors d’un bavardage en jeep, et à l’instar d’Uncharted 4, il est possible de nouer davantage cette relation en activant plusieurs conversations optionnelles au cours du jeu. Pendant la petite dizaine d’heures (un peu moins si vous rushez) que cette expédition propose, on regrettera le rôle d’Asav, adversaire du tandem féminin qui n’offre que peu de relief. Seigneur de guerre somme toute classique, ses motivations n’ont rien de surprenant si ce n’est un idéalisme douteux pour le bien-être de toute une culture. Il a toutefois le mérite de proposer des affrontements pleins de punch, ce qui offre quelques séquences intenses pour Chloé et Nadine.
Pince-moi bordel.
Que dire. Que dire qui n’a déjà été dit devant le maestro de Naughty Dog, qui, une putain de fois de plus (oui je jure, mais c’est justifié), nous étale sur le carreau. C’est beau à en chialer comme un soir de finale de l’Euro 2016, même si on devrait effacer ce souvenir de la conscience collective. Que ce soit lors d’une évasion folle sur les toits sous un déluge démentiel ou à gambader dans une jungle soyeuse comme jamais, Uncharted : The Lost Legacy colle des claques à ne plus savoir qu’en faire. Les paysages, que dis-je, les tableaux, décrochent sans cesse une mâchoire qui n’en peut plus. Mais, dans un élan de masochisme, en redemande. C’est intarissable. Pour ceux qui ont l’œil, le mode photo (activable à tout moment via L3 + R3 et avec de nouveaux filtres, etc.) s'invite au festin visuel. De quoi prendre de belles cartes postales dans ce monde ouvert qui n’en est pas vraiment un.
Seulement un tiers du jeu est concerné par cet aspect, et le temps que vous y passerez dépendra de vous. Si un désir de collection aiguë vous anime (et on vous encourage à récupérer les onze jetons), il est possible de s’y perdre un bon moment. La carte en elle-même n’est pas immense, et il ne vous faudra que quelques minutes pour en faire le tour complet. Mais le plaisir d’exploration est bien présent, les embranchements tout comme les caisses à crocheter nombreux, les trésors bien planqués (d’ailleurs, toutes les énigmes sont des puzzles malins et ne sollicitent pas vos méninges plus que de raison) et, de temps en temps, on tombera sur une unité d’Asav que l’on éliminera sans remords. Ces satanés bidasses apparaissent toujours dans votre dos comme par magie lors de certains moments clefs, et ne brillent pas par leur IA. Ce qui n’empêche pas Chloé et Nadine de faire parler la poudre lorsque nécessaire (rayon nouveauté, on note l’apparition du silencieux pour des phases d’infiltration plus poussée), en plus de distribuer des pains en duo. Il n’est pas rare que Nadine vienne se mêler au corps à corps le temps d’une chorégraphie punitive. L’entente jusque dans les gnons, y a que ça de vrai.
Il y a nombre de surprises dont on ne peut vous parler. Comme ce final, hommage à l’une des meilleures séquences de la saga. Ce moment de calme et de grâce aux trois quarts de l’aventure. Ou encore le background de Chloé, qui est ici dévoilé. Du début à la fin et comme dans les salles obscures devant un blockbuster estival, on graille son pop-corn face à une œuvre que l’on espère infinie, sans clap de fin. Et quand le générique tombe, forcément, on en redemande. C’est exactement le sentiment que nous laisse Uncharted : The Lost Legacy. La musique qui accompagne les crédits est d’ailleurs un indicateur parfait du ton donné par ce nouveau départ. Bien sûr, le plaisir peut toujours se prolonger à plusieurs. Le multijoueur compétitif d’Uncharted 4 est implémenté, et propose son lot de maps (quatorze), modes de jeu et nouveautés, comme la survie en arène. Asav fait son entrée dans les personnages jouables. De nouvelles skins sont disponibles pour les filles. Mais l’essentiel est ailleurs, et mon petit doigt me dit que ce n'est que le début des aventures de Chloé et Nadine.